26 juillet 2010

Retour sur le 13ème Symposium de Symi – un réseau d’amitié avec le monde universitaire, économique et associatif et la clôture du symposium à Poros

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Photo des participants au 13ème Symposium de Symi à Poros (Fondation Andréas G. Papandréou)
Outre les thèmes évoqués, principalement la Grèce et la crise (voir l’article La Grèce et le 13ème Symposium de Symi), et le fait que le symposium dans l’île de Poros a permis de constituer un réseau politique d’amitiés pour les forces progressistes (voir l’article Retour sur le 13ème Symposium de Symi – un réseau politique d’amitiés pour les forces progressistes), le 13ème Symposium de Symi, auquel a participé Ségolène Royal, a également été l’occasion de créer et renforcer un réseau d’amitiés dans le monde des affaires, des universitaires, des économistes, et des associations.
La représentation de The Economist, de la London School of Economics, de Greenpeace, de la Banque Mondiale notamment sont significatives à cet égard de l’importance du symposium.
La présence de la trésorière du Comté de Cook, Illinois, aux Etats-Unis, doit être souligné : le comté de Cook est le deuxième comté le plus peuplé des Etats-Unis après celui de Los Angeles, avec 5,3 millions d’habitants en 2008 ; il fait partie de l’aire urbaine de Chicago. C’est aussi un fief démocrate américain, et le comté où Barack Obama a été Sénateur du Sénat de l’Illinois de 1996 à 2004, date à laquelle il est devenu Sénateur des Etats-Unis à Washington.
Parmi les nombreux participants du monde économique, universitaire et associatif, on note la présence de :
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La ministre grecque de l'Economie Louka Katseli et Joseph Stiglitz (Fondation Andréas G. Papandréou)
-Joseph Stiglitz, professeur d’économie à l’Université de Columbia et prix Nobel d’économie en 2001,
-James K. Galbraith, économiste, professeur à la Lyndon B. Johnson School of Public Affairs et au Département de Gouvernement de l’Université du Texas, à Austin,
-Maria Pappas, trésorière du comté de Cook, Illinois, Etats-Unis,
-Mats Karlsson (voir vidéo et texte), suédois, directeur pays pour l’Afrique centrale, de l’Est et du Nord pour la Banque Mondiale,
-Mary Kaldor (voir vidéo et texte), anglaise, professeure de gouvernance mondiale à la London School of Economics et directrice de son Centre d’étude de la gouvernance mondiale,
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Dimitri Zenghelis (Fondation Andréas G. Papandréou)
-Dimitri Zenghelis, anglais, conseiller du gouvernement anglais et de Lord Stern à la London School of Economics (Grantham Research Institute), conseiller économique de l’innovation à long terme du groupe américain d’électronique, de logiciels et de solutions technologiques Cisco,
-Clark Bruce, éditeur de la section « International » de The Economist et journaliste du département Affaires Internationales du journal,
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Au centre, Kumi Naidoo et Cem Özdemir (Fondation Andréas G. Papandréou)
-Kumi Naidoo, sud-africain, directeur exécutif international de Greenpeace International, premier Africain à ce poste,
-James Fishkin, professeur et directeur du Centre pour la Démocratie Délibérative à l’université de Stanford,
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Paul Cheng (Fondation Andréas G. Papandréou)
-Paul Cheng, chinois, directeur des investissements du fonds Venturesome qui apporte de façon innovante son soutien à des organisations à caractère social de petite et de moyenne taille,
-Anthony Barnett, anglais, fondateur d’openDemocracy.net (voir vidéo et texte), qui publie des analyses de haute qualité, des débats et des blogs sur le monde et la façon dont nous sommes gouvernés ; les valeurs d’openDemocracy sont la démocratie, les droits de l’homme, et le droit à l’expression des points de vues marginalisés,
-Misha Glenny, anglais, écrivain et journaliste audiovisuel – il a été correspondant de la BBC pour l’Europe centrale et continue à être régulièrement consulté sur les Balkans.
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Cérémonie de clôture du 13ème Symposium de Symi à Poros le 15 juillet 2010 (Fondation Andréas G. Papandréou)
La cérémonie de clôture du 13ème Symposium a eu lieu sur une terrasse, les cinq intervenants – Joseph Stiglitz, Mary Kaldor, Georges Papandréou, Misha Glenny et Cem Özdemir – étant assis autour d’une table basse et devant un large public. Elle a duré une heure et demie et s’est achevée à 21h30 heure locale (20h30 en France), jeudi 15 juillet 2010. Elle pouvait être suivie en direct sur internet (pour voir une des 5 vidéos, cliquez sur le chiffre : 1 2 3 4 5 ).
Ségolène Royal, qui est intervenue lors de la cérémonie d’ouverture cette année à Poros, était intervenue lors de la cérémonie de clôture du 12ème Symposium de Symi à Skiathos en 2009. Vous trouverez ci-dessous son intervention lors de la cérémonie de clôture de l’an dernier, dont les thèmes sont – hélas – toujours d’actualité, hormis pour M. Papandréou, qui est devenu – heureusement ! –  premier ministre grec depuis-
En voyant ces images, une question vient à l’esprit : où sera Ségolène Royal l’an prochain à la même époque, quelques jours avant la mi-juillet ? À ce moment là, la période des dépôts de candidature pour la primaire organisée par le Parti socialiste viendra juste de s’ouvrir…
Frédérick Moulin
-oOo-
 
James K. Galbraith – traduction française pour Militants de l'Espoir à Gauche avec Ségolène Royal par F.M & F.M.
« Pour ceux qui font seulement un court séjour en Grèce, les rencontres de Symi représentent une opportunité extraordinaire de savoir en détail ce que l’actuel gouvernement grec est en train de faire et de comprendre comment il essaie de faire face à la crise économique, avec les difficultés financières et l’extraordinaire pression extérieure à laquelle sont soumis le gouvernement, l’économie et le peuple grecs en ce moment. C’est ce qui, pour moi, est l’apport majeur de ces derniers jours. Il s’agit d’un groupe de personnes extraordinaires, avec une intention internationale très affirmée, et bien que je participe à cette rencontre pour la première fois, c’est aussi un groupe de gens dont beaucoup ont été présents à ces rencontres et ont discuté les uns avec les autres au fil des ans, donc une sorte de but commun et de compréhension mutuelle existe autour de la table, et cela permet la discussion. »
 
 Mary Kaldor – traduction française pour Militants de l'Espoir à Gauche avec Ségolène Royal par F.M. & F.M.
« Pour moi, deux points ont été importants lors de la rencontre de Symi. Tout d’abord, ça a été une découverte, la découverte de la Grèce, géographiquement, politiquement, culturellement, mais je pense que nous avons également exposé notre propre point de vue intellectuel, ce qui est très important à la fois au niveau des idées et de la politique ; il s’agit de notre point de vue sur la croissance verte, sur la démocratie délibérative et la consultation civique, sur une politique étrangère basée sur la société civile. » 
Anthony Barnett – traduction française pour Militants de l'Espoir à Gauche avec Ségolène Royal par F.M. & F.M. 
« Je m’appelle Anthony Barnett ; j’ai créé openDemocracy, qui est un site internet qui traite de sujets mondiaux. Je participe aux rencontres de Symi depuis 2004. Les rencontres de Symi sont de merveilleux séminaires, des mélanges étonnants de gens, et il y a l’importante question de savoir comment rendre le monde meilleur, comment être plus démocratique, comment rendre le monde plus équitable et son développement plus durable.
Aux rencontres de Symi les discussions sont d’un genre particulier, par exemple, lors de la première session, ici au 13ème Symposium de Symi, nous avons eu une discussion avec Joseph Stiglitz à propos de la nature de la crise, puis une intervention de Leif [Pagrotsky, NdlR] sur la façon dont il se débrouille en Suède, et de Kemal [Dervis, NdlR] sur la façon dont il a travaillé avec les banques dans une crise équivalente en 1991 en Turquie : il nous a raconté comment il a obtenu des conseils du Mexique, sur le besoin de communiquer, et la volonté est venue avec les débats inhérents à la politique.
Alors la question du développement d’idées nouvelles se pose vraiment, et je pense que nous commençons maintenant à en voir les effets sur la politique menée par la Grèce, mélangés à la réelle expérience des décideurs politiques quant à ce qu’ils ont réussi et aux leçons qu’ils en ont tiré. Et ils tirent ensemble les conclusions de cette découverte de pistes inconnues quant à la façon dont nous créons un monde plus démocratique et au développement plus durable. »
 
Mats Karlsson – traduction française pour Militants de l'Espoir à Gauche avec Ségolène Royal par F.M. & F.M.
« J’ai participé aux rencontres de Symi au fil des années, et ai trouvé l’inspiration qu’on en tirait extraordinaire. Par ailleurs, ceux qui viennent ici forment une grande famille, ils rassemblent une somme d’expériences individuelles énorme, et au cours de ces années, ils ont abordé des sujets très difficiles comme la coopération internationale en matière de paix et de sécurité, mais cette année est spéciale car c’est une année très importante pour la Grèce, tout à fait déterminant pour l’économie grecque, pour la création d’emplois et pour que l’avenir soit positif. Alors maintenant nous espérons réellement pouvoir partager nos expériences pour exercer une influence sur les nombreux choix difficiles auxquels la Grèce doit faire face. Georges Papandréou a été une source d’inspiration pour nous par le passé, et le pouvoir qu’il exerce en tant que premier ministre est très important pour la Grèce en ce moment, alors essayons de voir si nous pouvons lui apporter notre expérience en matière économique alors qu’il dirige le pays.
Vous savez, je pense que d’une certaine façon c’est de l’accumulation de défis dont il est question. M. Papandréou dit, vous savez que nous avons besoin de mettre de l’ordre dans la maison, et cela a de nombreuses conséquences pour le gouvernement mais aussi pour l’économie. Ce matin nous avons entendu la ministre de l’Economie Louka Katseli parler des nombreux défis auxquels doivent faire face le secteur privé et le monde des affaires. Et de toute évidence, quand vous en discutez, l’objectif final se résume à la création d’un plus grand nombre d’emplois, et cela peut uniquement être réalisé avec le secteur privé. D’après ce que je comprends, il y a un léger retournement de tendance actuellement, mais cela prendra du temps avant que des emplois soient créés à grande échelle, et je crois que la définition des priorités et la mise en place des mesures seront les clés pour mener à bien les réformes nécessaires. Il ne s’agit pas uniquement de nouvelles lois, il faut aussi examiner en profondeur le système administratif pour simplifier et ouvrir la dynamique des créations d’emplois. »

L’agence ONU Femmes créée début juillet 2010 est dotée de moyens insuffisants pour une mission de terrain très lourde

63 ans après la création de l’UNICEF, la création d’ONU Femmes (« UN Women ») a été annoncée le 2 juillet 2010 à New York. Elle regroupera 4 entités onusiennes, dont la plus importante est le Fonds de développement des Nations unies pour les femmes (Unifem), instauré en 1976, et la personnalité qui la dirigera aura grade de secrétaire général adjoint, sous l’autorité directe du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon.
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L’agence sera voué à la « lutte contre les inégalités entre les sexes et à l'autonomisation des femmes », les champs d’action seront donc très vastes.
Le secrétaire général de l’ONU s’est personnellement impliqué dans la lutte contre les violences faites aux femmes. En 2008, il a lancé la campagne « Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes ». Nicole Kidman, nommée ambassadrice de l’Unifem en 2006, apporte son soutien à cette lutte.
L’ONU souligne que jusqu’à 70% des femmes sont victimes de la violence au cours de leur vie ; selon les données de la Banque mondiale, le viol et la violence conjugale représentent un risque plus grand pour une femme âgée de 15 à 44 ans, que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis. La violence et l’absence de choix de bien des femmes impliquent une plus grande vulnérabilité : les femmes battues par leur partenaire ont 48% de probabilité de plus d’être infectées par le VIH ; en Europe, en Amérique du Nord et en Australie, plus de la moitié des femmes handicapées sont victimes de maltraitance contre un tiers pour les femmes non handicapées.
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Nicole Kidman, nommée ambassadrice de l’Unifem en 2006, apporte son soutien à la lutte contre la violence des femmes (ONU)
Une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol au cours de sa vie ; et entre 500 000 et 2 millions de personnes font l’objet de traite tous les ans, à des fins de prostitution, il s’agit de femmes à 80%.
Selon l’ONU, plus de 130 millions de filles et de femmes vivant aujourd’hui ont subi une excision, principalement en Afrique et dans quelques pays du Moyen-Orient, et on considère que 2 millions de filles par an courent le risque de mutilation.
Selon une étude de l’ONU, les coûts directs (soins, soutien des familles, justice) et indirects (productivité) des violences faites aux femmes est très élevé : plus de 5,8 Md$ par an aux Etats-Unis, et 23 Md£ par an au Royaume-Uni en y ajoutant l’impact et le traitement de la douleur et des souffrances, soit 440 £ par personne.
Le budget de la nouvelle agence ONU Femmes sera de 500 M$, plus du double des budgets des quatre entités réunies, alors même que les budgets des entités avaient triplé les trois dernières années.
Mais malgré cette progression très significative, la question des moyens alloués à l’agence suscite bien des interrogations. Car les 500 M$ budgétés pour ONU Femmes, c’est 6 fois moins que le budget qui fait référence en la matière, celui de l’UNICEF (3 Md$), et 10 fois moins que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) (5 Md$).
C’est aussi notoirement insuffisant pour mettre en œuvre l’Objectif du Millénaire numéro 3, « Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes », dont les besoins de financement ont été estimés en 2008 par la Banque Mondiale à un montant compris entre 60 et 80 Md$.
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Pour parvenir à atteindre cet objectif, l’ONU s’est donnée pour cible d’ « éliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d’ici à 2005, si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard ». La cible sera difficile à atteindre, et l’ONU énonce dans son point d’étape de septembre 2008 trois faits :
-« seulement 18 des 113 pays qui ne sont pas parvenus à la parité des sexes dans les écoles primaires et secondaires avant la date butoir de 2005, ont des chances d’atteindre cet objectif d’ici 2015 » ;
-par ailleurs, si les filles comptent pour « seulement » 55% de la population non scolarisée, cette moyenne cache d’importantes disparités, une grande inégalité entre les sexes persistant pour l’enseignement primaire dans certaines zones, notamment en Afrique subsaharienne, en Asie occidentale et en Océanie. De plus, dans ces zones, le problème de l’eau a un impact important sur les femmes et les filles : ce sont elles qui passent le plus clair de leur journée à aller puiser de l’eau, et nombres de filles ne vont pas à l’école faute de sanitaires privés et décents ;
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Photo : ONU
-d’autre part, entre 2000 et 2008, le pourcentage de sièges parlementaires tenus par des femmes n’est passé que de 13,5% à 17,9%, et ce taux n’est supérieur à 40%, tout en restant inférieur à 50%, que dans 5 pays au monde, dans l’ordre : le Rwanda, la Suède, Cuba, la Finlande, et l’Argentine. En janvier 2008, seulement 7 des 150 chefs d’Etat élus et huit des 192 chefs de gouvernement étaient des femmes.
Car au-delà du budget alloué à ONU Femmes, on le voit bien, c’est l’action sur le terrain qui sera primordiale. Or au budget d’ONU Femmes correspond actuellement un effectif de 284 personnes, contre 7 200 pour l’agence de référence pour les associations, l’UNICEF (soit 25 fois plus !), 3 334 pour le PNUD et même 900 pour Onusida, qui chapeaute les diverses agences spécialisées dans la lutte contre le sida. C’est tout à fait insuffisant pour être présent sur le terrain ; les 330 ONG qui avaient mené une campagne pour la création d’une agence onusienne des femmes, la « Gender Equality Architecture Reform Campaign », estimaient qu’il fallait au minimum 1 Md$. Cet objectif sera difficile à atteindre, nombre des pays membres de l’ONU ne voulant pas d’un « Unicef bis », regrette Daniela Rosche d’Oxfam, confédération de 14 organisations qui agissent contre les injustices et la pauvreté dans plus de 100 pays. À défaut d’avoir ses propres structures, ONU Femmes devrait s’appuyer, au moins temporairement, sur les structures du PNUD, présent dans (seulement) 135 pays. Une béquille pour les premiers pas d’ONU Femmes…
Au niveau des soutiens, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, malgré la crise qui risque de refroidir bon nombre de pays contributeurs, verseront à ONU Femmes le double de ce qu’ils versent aujourd’hui à l’Unifem. La France de Nicolas Sarkozy est, on s’en doute, un mauvais élève : elle reste au 17ème rang des pays donateurs.
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Dessin de Muzo
Reste à connaître le nom de celle qui prendra les rênes de l’agence : une liste de 10 noms circulent dont 7 Africaines, mais la favorite, qui n’est pas dans la liste, est Michelle Bachelet, présidente socialiste chilienne de mars 2006 à mars 2010, et première femme à être élue présidente au suffrage universel direct en Amérique du Sud. Ségolène Royal était venue la soutenir lors du second tour de l’élection présidentielle en janvier 2006. Dès le 30 janvier 2006, Michelle Bachelet avait tenu une promesse faite lors de sa campagne en instaurant la parité dans son gouvernement, annonçant la nomination de 10 ministres femmes et de 10 ministres femmes.
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Michelle Bachelet et Ségolène Royal en janvier 2006 (photo : Patrick Bruchet)
D’autres rumeurs évoquent aussi le nom de Mamphela Ramphele, militante anti-apartheid et ancienne directrice générale de la Banque Mondiale.
Frédérick Moulin
Sources : www.un.org/fr, Mission difficile pour l'agence ONU Femmes, Le Monde daté du 22 juillet 2010, LeMonde.fr du 2 juillet 2010, Wikipédia

24 juillet 2010

La vidéo du discours de Ségolène Royal, en Grèce

http://www.dailymotion.com/video/xe3lvp_les-solutions-alternatives-a-la-cri_news

18 juillet 2010

Sur les alternatives progressistes à la crise du système



Poros, le 13 juillet 2010
Chères amies, chers amis,

Quelques nouvelles de Grèce où je participe à une réunion de travail qui rassemble, quatre jours durant, des responsables politiques de premier plan et des chercheurs de haut niveau autour de la question des alternatives progressistes à la crise du système qui n'en finit pas d'ébranler le monde et, tout particulièrement, l'Europe.
J'y ai été conviée par la fondation Papandreou. Il y a ici des participants de tous les continents, venus pour échanger des idées et des expériences. Une des questions majeures versée aux débats : quel rôle pourrait jouer dans le monde qui vient une Europe capable de surmonter ses divisions et de porter un modèle alternatif de développement ?
En complément des sessions plénières, des ateliers sont plus particulièrement consacrés à la Grèce qui, comme vous le savez, a été la première cible de la spéculation des marchés financiers et a dû s'engager, en contre-partie de l'aide qui a fini par lui être apportée par l'Europe et le FMI, dans un effort draconien d'assainissement de ses finances publiques aux conséquences sociales très dures pour le peuple grec.
Nos travaux ont commencé hier lundi par une séance inaugurale consacrée à l'avenir de l'Europe dans la globalisation, au cours de laquelle j'étai invitée à prendre la parole.
Après l'allocution de bienvenue de George Papandreou, Catherine Ashton, qui est depuis novembre 2009 à la tête de la diplomatie européenne en tant que Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a lancé le débat en évoquant ce que sont, de son point de vue, les principaux enjeux d'une affirmation de la voix de l'Europe dans le nouveau monde multipolaire qui émerge.
Ivan Vejvoda, qui dirige la Fondation des Balkans pour la démocratie et a particulièrement travaillé sur les transitions démocratiques dans les pays de l'ex-Europe de l'Est, ainsi que Toomas Hendrik Ilves, Président de la République d'Estonie, nous ont fait part du regard qu'ils portent sur les atouts dont dispose l'Europe pour peser. L'Estonie est un petit pays (1,4 million d'habitants) qui a recouvré son indépendance en 1991, deux ans après la chute du mur de Berlin. Ses performances dans les domaines de l'innovation et des nouvelles technologies de la communication lui ont valu le surnom d'e-stonia. C'est en Estonie qu'a été mis au point le logiciel Skype qui permet de téléphoner gratuitement dans le monde entier, via Internet, et compte aujourd'hui des centaines de millions d'utilisateurs. Le gouvernement estonien est également pionnier de l'administration numérique et du vote électronique. L'Estonie devrait intégrer la zone euro début 2011.
Dans mon intervention, j'ai souligné combien, à mes yeux, l'Europe bousculée par la crise se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins : soit nous nous en tenons à cette « gouvernance par défaut » qu'illustrent les limites du Pacte de Stabilité et cédons à la tentation de divisions accrues (dont a récemment témoigné le temps perdu à faire acte de solidarité avec la Grèce durement attaquée par les spéculateurs), soit nous construisons ensemble un véritable gouvernement économique capable d'anticiper, d'impulser, d'accompagner et de protéger afin de faire de l'Europe notre force commune dans un monde où de nouveaux rapports de forces se dessinent et où la finance doit être remise à sa plce. Pour moi, je l'ai souvent rappelé, les Etats-Unis d'Europe constituent l'horizon politique de l'union renforcée dont nous avons plus que jamais besoin pour rester dans la course et l'orienter dans le bon sens. La tentation du « chacun pour soi » est un mauvais calcul car elle fait le lit des populismes locaux et de notre marginalisation collective.
Il ne faut pas, disait-on en 1929, « gâcher une crise ». Cela signifie qu'il faut agir sur ses causes et y apporter des réponses de nature à prévenir de nouvelles crises. Dans les années 30, comme l'a rappelé Daniel Cohen (voir la rubrique « lu pour vous » sur le site Désirs d'Evenir), les gouvernements européens ont mis en place à contre-temps des politiques de rigueur qui ont plongé leurs pays dans la récession, avec son cortège de conséquences dramatiques sur le plan social et politique (deux ans plus tard, Hitler prenait le pouvoir en Allemagne...).
Aujourd'hui, les plans d'austérité qu'applique un grand nombre de pays européens sous la pression conjuguée des marchés financiers, de Bruxelles et du FMI, relèvent souvent d'une idéologie de l'orthodoxie budgétaire dont on peut craindre qu'elle soit non seulement très coûteuse socialement mais anti-économique.
Bien sûr, la réduction des déficits et la maîtrise des finances publiques sont choses nécessaires. Mais cela suppose qu'on ne se trompe pas de tempo et qu'on ne commence pas par écraser, au prétexte d'une doxa petitement comptable, les chances de reprise dans une Europe où la croissance est aujourd'hui la plus faible du monde.
Or tout se passe comme si, sous l'injonction arrogante des marchés financiers et des agences de notation, on était vite passé de l'autre côté du cheval : après les discours de 2008 sur le retour de l'Etat et les vertus redécouvertes du volontarisme économique, voilà que revient par la fenêtre la vieille rengaine de l'Etat minimal, des services publics budgétivores et d'une austérité particulièrement dure aux plus fragiles. Et cela alors même qu'une des causes des désordres mondiaux, ce sont les inégalités insupportables qui n'ont cessé de se creuser.
Ce devrait être à l'Europe de porter haut et fort un modèle alternatif qui fasse de la performance économique et de la justice sociale un couple indissociable, qui réhabilite le rôle de la puissance publique, qui accélère la croissance verte et la social-écologie, qui définisse les « biens publics » qui doivent être garantis à chacun à l'abri de la marchandisation à outrance, qui promeuve une démocratie plus participative comme condition de l'efficacité des politiques publiques.
Je crois profondément que le monde qui vient a besoin d'une Europe au clair sur ses valeurs, à l'écoute de ses peuples, capable de cohésion et de cohérence dans l'action, porteuse d'une parole forte en accord avec ses actes.
A Poros, où se déroulent nos travaux, c'est un point de vue partagé par beaucoup. Et notamment Joseph Stiglitz, qui intervient aujourd'hui pour tirer les leçons de la globalisation de la crise et tracer quelques pistes pour une action progressiste décidée non seulement à en sortir mais à éviter qu'on y retombe à la première occasion. Il est particulièrement scandalisé par la spéculation qui s'est attaquée aux maillons réputés les plus faibles de la zone euro et par ces lobbys financiers, renfloués sans contre-parties par les pouvoirs publics, qui mordent sans vergogne « la main de leurs sauveurs ». Partisan d'une régulation ferme de la mondialisation, d'une taxe sur les transactions financières (hélas rejetée par le G20 de Toronto) ainsi que d'une séparation des activités bancaires de dépôt et de marché (sujet apparemment tabou en Europe), Joseph Stiglitz craint, lui aussi, que l'obsession de la réduction immédiate des déficits publics ne fasse plonger l'économie. Il trouve l'Europe bien timorée dans ses réponses à la crise.
Cet après-midi, je suis impatiente d'entendre James Fishkin qui est l'inventeur, aux Etats-Unis, des « sondages délibératifs » dont la démarche, à l'opposé des sondages traditionnels, s'apparente à certains égards à celle des Jurys Citoyens que j'ai mis en place en Poitou-Charentes (panels représentatifs de la diversité sociale et surtout temps d'information et de débats permettant à des « profanes » de participer à une « délibération éclairée »). Je me réjouis que la question, à mes yeux essentielle, d'une démocratie plus participative, favorisant l'implication active des citoyens dans les décisions qui les concernent, ait pleinement droit de cité dans cette réunion de travail où il s'agit d'explorer ensemble de nouvelles réponses politiques aux problèmes du monde d'aujourd'hui.
La journée de demain sera principalement consacrée aux questions relatives à la lutte contre le changement climatique, au soutien aux énergies renouvelables et à la croissance verte comme gisements d'emplois d'avenir.
Gerd Leopold, océanographe et responsable de Greenpeace International, Joe Stanislaw, fervent partisan d'une approche globale des questions énergétiques (dans toutes leurs dimensions : locales et internationales, écologiques, économiques, de santé publique, etc.), Dimitri Zenghelis, membre du groupe qui a élaboré le « Rapport Stern » à la demande du gouvernement travailliste britannique et chiffré « le coût de l'inaction » écologique ainsi que Tina Birbili, Ministre grecque de l'Energie, de l'Environnement et du Changement climatique aborderont les enjeux du « droit à une énergie propre » et les choix qui inspirent les politiques volontaristes du gouvernement grec.
Vendredi 15, la séance plénière sera consacrée à un exercice plus prospectif autour de trois scénarios possibles pour l'Europe à l'horizon 2020, dans une perspective d'affirmation de son leadership. Les principaux intervenants seront Mary Kaldor, professeur à la London School of Economics, spécialiste de la mondialisation et partisane d'une politique étrangère mieux intégrée à l'échelle européenne, Cem Ozdemir, co-président des Verts allemands et premier Allemand d'origine turque à avoir été élu député, Alex Rondos, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Grèce et ancien collaborateur de George Papandreou lorsqu'il était Ministre des Affaires étrangères, ainsi que Mark Medish, ancien collaborateur du Président Clinton et aujourd'hui conseiller à la Fondation Carnegie pour la paix internationale.
Voilà, chères amies, chers amis, un aperçu, non exhaustif, du programme de cette réunion de travail qui croise fort utilement les regards de chercheurs et d'acteurs qui ont en commune cette conviction : le monde change et l'action politique doit, elle aussi, changer.

Bien amicalement,

Ségolène Royal

11 juillet 2010

Bernard Thibault (CGT): «Sur les retraites, l'exécutif va devoir bouger»

Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, met la pression sur le gouvernement. Sans demander la démission du ministre Woerth (qui ne «modifierait» rien), il exhorte l'exécutif à «bouger» sur les retraites «ou alors on aura une importante crise sociale à la rentrée». Il critique aussi le présidentialisme, la situation politique et les rivalités à droite: «Jean-François Copé (le patron des députés UMP) a sa propre stratégie politique, et le groupe parlementaire est de plus en plus au service de sa stratégie.» Dans la nuit du mercredi 7 au jeudi 8 juillet, la majorité a rejeté un amendement du gouvernement qui aurait permis d'instaurer une once de dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés.
Le ministre du travail, Eric Woerth, est-il affaibli?
Oui. (Long silence) Mais le personnage clé, c'est le président de la République. Nicolas Sarkozy peut bien remanier, mettre n'importe qui pour mener le dossier retraites: c'est lui qui ménera la réforme. Cette séquence fragilise (l'exécutif): avoir le ministre porte-parole de la réforme dans cet état-là... Mais un changement de ministre ne modifierait rien. D'autant que lorsque j'entends les hypothèses sur un remaniement... Xavier Bertrand (secrétaire général de l'UMP, ministre du travail de 2007 à 2009) serait tout sauf un gage d'ouverture: c'est quand même un de ceux qui ont enterré le thème de la pénibilité lorsqu'il était au ministère du travail! Le mot d'ordre en ce moment, c'est: «il faut à tout prix sauver le soldat Woerth». Le dossier retraites risque d'être pris en otage de cette situation. Car si le gouvernement esquisse le moindre mouvement, il sera interprété à partir d'une autre grille de lecture, celle de la polémique politique actuelle. Pourtant, l'exécutif va devoir bouger sur les retraites. Ou alors on aura une importante crise sociale à la rentrée.
Comment décririez-vous la situation sociale et politique?
J'ai été un des premiers à mettre en garde: dès lors que le président de la République revendiquait d'intervenir sur tout, dès lors qu'il prétendait être l'omniprésident, il était évident que ça allait provoquer une situation de blocage, tôt ou tard, et singulièrement sur les questions sociales. Je crois qu'on y est, ou en tout cas on n'en est pas loin. La situation actuelle peut déboucher sur une crise institutionnelle : quand le président gouverne au lieu de présider, en cas de mécontentement lourd, on arrive à un blocage. C'est très préoccupant.
Il n'y a plus de structures d'appel. Un président de la République, c'est quelqu'un qui sait apprécier ce qui est acceptable ou bien ce qui rejeté par le pays. Il sait prendre le recul nécessaire, éviter les blocages. Or, Nicolas Sarkozy a théorisé le fait qu'une fois élu, il avait les pleins pouvoirs. Quoi qu'il arrive, quels que soient les sujets (même ceux qu'il ne maîtrise pas forcément), les mécontentements et les protestations, il arbitre, et son choix s'impose. Au motif qu'il a été élu, il prétend avoir une légitimité de fait pour arbitrer, quoi qu'en pensent les autres acteurs, voire contre l'avis unanime des autres acteurs. C'est ce qui s'est passé avec les retraites: tous les syndicats disent qu'il s'agit d'une "réforme injuste", il n'y a pas photo.
Comment sortir de cette situation?
Ça... je n'ai pas la clé. Syndicalement, on n'a pas forcément la clé.
Est-ce que la crise politique actuelle ne peut pas vous profiter?
On n'en profite pas du tout. Dernier exemple, dans la nuit de mercredi à jeudi (7 et 8 juillet), avec le texte sur le dialogue social dans les TPE. Le patronat a fait un lobbying d'enfer pour obtenir du groupe majoritaire à l'Assemblée de s'opposer au texte du gouvernement... Là, on touche au jeu à droite qui est déjà à l'œuvre dans la perspective de la présidentielle: Jean-François Copé (le patron des députés UMP) a sa propre stratégie politique, et le groupe parlementaire est de plus en plus au service de sa stratégie. Dans cette configuration politique, il devient particulièrement compliqué d'assumer des responsabilités syndicales. En fonction des circonstances, l'interlocuteur déterminant change. Un coup, c'est le président de la République, un coup le président du groupe UMP – ce n'est jamais un ministre, pas même le premier ministre. Alors on peut faire le remaniement qu'on veut, je crains que ça ne change pas grand-chose...
Que reste-t-il du texte sur le dialogue social dans les très petites entreprises?
Il est vide de sens. On va organiser des élections tous les quatre ans pour les salariés des TPE uniquement pour qu'ils s'expriment sur des préférences syndicales sans que ça ait d'impact sur leur quotidien. C'est stupide! Ce vote ne servira à rien, sauf contribuer à définir la représentativité nationale des syndicats. Le groupe UMP a repris in extenso la théorie patronale (la CGMPE et le Medef, car d'autres organisations patronales étaient pour), qui exclut de faciliter la moindre présence dans les TPE. C'est une démarche très antisyndicale. Ce sont pourtant les mêmes députés qui ont voté la loi du 20 août 2008 sur la représentativité... Mais on n'est plus en 2008, la configuration politique est différente.
Une configuration politique assez folle, à vous écouter...
Oui, bien sûr. Et à ce point critique qu'elle génère un sentiment que les élus sont tous pourris. Dans une démocratie, on ne peut pas se satisfaire de la montée de ce genre de sentiment. C'est préoccupant, indépendamment des préférences partisanes qu'on peut avoir. Ce n'est pas sain.
Le climat est-il favorable pour une forte mobilisation début septembre? Car le calendrier n'est pas idéal, été oblige...
Il a été fait pour nous compliquer la tâche. C'est la troisième fois qu'on nous fait le coup d'une réforme en juillet, après les décrets Balladur de 1993, la loi Fillon de 2003... Cette fois, ils ont quand même senti le vent du boulet, et renoncé au plan initial qui était de faire adopter la loi en juillet. Mais l'examen du texte commencera quand même très tôt, le 6 septembre. On a été capables d'une grande action nationale un 24 juin, ça ne s'est jamais vu à cette échelle-là depuis de très nombreuses années. On a créé les conditions pour fixer un RDV à la rentrée, le 7 septembre. Le calendrier est serré. Les premières mobilisations d'ampleur lors d'une rentrée, c'est en général plutôt fin septembre début octobre, jamais plus tôt... Mais je pense que la mobilisation sera d'ampleur, à la grande surprise du gouvernement.

  • Lire Aussi
    Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, met la pression sur le gouvernement. Sans demander la démission du ministre Woerth (qui ne «modifierait» rien), il exhorte l'exécutif à «bouger» sur les retraites «ou alors on aura une importante crise sociale à la rentrée». Il critique aussi le présidentialisme, la situation politique et les rivalités à droite: «Jean-François Copé (le patron des députés UMP) a sa propre stratégie politique, et le groupe parlementaire est de plus en plus au service de sa stratégie.» Dans la nuit du mercredi 7 au jeudi 8 juillet, la majorité a rejeté un amendement du gouvernement qui aurait permis d'instaurer une once de dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés.
    Le ministre du travail, Eric Woerth, est-il affaibli?
    Oui. (Long silence) Mais le personnage clé, c'est le président de la République. Nicolas Sarkozy peut bien remanier, mettre n'importe qui pour mener le dossier retraites: c'est lui qui ménera la réforme. Cette séquence fragilise (l'exécutif): avoir le ministre porte-parole de la réforme dans cet état-là... Mais un changement de ministre ne modifierait rien. D'autant que lorsque j'entends les hypothèses sur un remaniement... Xavier Bertrand (secrétaire général de l'UMP, ministre du travail de 2007 à 2009) serait tout sauf un gage d'ouverture: c'est quand même un de ceux qui ont enterré le thème de la pénibilité lorsqu'il était au ministère du travail! Le mot d'ordre en ce moment, c'est: «il faut à tout prix sauver le soldat Woerth». Le dossier retraites risque d'être pris en otage de cette situation. Car si le gouvernement esquisse le moindre mouvement, il sera interprété à partir d'une autre grille de lecture, celle de la polémique politique actuelle. Pourtant, l'exécutif va devoir bouger sur les retraites. Ou alors on aura une importante crise sociale à la rentrée.
    Comment décririez-vous la situation sociale et politique?
    J'ai été un des premiers à mettre en garde: dès lors que le président de la République revendiquait d'intervenir sur tout, dès lors qu'il prétendait être l'omniprésident, il était évident que ça allait provoquer une situation de blocage, tôt ou tard, et singulièrement sur les questions sociales. Je crois qu'on y est, ou en tout cas on n'en est pas loin. La situation actuelle peut déboucher sur une crise institutionnelle : quand le président gouverne au lieu de présider, en cas de mécontentement lourd, on arrive à un blocage. C'est très préoccupant.
    Il n'y a plus de structures d'appel. Un président de la République, c'est quelqu'un qui sait apprécier ce qui est acceptable ou bien ce qui rejeté par le pays. Il sait prendre le recul nécessaire, éviter les blocages. Or, Nicolas Sarkozy a théorisé le fait qu'une fois élu, il avait les pleins pouvoirs. Quoi qu'il arrive, quels que soient les sujets (même ceux qu'il ne maîtrise pas forcément), les mécontentements et les protestations, il arbitre, et son choix s'impose. Au motif qu'il a été élu, il prétend avoir une légitimité de fait pour arbitrer, quoi qu'en pensent les autres acteurs, voire contre l'avis unanime des autres acteurs. C'est ce qui s'est passé avec les retraites: tous les syndicats disent qu'il s'agit d'une "réforme injuste", il n'y a pas photo.

  • Comment sortir de cette situation?
    Ça... je n'ai pas la clé. Syndicalement, on n'a pas forcément la clé.
    Est-ce que la crise politique actuelle ne peut pas vous profiter?
    On n'en profite pas du tout. Dernier exemple, dans la nuit de mercredi à jeudi (7 et 8 juillet), avec le texte sur le dialogue social dans les TPE. Le patronat a fait un lobbying d'enfer pour obtenir du groupe majoritaire à l'Assemblée de s'opposer au texte du gouvernement... Là, on touche au jeu à droite qui est déjà à l'œuvre dans la perspective de la présidentielle: Jean-François Copé (le patron des députés UMP) a sa propre stratégie politique, et le groupe parlementaire est de plus en plus au service de sa stratégie. Dans cette configuration politique, il devient particulièrement compliqué d'assumer des responsabilités syndicales. En fonction des circonstances, l'interlocuteur déterminant change. Un coup, c'est le président de la République, un coup le président du groupe UMP – ce n'est jamais un ministre, pas même le premier ministre. Alors on peut faire le remaniement qu'on veut, je crains que ça ne change pas grand-chose...
    Que reste-t-il du texte sur le dialogue social dans les très petites entreprises?
    Il est vide de sens. On va organiser des élections tous les quatre ans pour les salariés des TPE uniquement pour qu'ils s'expriment sur des préférences syndicales sans que ça ait d'impact sur leur quotidien. C'est stupide! Ce vote ne servira à rien, sauf contribuer à définir la représentativité nationale des syndicats. Le groupe UMP a repris in extenso la théorie patronale (la CGMPE et le Medef, car d'autres organisations patronales étaient pour), qui exclut de faciliter la moindre présence dans les TPE. C'est une démarche très antisyndicale. Ce sont pourtant les mêmes députés qui ont voté la loi du 20 août 2008 sur la représentativité... Mais on n'est plus en 2008, la configuration politique est différente.
    Une configuration politique assez folle, à vous écouter...
    Oui, bien sûr. Et à ce point critique qu'elle génère un sentiment que les élus sont tous pourris. Dans une démocratie, on ne peut pas se satisfaire de la montée de ce genre de sentiment. C'est préoccupant, indépendamment des préférences partisanes qu'on peut avoir. Ce n'est pas sain.
    Le climat est-il favorable pour une forte mobilisation début septembre? Car le calendrier n'est pas idéal, été oblige...
    Il a été fait pour nous compliquer la tâche. C'est la troisième fois qu'on nous fait le coup d'une réforme en juillet, après les décrets Balladur de 1993, la loi Fillon de 2003... Cette fois, ils ont quand même senti le vent du boulet, et renoncé au plan initial qui était de faire adopter la loi en juillet. Mais l'examen du texte commencera quand même très tôt, le 6 septembre. On a été capables d'une grande action nationale un 24 juin, ça ne s'est jamais vu à cette échelle-là depuis de très nombreuses années. On a créé les conditions pour fixer un RDV à la rentrée, le 7 septembre. Le calendrier est serré. Les premières mobilisations d'ampleur lors d'une rentrée, c'est en général plutôt fin septembre début octobre, jamais plus tôt... Mais je pense que la mobilisation sera d'ampleur, à la grande surprise du gouvernement.

  • Du même ordre que le 24 juin?
    On verra. Le 7 septembre sera une reprise. Il est important que le point de départ de cette «remobilisation» soit d'un haut niveau, ce qui peut nous permettre d'autres initiatives derrière...
    D'autres mobilisations pourraient suivre pendant l'examen du texte au Parlement?
    Dans cette situation politique et sociale, il faut se garder de schémas préétablis. 
    La discussion avec le gouvernement continue sur les retraites...
    On a une réunion ce soir (l'entretien a été réalisé jeudi) au ministère du travail sur le dossier des retraites, je ne sais pas ce qui va en sortir. Je ne sais même pas d'ailleurs ce qu'a pu être le temps consacré aux retraites ces huit derniers jours au ministère du travail. Je ne suis pas sûr que cela ait tout à fait mobilisé le ministre, son directeur de cabinet et ses services...
    Demandez-vous au président de la République de faire évoluer sa position?
    Je suis incapable de vous dire où ils en sont à l'Elysée. Je ne sais pas si eux-mêmes le savent. Mais ce qu'on sait, c'est qu'ils vont devoir bouger. Sitôt la réforme présentée, le président de la République a demandé au ministre du travail de rouvrir les discussions avec les syndicats sur la pénibilité, les carrières longues et les polypensionnés: ils savent donc déjà qu'ils ne tiendront pas sur ces trois questions.
    Sur la pénibilité, l'Elysée a choisi de retenir le schéma proposé par le Medef. Ils savaient que nous serions vent debout. Ils sont déjà en train de travailler sur autre chose. Sur quoi, comment, je suis incapable de vous dire, mais ils vont devoir bouger. Le spot télé gouvernemental qui passe en ce moment montre un homme qui dit «J'ai mal au dos, je vais pouvoir partir à 60 ans». Il faudra tout de même qu'il soit invalide à 20%! Si tous ceux qui avaient mal au dos partaient à la retraite, il n'y aurait pas beaucoup de plus de 55 ans au travail...
    Sur les carrières longues, le gouvernement profère un mensonge. Après la manifestation, Fillon a dit que tous ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans pourront partir à 60 ans. C'est faux. Le projet dit qu'ils pourront partir “dès” 60 ans. Pour eux comme les autres, il faudra avoir la durée de cotisation exigée plus deux ans, ça veut dire 43,5 ans à terme. Ils vont aussi devoir bouger là-dessus.
    Ils ont une obstination: faire passer l'âge légal de 60 à 62, et l'âge à taux plein de 65 à 67. C'est le cœur de leur démarche. Ça me fait penser à des réformes précédentes. Les régimes spéciaux, par exemple. L'essentiel, c'était de pouvoir dire «On a fait une réforme des régimes spéciaux.» C'est vrai, mais le prix à payer n'est pas tout à fait celui escompté. Ou encore: «On a fait une réforme du service minimum.» Mais le texte adopté n'empêche pas qu'il n'y ait plus du tout de bus, de trains de métros s'il y a beaucoup de grévistes. Il va y avoir ce jeu-là, à nouveau. On va communiquer et nous dire: «On a fait une réforme des retraites.» Maintenant laquelle, ça reste complètement ouvert. Le projet va être en partie modifié, ce ne sera pas le même sur des aspects non négligeables, comme la pénibilité.
    On vous l'a assuré?
    Non. Mais ils retravaillent sur la réforme, c'est clair. Et nous allons nous faire fort de montrer que si on peut les faire bouger sur certains aspects du texte, il n'y a pas de raisons qu'on n'essaie pas de les faire bouger sur l'ensemble.

8 juillet 2010

Monarchie républicaine: les Français se révoltent

La rage contre les élites atteint un niveau sans précédent. La mèche du populisme est allumée contre une société bloquée de connivences et de statuts.
La liste est longue des ministres dont la vindicte populaire a successivement demandé la tête (Albanel, Kouchner, Besson, Hortefeux, Mitterrand.....). Deux secrétaires d'Etat, récemment épinglés pour leur utilisation de l'argent public, Alain Joyandet et Christian Blanc, ont démissionné dimanche 4 juillet. Le chef de l'Etat,  à peine élu, a fait l'objet d'un foisonnement éditorial sans précédent -près de 70 livres, dont le plus célèbre, «De quoi Sarkozy est-il le nom?» d'Alain Badiou s'est vendu à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires.  Ce philosophe n'hésite pas à parler, sans plus de nuances,  d'«une barbarie sarkozienne»- et brandit un marxisme dont on imaginait qu'il avait sombré dans les ténèbres de l'histoire.
Nicolas Sarkozy, fort de son succès aux élections présidentielles, a cru pouvoir imposer le spectacle d'un argent décomplexé. Mais il aurait pu aussi saisir en cinq minutes -instruit par la bourrasque qui s'est levée d'une soirée au Fouquet's et d'une croisière de luxe-, que cet étalage était reçu comme une insulte. Le bouclier fiscal à 50% pour les gros contribuables demeurera comme une faute originelle, davantage comme l'emblème d'une orientation politique, «le cadeau fait aux riches»,  que par le manque à gagner réel pour les finances publiques. Presque depuis son début, l'action de Nicolas Sarkozy a fourni un carburant au sentiment anti élite des Français, et cette rage s'est rehaussée d'un cran avec la crise financière et les révisions qu'elle impose à notre modèle social.
L'affaire Woerth -pour lequel, rappelons-le, aucun délit ne semble vraiment démontré- marque un point d'orgue. Elle porte sous le feu des médias un microcosme de connivences et de «petits arrangements»: un univers qui est loin d'être un mystère puisque les magazines people en font leur miel, et que la culture contemporaine a définitivement balayé la digue qui sépare les «activités publiques» des vies privées. Cette société de cour (Norbert Elias) mêle des héritiers des grandes fortunes, les dirigeants économiques, l'élite politique et le showbiz: un réseau souple de personnes qui se rencontrent fréquemment sous les lambris des palais de la République (et ailleurs), avec les favoris, les habitués, des intermittents, les tenus à distance, des transfuges, les amis indéfectibles, etc... Et cette solidarité de réseaux, à quelques nuances près, saute allègrement les changements de majorité politique (voir mon enquête sur L'élite rose de 1982).
De ce mode de fonctionnement les Français se sont accommodés pendant des décennies, grâce au prozac  de la croissance. Quand il faut faire des sacrifices, les électeurs deviennent plus regardants. Néanmoins cette indulgence envers les élites est une marque de fabrique du pays. Quelle nostalgie d'un passé majestueux, quel calcul personnel (chacun peut espérer voir son enfant intégrer un grand corps par la voie hyper étroite de la méritocratie scolaire), ou quelle insolite fascination  à l'égard «des puissants» expliquent cette mansuétude? La liste est longue des réformes qu'il eut fallu entreprendre pour briser  la consanguinité des cercles du pouvoir: de la réforme scolaire (voir le livre de Baudelot/ Establet sur l'élitisme républicain) aux règles du pantouflage dans la haute fonction publique, du cumul des mandats à une législation rigoureuse sur la notion de conflits d'intérêt. Ces sujets finissent par être des serpents de mer auxquels aucune fraction de l'élite politique ne s'est vraiment attaquée, faute de trouver en son sein une majorité de convaincus ou de déterminés.
Le quatrième pouvoir, celui que prétendent incarner les grands médias, enfin, se caractérise par ses «distanciations imparfaites» avec le microcosme des sommets (Cyril Lemieux, Mauvaise Presse) et n'a jamais mené de combat ciblé sur  la monarchie à la française. Il est plus facile de fustiger des logiques financières abstraites que de démonter finement les intrications de personnes morales ou physiques dans les sphères de dirigeants. Quand Le Monde, récemment, a révélé par une enquête la consanguinité des membres des conseils d'administration des entreprises du CAC 40, l'information n'a suscité qu'un émoi passager. Seule nouveauté législative: l'ouverture de ces instances dirigeantes aux femmes. Les heureuses recrues sont pratiquement toutes issues du même milieu et/ou des mêmes écoles, ce qui démontre presque par l'absurde la fermeture des cercles du pouvoir (Florence Woerth est entrée en 2010 au Conseil de surveillance de Hermès).
Une société à statuts
Comment est on alors passé d'une opinion publique qui «ferme les yeux» à une opinion publique en rébellion? D'abord, en France le sentiment anti élite, et notamment anti pouvoir de l'argent, est à fleur de peau et peu ne faut pour le réveiller. Comment le démontre un livre  déjà ancien de Pierre Birnbaum, Le peuple et les gros (1979), dans ce pays de tradition catholique, la méfiance vis-à-vis des riches est fortement enracinée. Les 200 familles détentrices de grosses fortunes ont  fait l'objet de la haine populaire dans l'avant-guerre, et cette stigmatisation s'est souvent articulée à l'extrême droite, en association avec un antisémitisme latent. Aujourd'hui, c'est moins la richesse installée (les grandes familles industrielles ont conquis une respectabilité) qui révolte que celle, démesurée, fraichement acquise par le levier de la finance et des médias et plus généralement de l'économie mondialisée.  Cette nouvelle donne creuse les inégalités aux deux bouts de l'échelle sociale avec les pauvres (13% de la population vit avec un revenu en dessous du seuil de pauvreté) et les super riches (moins de 0,1% de la population aux revenus extravagants). Parallèlement, elle fragilise l'assise des classes moyennes, dont une partie se paupérise. La violence anti élite vise donc ces nouveaux seigneurs du capitalisme, incarnés par la caricature du bling-bling .
Dans leur livre sur La société de défiance (2006), les économistes Yann Algain et Pierre Cahuc dépeignent les traits d'une France peu solidaire, où chacun se méfie de l'autre -cet autre toujours soupçonné de consolider ses droits et avantages en jouant de son statut  et des réseaux afférents. Ce modèle d'une société à statuts s'est construit à travers des prébendes étatistes et corporatives.   L' esprit de méfiance renforce alors la suspicion à l'égard de la réussite économique: une majorité de français pensent qu'on ne peut arriver au sommet sans être corrompu. Ainsi l'exaspération des petits contre les gros, des défavorisés (exposés aux aléas du marché) contre les privilégiés (à statut),  toutes ces humeurs qui travaillent depuis longtemps la société française se voient stimulées, poussées à leur paroxysme dans le contexte de la crise financière et de ses effets sociaux en cascade: d'un côté les gagnants (suspects) du grand casino mondial, de l'autre, les perdants.
Sentant le socle du navire France vaciller sous leurs pieds, les français portent un regard préoccupé sur l'avenir de leur progéniture. Une fraction importante de celle-ci peine à s'intégrer dans une société où plus que jamais diplômes et relations opèrent comme des sésames, rendant particulièrement aride et incertaine l'insertion professionnelle de ceux qui en sont dépourvus. Beaucoup de parents d'adolescents sont ainsi devenus obsédés par les résultats et  l'orientation scolaire, alors que simultanément pointent dans les collèges et les lycées des questions socialement explosives: la phobie des études et l'absentéisme. L'angoisse autour des générations montantes recompose alors la thématique des gagnants et des perdants autour du destin des descendants.
Parallèlement, la parole des «gens d'en bas» et plus encore celle des couches moyennes, s'est libérée. Sur ce point, la vertu égalitaire d'Internet est souvent désignée. Le Réseau ouvre des promesses sans limites à la liberté d'expression et, finalement, transforme la tonalité et le contenu de l'espace délibératif. Non seulement il offre une tribune à tout individu qui cherche à faire connaître son point de vue, mais surtout il a permis une floraison de journaux et sites d'informations indépendants qui, en raison des coûts de fabrication et de transmission, n'auraient jamais vu le jour dans les entreprises de l'édition traditionnelle (voir l'article de Jean-Marie Charon dans la revue Réseaux janvier-mars 2010).
Dans le cyberspace,  les modes d'expression s'éloignent considérablement de celles en cours dans les instances de la démocratie représentative, fondées sur le raisonnement et le rattachement à la géographie sémantique des partis politiques. Il autorise toutes les passions, et même toutes les pulsions. Ici, l'individu incline à se délester du «surmoi» et des codes en cours dans le monde physique. En particulier dans les blogs et les forums politiques, l'humeur, l'exaltation, l'invective, l'affirmation péremptoire bourgeonnent plus fréquemment que l'opinion balancée: or ces blogs qui reflètent «l'esprit du Net» sont souvent tenus et suivis par des couches intellectualisées, catégories dont l'image et le statut, précisément, sont ébranlés par le tourbillon de la mondialisation. Des rumeurs ainsi que des informations fausses ou approximatives se propagent et enflent sans rencontrer le filtre de l'expertise qui, dans les médias anciens, garantissait une certaine validation. En retour, le Web contribue  à rectifier, déminer, moquer ce qui dans les news est répété à vide comme des évidences. La matrice intellectuelle du blogueur, c'est la non crédulité, et sa boussole, sa subjectivité.
Certes, le Web a été un détonateur  pour l'expression des individus mais il véhicule, retravaille et amplifie des tendances qui s'enracinent dans l'histoire des médias audiovisuels depuis une vingtaine d'années: le fun et la dérision à l'égard de la scène politique traditionnelle, la confiance accordée à la parole des témoins ordinaires, l'empathie à l'égard des «petits», en particulier s'ils se manifestent en victimes. Ce regard «pas dupe» et «qui ne s'en laisse pas compter«  est  en congruence depuis longtemps avec la sensibilité  des jeunes, qui plus que les autres se sont appropriés les émissions «décalées» sur la politique (les Guignols de l'info, le grand journal de Canal +) et la téléréalité. Ce scepticisme hilare a contaminé l'ensemble de la population, il configure «la culture  d'aujourd'hui». Et s'il n'est pas si nouveau, il est décuplé par la puissance du Net.
De fait, la sphère publique remodelée flatte ce puits sans fond de l'anti élitisme, et fait feu de tout bois. Dans ce mouvement complexe, qui charrie autant de scories que de pépites, l'idéal de solidarité et de fraternité -la gratuité dans son sens altruiste est une valeur cardinale du Net- semble prendre le pas sur la vénération monarchique.
Peut-être l'envie de déboulonner la société de cour qui subsiste en France comme une hérésie historique l'emportera-t-elle. Il n'existe aucune fatalité pour que demeurent pour l'éternité une telle fermeture et un tel contentement de l'entre-soi entre bien nés et bien éduqués. Probablement aussi une société bardée de tant de filets sociaux ne bouge que par à-coups maitrisés. Difficile alors de dire où mènera la collusion entre l'anti élitisme enraciné de la société française, la défiance généralisée à l'égard des «nouveaux riches» et le pilonnage basiste d'internet. On le sait, au moment des élections, cette humeur peut s'éparpiller dans plusieurs directions: l'abstention, la gauche ou l'extrême gauche. Ou l'extrême-droite. Le populisme est une mèche enflammée que seuls des artificiers à sang froid peuvent éteindre. L'opposition en a-t-elle conscience?
Monique Dagnaud