29 septembre 2010

Une analyse de Michèle Delaunay de ce que pourrait/devrait être le non-cumul des mandats

Michèle Delaunay nous livre son analyse de ce que devrait être le non-cumul des mandats : réflexion sur les notions de mandat et de fonction (exécutive) et sur la notion primordiale de surface électorale. Le Monde s'était livré à une analyse de 'surface électorale' des députés en octobre 2009 et avait conclu qu'environ 85% des députés français cumulaient, obtenant une 'surface électorale' trop élevée.
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Graphique Le Monde repris le 12 août 2010 par Etoile 66 sur le site de Médiapart
Mais elle nous fait également réfléchir sur les cumuls de fonctions exécutives, sur les cumuls de mandats et de métiers, sur le cumul dans le temps, et, pire que tout, sur le cumul des mandats et des fonctions dans la durée.
20 000 habitants, c'est la ville d'Arcueil, ou un peu moins que celle d'Annecy-le-Vieux, dont Bernard Accoyer, président de l'Assemblée Nationale, est maire.
Depuis 2007, Michèle Delaunay soutient Ségolène Royal ; elle a largement contribué à l’écriture de la partie « santé » du programme de l’ex-candidate à la présidence de la République. Cancérologue, élue députée de la 2ème circonscription de Gironde le 17 juin 2007 face à Alain Juppé avec 50,93% en emportant une circonscription détenue depuis plus de 60 ans par la droite, elle est Conseillère générale du canton Grand Parc – Jardin Public (Bordeaux) depuis 2004, « à droite depuis 60 ans » (Michèle Delaunay). Ce canton a « 26 543 habitants ».
Lors du second tour des élections régionales de mars 2010, Michèle Delaunay relevait sur son blog que le canton Grand Parc – Jardin Public avait voté à 54% pour la liste menée par Alain Rousset, président PS de la Région Aquitaine.
Hugues Martin a été maire UMP de Bordeaux de décembre 2004 à octobre 2006, et député UMP de 2004 à 2007. Un ex-député-maire UMP en somme.
F.M .
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Ce que pourrait/devrait être le non-cumul des mandats
lundi 27 septembre 2010
Je me suis exprimée à plusieurs reprises dans ce blog - et ailleurs - sur ce que pourrait être le non cumul des mandats. Je le fais une fois encore, de manière plus détaillée, avant d'expliquer les raisons de ma candidature aux élections cantonales.
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Michèle Delaunay
La première base légitimant ce non-cumul est un principe simple : quand on ne fait pas un job, il ne faut en avoir ni le titre, ni le salaire. Inversement, il faut que ce soit la personne qui l'assume qui ait ce titre et ce salaire.
Autrement, il faut condamner fermement le cumul quand, à l'évidence, on ne peut assumer pleinement l'un et l'autre mandat. Je renvoie à un précédent billet (député-maire, sénateur-maire). Nul ne peut être maire à plein temps d'une grande ville et assumer convenablement son mandat de parlementaire. Cela vaut pour les autres grandes fonctions exécutives (président du Conseil Général ou régional) et c'est pour cela que le Parti Socialiste s'est engagé dans le non-cumul d'un mandat de parlementaire et d'une fonction exécutive. Tout cela n'est pas simple pour l'opinion publique qui ne connaît pas obligatoirement la différence entre mandat et fonction. Un conseiller régional, ou général, qui n'est ni Président, ni vice-Président, n'a pas de fonction exécutive. Être Maire d'une ville, quelle qu'en soit la taille correspond à une fonction.
Les autres arguments sont les suivants. Il ne faut pas emboliser la vie politique en laissant plusieurs fonctions entre les mains d'un seul. Cela vaut d'ailleurs à mon avis pour le cumul dans le temps. On ne peut renouveler le personnel politique si l'on permet qu'un même mandat ou une même fonction puissent être assumés par la même personne trente ou quarante ans durant et jusqu'à un âge canonique. On sait d'autre part que la créativité, par exemple à la tête d'une Mairie, s'épuise au fil du temps, que des réseaux se créent et paralysent la dynamique de la ville. Ceci vaut d'ailleurs quand une ville est détenue 50, 60 ans ou davantage par une même majorité. On ne cherchera pas bien loin des exemples
De plus, le cumul, surtout s'il associe surface électorale et durée dans le temps concentre dans les mains d'un seul des pouvoirs que l'on peut qualifier d'excessifs. Il en fait une personne incontournable dans toutes les décisions, il affaiblit opposition et possibilité de critique, ainsi que les chances d'alternance.
Pour ma part, je n'aurais pas choisi le non-cumul proposé par le Parti Socialiste, qui est l'interdiction d'un mandat de parlementaire et d'une fonction exécutive. Au contraire, le cumul de deux fonctions exécutives (ex : Maire d'une grande ville et Président du Conseil général) reste possible. J'aurais plus volontiers pris pour critère la surface électorale des deux mandats.
Ainsi, une circonscription couvre une surface de 80 à 120 000 habitants. Pourquoi interdire qu'un parlementaire soit Maire d'une petite ville ou élu d'un "petit" canton ? J'avais fixé la limite du "petit" à 20 000 habitants, sachant que "mon" canton la dépassait. On devine que je reviendrai sur le sujet
La difficulté est : quelle est la surface électorale d'un Président de région ou d'un président de Conseil général ? Eh bien, soyons généreux; accordons lui (ce qui est faible) la même surface que celle d'un parlementaire. Celui-ci ne pourra donc pas être Maire d'une commune de plus de 20 000 habitants.
C'est plus lisible que la formule du PS, même si ce n'est pas non plus parfait. Le parfait en la matière n'existe pas.
À côté du cumul des mandats, il y a un sujet que personne n'aborde : le cumul d'un mandat, tel que parlementaire, et d'un métier. Non, on ne peut pas être parlementaire et médecin hospitalo-universitaire. C'est malhonnête en vertu du principe fondamental posé en tête de ce billet. Non, on ne peut pas être avocat d'affaires et parlementaire : s'ajoute à la raison précédente, le motif du conflit d'intérêt. Non, on ne peut être en même temps directeur d'école, artisan, médecin praticien... ET parlementaire. Et c'est pour cela qu'il faut absolument définir un statut de l'élu, qui lui assure la possibilité de retrouver son emploi ou un emploi correspondant, tout en sachant que beaucoup de métiers, aucune solution parfaite ne pourra être obtenue.
Voici ces quelques idées. Je n'ai pas changé d'avis, mes écrits en témoignent et c'est en connaissance de tout cela que je vais tout à l'heure présenter ma candidature pour les élections cantonales 2011, dans le canton Grand Parc-Jardin public dont je suis l'élue sortante.
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Député-maire, sénateur-maire
vendredi 24 septembre 2010
Ce soir, dans une manifestation (et pas la moindre : la rentrée du barreau de Bordeaux), un éminent orateur s'est adressé à Alain Juppé en l'appelant "M. le député-maire".
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Alain Juppé, 'député-maire' de Bordeaux
Le problème n'est pas Juppé, mais cette espèce d'habitude lourdement ancrée dans nos traditions politiques (et un peu plus à Bordeaux qu'ailleurs) de cumuler les fonctions, en paraissant les additionner alors qu'on ne fait qu'en effacer l'une ou l'autre.
Un député ou un sénateur-maire est-il plus puissant qu'un député ou un sénateur tout court, ou bien qu'un maire tout court ? La réponse est simple : cela dépend de la taille de la ville. S'il s'agit d'une sympathique petite bourgade de nos campagnes, le député l'emporte haut la main et, pour ses quelques centaines d'administrés, il est celui qui a l'oreille de Paris et en effet, son audience est alors plus grande. S'il s'agit d'une de nos grandes métropoles, le maire est celui qu'on désigne au Parlement par sa ville. Rebsamen n'est pas connu parce qu'il est sénateur, mais parce qu'il est maire de Dijon. Collomb, parce qu'il est maire de Lyon. Leur "pouvoir", sur le terrain comme au national, ne tient pas à leur mandat de parlementaire, mais à ce que représente leur ville. Seul Jean-Marc Ayrault est également connu pour chacune de ses fonctions, parce qu'il est président du groupe SRC à l'Assemblée, groupe plutôt dynamique et audible nationalement, et qu'il est Maire de Nantes, ville également dynamique.
Ces fonctions, parlementaire et maire, fondamentalement, ne sont pas cumulables. Maire d'une grande ville est un emploi non seulement à plein temps mais à plein engagement du cerveau, à pleine présence sur le terrain. Député ou sénateur, ou on le fait bien, ou quelqu'un d'autre le fait. Sinon, on dévalorise l'importance du Parlement.
On devine que je vais introduire la question du cumul des mandats. J'y viendrai dans un prochain billet que je veux réfléchi, posé, parfaitement honnête, comme l'est d'ailleurs cette introduction et, j'espère, tout ce que j'écris.
À celui-ci, je n'apporterai qu'une conclusion souriante. Jean Louis Debré, Président du Conseil constitutionnel, était à deux chaises de moi quand cette belle apostrophe de "député-maire de Bordeaux" a été utilisée. Aimablement, il s'est tourné vers moi d'un air de dire "Vous avez encore du travail !"
Ma réponse l'a fait sourire plus encore : - Eh oui, il me faudra bien trois mandats pour effacer ces mauvaises habitudes bordelaises !"
Hugues Martin, qui était entre nous, a paru ne pas entendre.
Blog de Michèle Delaunay

28 septembre 2010

La promesse de faire l'égalité hommes-femmes en 2010 : nous sommes prêts pour le rendez-vous de vérité

Chers amis, chères amies,

Vous trouverez ci-dessous l'interview accordée par Ségolène Royal au journal le Parisien.
Amicalement,
L'équipe de Ségolène Royal

"Les syndicats ont prévu deux nouveaux jours de mobilisation contre la réforme des retraites du gouvernement, les 2 et 12 octobre. C'est encore utile ?

Ségolène Royal.
Oui, c'est très important de continuer. La mobilisation actuelle dans les rues est supérieure à celle du mouvement contre le CPE. Ce qui est nouveau , c'est la prise de conscience des jeunes et des femmes qui étaient beaucoup plus nombreux dans les défilés. Au départ, beaucoup n'ont pas regardé le fond de la réforme, mais ils se rendent compte maintenant des dégâts sociaux qu'elle va provoquer. Et que casser la retraite à 60 ans et celle à 65 ans provoque des injustices flagrantes . Cette mauvaise réforme est en fait une nouvelle taxe sur les bas et moyens salaires.

Comme les syndicats, vous parlez d'une mobilisation en hausse. Le gouvernement dit l'inverse. Qui croire ?
Chacun peut constater que les gens étaient plus nombreux dans la rue. Il suffit de faire des photos aériennes pour vérifier (sourires). Il y a une indécence dans cette polémique. Cela fait penser à Louis XVI qui ferme ses portes pour ne pas entendre la protestation de la rue. Jeudi, l'Elysée a diffusé un communiqué dès 11 heures pour dire que la mobilisation était en baisse avant même les manifestations de l'après-midi. Quand un pouvoir en est réduit à déformer la réalité de la révolte sociale pour mieux l'écraser, ça prouve qu'il la craint.

En faisant une comparaison avec Louis XVI, vous sous-entendez que la France est, comme à cette époque, dans un climat prérévolutionnaire ?
Mais il est évident qu'il y a un profond sentiment de révolte et d'écoeurement. Cette réforme a été menée contre les Français avec un refus de débat. La fermeture sur la question de la pénibilité, la non prise en compte des inégalités homme-femme, l'obsession mise à casser la liberté de prendre sa retraite à 60ans et le droit d'y accéder enfin à 65 ans... tout cela manifeste une incapacité à réformer de façon moderne et démocratique. Je ne vois qu'une explication : Nicolas Sarkozy a fait des promesses à ses amis du " premier cercle de l'ump". C'est clairement une privatisation des retraites qu'il impose. En effet ceux qui ont peur de ne pas pouvoir accèder à la retraite vont fuir vers les assurances privées tenues par les amis du pouvoir, les mêmes qui bénéficient des revenus du capital scandaleusement épargnés par la réforme.
 
Le débat va commencer au Sénat. Vous pensez que les sénateurs vont modifier la réforme du gouvernement ?
Tout dépend de la mobilisation. C'est pour cela qu'il est très important que ce mois soit utilisé pour installer la crédibilité de l' autre réforme possible, juste et durable que proposent les socialistes. C'est très important qu'il y ait un débouché politique à cette désespérance provoquée par une droite dure et manipulatrice qui pénalise les ouvriers , les petits employés, les femmes mères de famille et qui refuse de toucher aux privilèges de ses soutiens financiers.

Vous pensez que seule la rue peut faire bouger le gouvernement ?
La mobilisation sociale ne doit pas faiblir. Mais elle doit être accompagnée d'un travail de pédagogie des socialistes pour que les Français puissent être sécurisés et puissent se dire « oui la gauche rétablira la sécurité sociale et répartira les efforts avec justice". La puissante communication gouvernementale est faite de contre-vérités et de mensonges. Je rappelle que déjà en 2003 François Fillon nous disait que sa réforme allait financer les retraites jusqu'en 2020 ! Leur argument est très simple c'est de dire : «c'est nous qui sauvons les retraites». C'est faux ! Rien est sauvé, les financements ne sont pas assurés après 2012-2013. Et jamais ils n'ont répondu sur la participation des revenus du capital au financement des retraites, jamais ils n'ont répondu sur l'intégration de la pénibilité, jamais ils ont dit combien d'économies permettaient le report de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans. En fait ça ne rapporte pas grand chose car les salariés seniors basculent dans le chômage. C'est un transtert de charges de l'assurance vieillesse vers l'assurance chômage. La preuve c'est que le Medef réclame une révision à la baisse de l'indemnisation du chômage? L' objectif de la droite est d'abord idéologique : casser une réforme emblématique de François Mitterrand et privatiser la sécurité sociale. Vous verrez, après les retraites ce sera le tour de la santé.
 
 

Quand Benoît Hamon fait un meeting commun avec Olivier Besancenot pour défendre la retraite à 60 ans, cela vous gêne-t-il comme d'autres socialistes ?
Il ne faut pas en faire toute une histoire. Il y a des convergences de mobilisation pour s'opposer à une réforme, et des divergences sur la capacité à proposer. Nous sommes un parti de gouvernement, nous avons donc la responsabilité de faire des propositions solides et crédibles.
 
Concernant le terrorisme, l'Etat évoque une menace d'attentat. Dominique de Villepin dit lui «pas de panique»...
Les Français ne sont pas dupes. Il y a une part de mise en scène qui n'a pas de raison d'être. Et qui est meme dangereuse. Si menace il y a, la logique même de la lutte anti terroriste et du renseignement impose la discrétion. Ces questions ne se règlent pas avec légèreté. D'autant que s'il y a des choses graves qui se préparent, la moindre des choses seraient d'en informer l'opposition .
 
Sur cette question, vous trouvez que l'opposition n'est pas assez informée ?
S' il existe de réelles menaces, conformément à l'esprit de nos institutions l'opposition doit etre informée. La lutte contre le terrorisme est une action sérieuse et discrète incompatible avec l'annonce de pics d'alerte... comme par hasard pendant les mouvements sociaux.
 
Claude Bartolone a expliqué sur France Inter vendredi qu'il y aurait une entente entre Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry en vue de la présidentielle. Il ne vous a pas citée dans cet accord. Cela vous gêne ?
Au contraire car tout ce qui relance les manoeuvres d'appareil, dans le contexte de crise sociale où nous nous trouvons est jugé très sévèrement par les Français. Il faut que les entourages fassent preuve du même sens de responsabilité que celui qui a permis l'unité de La Rochelle. Cette unité est précieuse et je ne laisserai personne y porter atteinte. C'est également la volonté de Martine qui a redit que les primaires seraient transparentes.
 
Vous parlez d'unité au PS. En revanche, les journées parlementaires de l'UMP ont été l'occasion de querelles entre eux...
Les conflits internes à l'UMP prouvent que certains préparent déjà l'après-Sarkozy au lieu d' être à l'écoute des Français. Ils ont déjà fait beaucoup de dégâts, les caisses de l'Etat sont vides, les déficits atteignent des sommets... Et maintenant, ils sont tellement occupés à se disputer entre eux qu'ils n'ont même plus la capacité d'entendre la colère des Français. Lequel d'entre eux se souvient par exemple que le programme présidentiel de Sarkozy promettait : " l'égalité salariale entre les femmes et les hommes sera totale d'ici 2010" ? L'heure du bilan approche et nous sommes prêts pour ce rendez-vous de vérité."

Des juristes aux Églises, l’inventaire des oppositions - Mediapart

Les manifestations du 4 septembre 2010 organisées à l'appel d'une centaine d'associations, de la plupart des syndicats de salariés et des partis politiques de gauche, ainsi que le concert Rock sans papiers qui a eu lieu à Paris-Bercy le 18 septembre, ont donné un aperçu de la diversité de la contestation à la politique répressive menée par Nicolas Sarkozy à l'égard des étrangers et des Roms en particulier. Ces événements sont apparus comme l'aboutissement citoyen d'une mobilisation engagée six mois plus tôt, dès lors que le projet de loi Besson sur l'immigration, l'intégration et la nationalité a été présenté en conseil des ministres, le 31 mars.
Entraînées par leurs précédentes offensives contre les lois Sarkozy et Hortefeux (2003, 2006 et 2007), les associations de défense des droits des étrangers ont rapidement rédigé des contre-argumentaires détaillés afin d'expliquer «pourquoi il faut combattre le projet de loi Besson». Les professionnels impliqués dans la chaîne des reconduites à la frontière, juges et avocats notamment, ont fait connaître leur opposition à une réforme, qu'ils estiment contre-productive.
Irrités par les déclarations estivales du chef de l'État, les représentants des Églises se sont eux aussi manifestés, ce qu'ils ne font qu'exceptionnellement sur des questions politiques. Les partis de gauche ont dénoncé, comme le PS, une «restriction inacceptable des droits des immigrés», tandis qu'à droite quelques voix discordantes commencent à se faire entendre, telle celle de la députée UMP Nicole Ameline qui menace de voter contre le texte, car celui-ci «comporte un certain nombre de risques sur le terrain des droits fondamentaux».
Alors que les parlementaires sont appelés à examiner le projet de loi Besson à partir de mardi 28 septembre, voici un état des lieux des analyses des uns et des autres.

La contre-expertise associative en première ligne

Le travail le plus détaillé a été produit par un collectif de 200 associations, Uni(e)s contre une immigration jetable (Ucij), créé en 2006 pour s'opposer à la deuxième loi de Nicolas Sarkozy sur l'immigration. Deux analyses ont été largement diffusées via internet, une synthèse de 14 pages et un document exhaustif de 84 pages. Parmi les structures les plus impliquées dans la rédaction: l'association des Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l'Anafé, la Cimade, le Gisti, Migreurop, le SAF et le Syndicat de la magistrature, chacun ayant contribué en fonction de son domaine d'action.
Zone d'attente, contentieux administratif, asile, travail, Outre-mer, séjour des mineurs isolés, nationalité, délit de solidarité: articles après articles, le collectif démontre les contradictions du projet de loi, en révèle les buts inavoués et en décrit les possibles conséquences. Il s'en prend à la nature même du texte, qui selon lui «marque un tournant considérable dans la politique d'immigration française, notamment parce qu'il introduit de véritables régimes d'exception», citant «l'enfermement sans aucun contrôle judiciaire pendant cinq jours et le bannissement de l'Union européenne».
«Officiellement, indiquent ces associations, il s'agit de transposer en droit français trois directives communautaires. Pour le gouvernement, qui fait dire à ces textes européens ce qu'ils ne contiennent pas toujours, c'est surtout l'occasion d'affûter contre les migrants les outils juridiques existants et d'en forger de nouveaux, utilisables dès leur arrivée et lors de leur éloignement, beaucoup plus expéditif, le tout en cherchant à prévenir leur retour en France et au-delà en Europe. Tous les moyens sont bons, à commencer par celui d'amoindrir le pouvoir pour les juges de sanctionner les illégalités de la police quand elle interpelle des étrangers ou les rafle en masse. Certaines pratiques, jusqu'alors condamnées par les tribunaux, vont devenir acceptables. Malgré l'échec flagrant de la politique répressive envers les migrants, et sans tirer le bilan des conséquences humaines catastrophiques de cette politique, le projet de loi s'obstine à poursuivre dans la même impasse. Son message est au fond beaucoup plus politique que technique. Il est sous-tendu par l'idée selon laquelle les migrants ne bénéficient pas des mêmes droits et n'ont donc pas la même dignité humaine que les autres.»

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    Les manifestations du 4 septembre 2010 organisées à l'appel d'une centaine d'associations, de la plupart des syndicats de salariés et des partis politiques de gauche, ainsi que le concert Rock sans papiers qui a eu lieu à Paris-Bercy le 18 septembre, ont donné un aperçu de la diversité de la contestation à la politique répressive menée par Nicolas Sarkozy à l'égard des étrangers et des Roms en particulier. Ces événements sont apparus comme l'aboutissement citoyen d'une mobilisation engagée six mois plus tôt, dès lors que le projet de loi Besson sur l'immigration, l'intégration et la nationalité a été présenté en conseil des ministres, le 31 mars.
    Entraînées par leurs précédentes offensives contre les lois Sarkozy et Hortefeux (2003, 2006 et 2007), les associations de défense des droits des étrangers ont rapidement rédigé des contre-argumentaires détaillés afin d'expliquer «pourquoi il faut combattre le projet de loi Besson». Les professionnels impliqués dans la chaîne des reconduites à la frontière, juges et avocats notamment, ont fait connaître leur opposition à une réforme, qu'ils estiment contre-productive.
    Irrités par les déclarations estivales du chef de l'État, les représentants des Églises se sont eux aussi manifestés, ce qu'ils ne font qu'exceptionnellement sur des questions politiques. Les partis de gauche ont dénoncé, comme le PS, une «restriction inacceptable des droits des immigrés», tandis qu'à droite quelques voix discordantes commencent à se faire entendre, telle celle de la députée UMP Nicole Ameline qui menace de voter contre le texte, car celui-ci «comporte un certain nombre de risques sur le terrain des droits fondamentaux».
    Alors que les parlementaires sont appelés à examiner le projet de loi Besson à partir de mardi 28 septembre, voici un état des lieux des analyses des uns et des autres.

    La contre-expertise associative en première ligne

    Le travail le plus détaillé a été produit par un collectif de 200 associations, Uni(e)s contre une immigration jetable (Ucij), créé en 2006 pour s'opposer à la deuxième loi de Nicolas Sarkozy sur l'immigration. Deux analyses ont été largement diffusées via internet, une synthèse de 14 pages et un document exhaustif de 84 pages. Parmi les structures les plus impliquées dans la rédaction: l'association des Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l'Anafé, la Cimade, le Gisti, Migreurop, le SAF et le Syndicat de la magistrature, chacun ayant contribué en fonction de son domaine d'action.
    Zone d'attente, contentieux administratif, asile, travail, Outre-mer, séjour des mineurs isolés, nationalité, délit de solidarité: articles après articles, le collectif démontre les contradictions du projet de loi, en révèle les buts inavoués et en décrit les possibles conséquences. Il s'en prend à la nature même du texte, qui selon lui «marque un tournant considérable dans la politique d'immigration française, notamment parce qu'il introduit de véritables régimes d'exception», citant «l'enfermement sans aucun contrôle judiciaire pendant cinq jours et le bannissement de l'Union européenne».
    «Officiellement, indiquent ces associations, il s'agit de transposer en droit français trois directives communautaires. Pour le gouvernement, qui fait dire à ces textes européens ce qu'ils ne contiennent pas toujours, c'est surtout l'occasion d'affûter contre les migrants les outils juridiques existants et d'en forger de nouveaux, utilisables dès leur arrivée et lors de leur éloignement, beaucoup plus expéditif, le tout en cherchant à prévenir leur retour en France et au-delà en Europe. Tous les moyens sont bons, à commencer par celui d'amoindrir le pouvoir pour les juges de sanctionner les illégalités de la police quand elle interpelle des étrangers ou les rafle en masse. Certaines pratiques, jusqu'alors condamnées par les tribunaux, vont devenir acceptables. Malgré l'échec flagrant de la politique répressive envers les migrants, et sans tirer le bilan des conséquences humaines catastrophiques de cette politique, le projet de loi s'obstine à poursuivre dans la même impasse. Son message est au fond beaucoup plus politique que technique. Il est sous-tendu par l'idée selon laquelle les migrants ne bénéficient pas des mêmes droits et n'ont donc pas la même dignité humaine que les autres.»

  • En rétention, les cinq associations d'une même voix

    Un communiqué commun? Du jamais vu pour ces associations fâchées depuis que le gouvernement est parvenu à réduire la présence de la Cimade dans les centres de rétention administrative (CRA). Après avoir été reçues au ministère de l'immigration début septembre, l'Assfam, la Cimade, Forum réfugiés, France terre d'asile et l'Ordre de Malte, ont «unanimement» dénoncé le projet de loi Besson. Sur la forme, elles regrettent de «ne pas avoir été associées à un véritable débat dès l'élaboration» du texte.
    Aux côtés des étrangers enfermés dans les centres de rétention, elles critiquent, sur le fond, la «complication de la législation française». Pour leurs intervenants, comme pour les intéressés, il s'agit de la cinquième réforme du Code de l'entrée et du séjour en sept ans, soit autant d'astuces à connaître et de chausse-trapes à éviter.
    Précisément, elles dénoncent la privation de liberté des étrangers pendant cinq jours sans présentation au juge judiciaire, la réduction du pouvoir de ce juge «qui ne pourra plus tirer les conséquences légales de certaines irrégularités», l'allongement «inutile» à 45 jours de la durée de la rétention, la création d'un bannissement administratif «sans aucune protection pour certaines catégories de personnes», la création de zone d'attente «mobiles» ainsi que les «entraves supplémentaires» mises à l'exercice du droit d'asile. Au final, elles estiment que cette réforme risque de conduire «à la multiplication de gestes désespérés et à une dégradation du climat» dans les CRA.

    Les juges administratifs face à l'inflation du contentieux

    Syndicat majoritaire des juges administratifs, le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) a fait savoir, dès avril 2010, qu'il était «solidaire» de ses collègues judiciaires «à qui il est implicitement reproché d'avoir appliqué le droit dans l'affaire des réfugiés kurdes débarqués en Corse en début d'année». L'ordre d'intervention des juges (judiciaire d'abord pour contrôler la régularité de la procédure de privation de liberté, administratif ensuite pour vérifier la légalité de la décision d'éloignement) va être inversé, regrette-t-il, ce qui aura pour effet «d'escamoter en pratique le juge judiciaire par le biais d'un allongement de deux à cinq jours de la période initiale de rétention». Ce projet, selon lui, est «sous-tendu par l'idée erronée que le juge administratif s'opposerait moins souvent aux mesures d'éloignement des étrangers que le juge judiciaire alors que cela ne tient qu'à la différence de la nature des litiges soumis à ces deux juges».
    Ce «durcissement supplémentaire», ajoute-t-il, va «engendrer une nouvelle inflation de dossiers contentieux de façon totalement artificielle», puisque le juge administratif aura à se prononcer sur le sort de tous les étrangers retenus, y compris ceux qui, jusqu'à présent, étaient libérés en raison d'une irrégularité de procédure.

    La CNDH préoccupée par une «banalisation» de la privation de liberté

    Saisie par le ministre de l'immigration sur son projet de loi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a adopté un avis négatif le 5 juillet 2010. Ses membres remarquent que le texte qui leur a été soumis «ne se borne pas à transposer les directives communautaires» et qu'il conforte l'«instabilité» et l'«opacité» du droit des étrangers. Surtout, ils notent qu'il «contribue à banaliser la privation de liberté comme technique de gestion de l'immigration, en marginalisant le rôle du juge judiciaire et en renforçant les pouvoirs de l'administration».

    Les milieux chrétiens contre la «fragilisation» du droit des étrangers

    Sur les questions d'immigration et d'asile, le courant passe mal entre le gouvernement et les Églises. Les expulsions de Roms et les déclarations de Nicolas Sarkozy sur les Français «d'origine étrangère», cet été, ont réactivé le mécontentement qu'avait suscité, dans la loi Hortefeux de novembre 2007, l'amendement du député UMP Thierry Mariani sur les tests ADN. Pour prendre les devants, une délégation de l'épiscopat s'est rendue, le 21 septembre, au ministère de l'immigration pour dire à Éric Besson que son projet de loi «questionne notre conscience».
    La Conférence des évêques de France lui a remis un message indiquant qu'il est en son devoir de «combattre toute mesure contribuant à affaiblir la famille». Rappelant leur attachement au droit d'asile, les représentants de l'Église catholique jugent, par ailleurs, «inacceptables» les mesures «qui tendent à diminuer le soutien ou les garanties d'une procédure équitable». En retardant l'intervention du juge des libertés en rétention, estiment-ils aussi, Éric Besson «contrevient» au droit d'«entendre la parole des personnes privées de liberté». «L'aide humanitaire aux migrants en difficulté, rappellent-ils enfin, ne doit jamais être confondue avec l'activité délictuelle des “passeurs”».
    Dans un appel intitulé «Ne laissons pas fragiliser le droit de l'étranger», plusieurs organismes chrétiens, parmi lesquels Acat-France (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), la Fédération de l'entraide protestante (FED) et la Cimade, estiment que la réforme Besson «constitue une étape supplémentaire dans la fragilisation d'hommes, de femmes, d'enfants et de familles déjà fortement ébranlées par les difficultés de l'exil». Le 26 août, ils sont allés plus loin en appelant les élus de tout bord à «refuser les dispositions de ce projet de loi, contraires à nos valeurs».

    Des associations inquiètes du sort des étrangers malades

    À l'origine absente de la réforme, la remise en cause du droit des étrangers malades est venue d'un amendement présenté par Thierry Mariani et adopté en commission des lois à l'Assemblée nationale, le 15 septembre. Pour Act Up-Paris, ce texte fait peser des risques sur la vie de milliers d'étrangers gravement malades (environ 28.000 personnes sont potentiellement concernées). Dans un communiqué, l'association décrit un possible scénario en cas de vote par le Parlement: «Décembre 2010: Mme N., en situation irrégulière, est expulsée vers l'Ouganda de la France où elle suivait un traitement. Elle est séropositive et atteinte d'un cancer. En Ouganda, moins de la moitié des séropositives ont accès à un traitement. Juin 2011: Mme N. meurt faute de traitements. L'amendement Mariani a réduit son espérance de vie de plusieurs années à 6 mois, l'amendement Mariani l'a tuée.»


Projet de loi Besson: le soupçon et la répression

Sarkozy, Hortefeux... et maintenant Besson. Examiné en première lecture à partir de mardi 28 septembre par les députés, le projet de loi immigration, intégration et nationalité, porté par Éric Besson, s'inscrit dans le droit fil de la politique migratoire initiée en 2002 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, d'une suspicion généralisée envers les étrangers.
Depuis plusieurs mois, la contestation a pris de multiples formes. Juges, avocats, militants, hommes d'Église et associations de malades ont exprimé, tour à tour, leur inquiétude à l'égard d'une réforme jugée régressive. Dans la rue, le 4 septembre 2010, à Paris et partout en France, des dizaines de milliers de personnes ont défilé contre la «xénophobie d'État», dénonçant les actions menées par les pouvoirs publics à l'encontre des Roms. Signe d'une exaspération grandissante, cette mobilisation s'est poursuivie sous la forme d'un jeûne de dix jours devant l'Assemblée nationale et d'un appel du collectif Uni(e)s contre une immigration jetable à la responsabilité des parlementaires, mis en ligne dimanche 26 septembre sur Mediapart.
Présenté en conseil des ministres avant le discours ultra-sécuritaire prononcé le 30 juillet à Grenoble par le président de la République, le projet de loi Besson a été remanié afin d'intégrer les mesures sur la déchéance de la nationalité et les expulsions de Roms. La législation comme instrumentalisation de l'actualité, puisque déjà, l'arrivée de Kurdes de Syrie sur les côtes corses, en janvier 2010, avait donné lieu à la rédaction d'articles de loi sur-mesure.
Cinquième réforme législative en sept ans, ce texte de «maîtrise de l'immigration» se veut «équilibré», à savoir «juste et ferme», l'ex-transfuge du PS reprenant mot pour mot la terminologie utilisée en 2003, 2006 et 2007.
«Équilibré»? Le projet de loi consiste en une série de durcissements du Code de l'entrée et du séjour des étrangers. À une ou deux exceptions près, il ne comprend aucune amélioration en matière de droits des migrants. Il invente en priorité de nouveaux dispositifs pour faciliter les retours forcés, bannir les «indésirables» et fragiliser les conditions de vie des étrangers malades. L'intégration n'est vue que sous le prisme des efforts supplémentaires à fournir par les immigrés en vue d'une hypothétique «assimilation». En matière de nationalité, c'est la sanction d'une éventuelle déchéance qui est mise en avant.
Sous couvert de transposer des directives européennes, ce texte modifie une nouvelle fois en profondeur le travail des juges et des avocats, en le complexifiant. L'accès des personnes à leurs droits, déjà aléatoire et ténu, est rendu plus difficile encore. Le pouvoir de l'administration se renforce, au détriment du pouvoir du juge judiciaire gardien des libertés. Il est peu probable que l'État y gagne en efficacité, comme le ministre le prétend, mais un autre objectif est atteint: banaliser la privation de liberté et ériger la politique de la peur en technique de gouvernement. Passage en revue des bouleversements à prévoir.

Rétention: allongement de la durée d'enfermement

Trahissant la promesse de son prédécesseur Brice Hortefeux de ne pas y toucher, Éric Besson veut faire passer la durée maximale d'enfermement dans les centres de rétention administrative (CRA) de 32 à 45 jours, comme la directive «retour», votée par le Parlement européen en juin 2008, l'y autorise. But affiché: laisser plus de temps aux consulats pour délivrer les laissez-passer, sans lesquels les étrangers ne peuvent être expulsés. «La France restera le pays européen dont la durée maximale de rétention est la plus courte», répète le ministre, omettant de rappeler qu'en majorité, les reconduites à la frontière ont lieu au cours des dix premiers jours de rétention.
Dans son rapport de juillet 2009, le sénateur UMP Pierre Bernard-Reymond estimait lui-même que «l'allongement de la durée de rétention n'apparaît plus, en règle générale, comme un moyen d'améliorer l'efficacité du système alors que son coût n'est pas négligeable». De sorte que la mesure apparaît principalement punitive: même si les étrangers sont libérés in fine, ils auront passé plus de temps enfermés, toujours dans la peur d'être expulsés. 

Plus de pouvoir à l'administration, moins au juge des libertés

Au motif de rendre l'action administrative et contentieuse «plus efficace», le ministre propose, en rétention, de retarder l'intervention des juges des libertés (JLD) de 48 heures à 5 jours. Les juges administratifs, chargés de statuer sur la légalité de la mesure d'éloignement, seront amenés à se prononcer avant les juges des libertés dont la mission est de contrôler les conditions d'arrestation, de placement en garde à vue et de maintien en centre de rétention ou en zone d'attente. Des expulsions pourront ainsi être exécutées sans que les JLD aient été sollicités.
Pour le ministère, il s'agit de contourner ces juges judiciaires accusés, implicitement, de faire obstacle aux reconduites à la frontière. Il s'agit aussi de réduire leur champ d'action: ils ne disposeront plus que de 24 heures pour statuer et les irrégularités de procédure n'entraîneront la nullité que si elles présentent «un caractère substantiel» et ont pour effet «de porter atteinte aux droits de l'étranger». Par ailleurs, le deuxième juge des libertés, appelé à se prononcer pour un éventuel prolongement de la rétention, ne pourra soulever une irrégularité qui n'aurait pas été relevée par le premier juge. 

Des expulsés bannis du territoire européen

Le projet de loi crée une interdiction de retour sur le territoire français, qui se veut «dissuasive, notamment au regard de sa dimension européenne». De fait, les personnes concernées – y compris celles résidant en France depuis des années, y étant mariées ou ayant des attaches familiales – ne pourront plus revenir, une fois expulsées, ni en France, ni ailleurs en Europe pendant une durée de deux ou cinq ans.
Ce dispositif découle de la directive «retour», mais Éric Besson n'a pas jugé utile de transposer les garanties qu'elle prévoit (recours suspensif, catégories de personnes à protéger et règles d'abrogation).

Droit d'asile: des zones d'attente partout en France

Lorsqu'une centaine de Kurdes de Syrie ont débarqué en Corse, le ministre de l'immigration avait exigé qu'ils soient placés dans divers centres de rétention en France en vue de leur reconduite à la frontière. Mais les juges ont ordonné leur libération, notamment car ces personnes souhaitaient demander l'asile. En réaction à ce désaveu, Éric Besson a décidé de modifier la définition des zones d'attente. Ces espaces sont aujourd'hui localisés dans les aéroports, les gares et les ports internationaux, où les étrangers demandant l'asile sont maintenus le temps que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) statue sur leur sort.
Pour éviter que des personnes ne passent entre les mailles du filet, le projet de loi prévoit d'étendre ces zones «du lieu de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche». Dans ce cas de figure, les exilés kurdes auraient pu être retenus, voire éloignés rapidement.

Des atteintes au droit au séjour des étrangers malades

En commission des lois, le 15 septembre, le député UMP Thierry Mariani a fait adopter un amendement mettant en danger les étrangers gravement malades, c'est-à-dire ceux «dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité». Depuis la loi Chevènement de 1998, ces personnes obtiennent une carte de séjour temporaire lorsqu'elles ne «peuvent effectivement  bénéficier d'un traitement approprié» dans leur pays d'origine.
Le projet de loi propose qu'elles n'en bénéficient qu'en cas d'«inexistence» du traitement dans leur pays d'origine, alors que, pour les malades, la question, vitale le plus souvent, n'est pas de savoir si les médicaments existent, mais s'ils y ont accès. Dans certains pays, du Sud notamment, les traitements sont théoriquement disponibles, mais les personnes qui devraient en bénéficier ne peuvent les acheter pour de multiples raisons (coût, quantité insuffisante, éloignement du lieu d'habitation).

Création d'une «carte bleue» européenne

Transposition de la directive européenne «carte bleue» du 25 mai 2009, un nouveau titre de séjour est créé. Les critères sont des plus sélectifs car l'objectif est de n'attirer qu'une main-d'œuvre «hautement qualifiée». Sont éligibles les personnes disposant d'un contrat ou d'une promesse d'embauche ferme pour un emploi «hautement qualifié» d'une durée d'au moins un an, justifiant d'un niveau de diplôme d'au moins trois années après le baccalauréat ou de cinq années d'expérience sur un poste «hautement qualifié» dans le même secteur professionnel et dont le salaire mensuel atteint environ 4.000 euros. Au regard de l'échec de la carte «compétences et talents» créée par Nicolas Sarkozy en 2006 – 469 étrangers seulement en ont bénéficié en 2009 –,  il est à prévoir que la carte bleue, qui s'inscrit dans une vision utilitariste de l'immigration, sera, de la même manière, délivrée au compte-gouttes.

Travailleurs sans papiers: rien en matière de régularisation

En cas de licenciement, un travailleur sans papiers aura droit à une «indemnité forfaitaire» non plus d'un mois, comme le prévoit la législation aujourd'hui, mais de trois mois. Dans le sillage de la directive européenne «sanction» du 18 juin 2009, Éric Besson prend quelques mesures à l'encontre des employeurs d'étrangers sans autorisation de travail, notamment des sanctions pénales visant les donneurs d'ordre en cas de sous-traitance et la fermeture administrative d'un établissement, sans préciser que les moyens de contourner ces dispositifs restent nombreux et sans appeler le ministre concerné à augmenter le nombre d'inspecteurs du travail.
Le projet de loi, par ailleurs, ne dit pas un mot des critères de régularisation des travailleurs sans papiers, alors même que le ministre s'est engagé, en juin 2010, à «traiter dans de meilleurs délais chacun des dossiers présentés» et à «mieux tenir compte des spécificités de certains secteurs professionnels (intérim, nettoyage et aide à la personne)». Mais le gouvernement préfère s'en tenir à un accord sans valeur législative contraignante. 

Intégration: aucun droit supplémentaire, que des obligations

En la matière, le projet de loi tire les leçons du «grand débat sur l'identité nationale», selon Éric Besson. Les candidats à la nationalité française devront signer une «charte des droits et devoirs du citoyen français» rappelant les «principes et valeurs essentiels de la République». L'objectif, en filigrane, est d'exclure les femmes portant le voile intégral et leurs maris.
Introduit par amendement, le dispositif élargissant la déchéance de nationalité voulu par Nicolas Sarkozy s'appliquera aux personnes ayant été naturalisées depuis moins de dix ans en cas de «meurtre ou violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner» commis sur un dépositaire de l'autorité publique. Un faible nombre de personnes devrait être concerné, mais l'effet d'annonce est là, transposé dans la législation. En instaurant une hiérarchie entre les Français, cette mesure contrevient au principe constitutionnel d'égalité de tous les citoyens devant la loi.

Des mesures visant implicitement les Roms

Pour coller au discours de Grenoble, des amendements présentés par le gouvernement ont été votés en commission des lois. Les ressortissants européens présents depuis plus de trois mois sur le territoire pourront être expulsés si leur comportement «a menacé l'ordre public» ou s'ils ont exercé une activité salariée sans autorisation alors qu'ils y étaient soumis. Par menace à l'ordre public, le projet de loi entend, par exemple, «trafic de stupéfiants», «proxénétisme», «exploitation de la mendicité», «vol dans un transport collectif», mais aussi «occupation illégale d'un terrain public ou privé». Et cela, alors même que le tribunal administratif de Lille a annulé, le 27 août 2010, des arrêtés d'expulsion de Roms au motif que l'occupation illégale d'un terrain communal ou privé «ne suffit pas à caractériser l'existence d'une menace à l'ordre public».
En cas de séjour de moins de trois mois, le projet de loi envisage là aussi des durcissements: les personnes ne pourront rester sur le territoire que tant qu'elles «ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français». Il élargit enfin les possibilités d'éloignement en cas d'«abus de droit». Les Roms ne sont pas cités, mais ce sont eux qui sont visés.

interview de Ségolène Royal à Médiapart

27 Septembre 2010 

"Les syndicats ont prévu deux nouveaux jours de mobilisation contre la réforme des retraites du gouvernement, les 2 et 12 octobre. C'est encore utile ?

Ségolène Royal.
Oui, c'est très important de continuer. La mobilisation actuelle dans les rues est supérieure à celle du mouvement contre le CPE. Ce qui est nouveau , c'est la prise de conscience des jeunes et des femmes qui étaient beaucoup plus nombreux dans les défilés. Au départ, beaucoup n'ont pas regardé le fond de la réforme, mais ils se rendent compte maintenant des dégâts sociaux qu'elle va provoquer. Et que casser la retraite à 60 ans et celle à 65 ans provoque des injustices flagrantes . Cette mauvaise réforme est en fait une nouvelle taxe sur les bas et moyens salaires.

Comme les syndicats, vous parlez d'une mobilisation en hausse. Le gouvernement dit l'inverse. Qui croire ?
Chacun peut constater que les gens étaient plus nombreux dans la rue. Il suffit de faire des photos aériennes pour vérifier (sourires). Il y a une indécence dans cette polémique. Cela fait penser à Louis XVI qui ferme ses portes pour ne pas entendre la protestation de la rue. Jeudi, l'Elysée a diffusé un communiqué dès 11 heures pour dire que la mobilisation était en baisse avant même les manifestations de l'après-midi. Quand un pouvoir en est réduit à déformer la réalité de la révolte sociale pour mieux l'écraser, ça prouve qu'il la craint.

En faisant une comparaison avec Louis XVI, vous sous-entendez que la France est, comme à cette époque, dans un climat prérévolutionnaire ?
Mais il est évident qu'il y a un profond sentiment de révolte et d'écoeurement. Cette réforme a été menée contre les Français avec un refus de débat. La fermeture sur la question de la pénibilité, la non prise en compte des inégalités homme-femme, l'obsession mise à casser la liberté de prendre sa retraite à 60ans et le droit d'y accéder enfin à 65 ans... tout cela manifeste une incapacité à réformer de façon moderne et démocratique. Je ne vois qu'une explication : Nicolas Sarkozy a fait des promesses à ses amis du " premier cercle de l'ump". C'est clairement une privatisation des retraites qu'il impose. En effet ceux qui ont peur de ne pas pouvoir accèder à la retraite vont fuir vers les assurances privées tenues par les amis du pouvoir, les mêmes qui bénéficient des revenus du capital scandaleusement épargnés par la réforme.

Le débat va commencer au Sénat. Vous pensez que les sénateurs vont modifier la réforme du gouvernement ?
Tout dépend de la mobilisation. C'est pour cela qu'il est très important que ce mois soit utilisé pour installer la crédibilité de l' autre réforme possible, juste et durable que proposent les socialistes. C'est très important qu'il y ait un débouché politique à cette désespérance provoquée par une droite dure et manipulatrice qui pénalise les ouvriers , les petits employés, les femmes mères de famille et qui refuse de toucher aux privilèges de ses soutiens financiers.

Vous pensez que seule la rue peut faire bouger le gouvernement ?
La mobilisation sociale ne doit pas faiblir. Mais elle doit être accompagnée d'un travail de pédagogie des socialistes pour que les Français puissent être sécurisés et puissent se dire « oui la gauche rétablira la sécurité sociale et répartira les efforts avec justice". La puissante communication gouvernementale est faite de contre-vérités et de mensonges. Je rappelle que déjà en 2003 François Fillon nous disait que sa réforme allait financer les retraites jusqu'en 2020 ! Leur argument est très simple c'est de dire : «c'est nous qui sauvons les retraites». C'est faux ! Rien est sauvé, les financements ne sont pas assurés après 2012-2013. Et jamais ils n'ont répondu sur la participation des revenus du capital au financement des retraites, jamais ils n'ont répondu sur l'intégration de la pénibilité, jamais ils ont dit combien d'économies permettaient le report de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans. En fait ça ne rapporte pas grand chose car les salariés seniors basculent dans le chômage. C'est un transtert de charges de l'assurance vieillesse vers l'assurance chômage. La preuve c'est que le Medef réclame une révision à la baisse de l'indemnisation du chômage? L' objectif de la droite est d'abord idéologique : casser une réforme emblématique de François Mitterrand et privatiser la sécurité sociale. Vous verrez, après les retraites ce sera le tour de la santé.

Quand Benoît Hamon fait un meeting commun avec Olivier Besancenot pour défendre la retraite à 60 ans, cela vous gêne-t-il comme d'autres socialistes ?
Il ne faut pas en faire toute une histoire. Il y a des convergences de mobilisation pour s'opposer à une réforme, et des divergences sur la capacité à proposer. Nous sommes un parti de gouvernement, nous avons donc la responsabilité de faire des propositions solides et crédibles.

Concernant le terrorisme, l'Etat évoque une menace d'attentat. Dominique de Villepin dit lui «pas de panique»...
Les Français ne sont pas dupes. Il y a une part de mise en scène qui n'a pas de raison d'être. Et qui est meme dangereuse. Si menace il y a, la logique même de la lutte anti terroriste et du renseignement impose la discrétion. Ces questions ne se règlent pas avec légèreté. D'autant que s'il y a des choses graves qui se préparent, la moindre des choses seraient d'en informer l'opposition .

Sur cette question, vous trouvez que l'opposition n'est pas assez informée ?
S' il existe de réelles menaces, conformément à l'esprit de nos institutions l'opposition doit etre informée. La lutte contre le terrorisme est une action sérieuse et discrète incompatible avec l'annonce de pics d'alerte... comme par hasard pendant les mouvements sociaux.

Claude Bartolone a expliqué sur France Inter vendredi qu'il y aurait une entente entre Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry en vue de la présidentielle. Il ne vous a pas citée dans cet accord. Cela vous gêne ?
Au contraire car tout ce qui relance les manoeuvres d'appareil, dans le contexte de crise sociale où nous nous trouvons est jugé très sévèrement par les Français. Il faut que les entourages fassent preuve du même sens de responsabilité que celui qui a permis l'unité de La Rochelle. Cette unité est précieuse et je ne laisserai personne y porter atteinte. C'est également la volonté de Martine qui a redit que les primaires seraient transparentes.

Vous parlez d'unité au PS. En revanche, les journées parlementaires de l'UMP ont été l'occasion de querelles entre eux...
Les conflits internes à l'UMP prouvent que certains préparent déjà l'après-Sarkozy au lieu d' être à l'écoute des Français. Ils ont déjà fait beaucoup de dégâts, les caisses de l'Etat sont vides, les déficits atteignent des sommets... Et maintenant, ils sont tellement occupés à se disputer entre eux qu'ils n'ont même plus la capacité d'entendre la colère des Français. Lequel d'entre eux se souvient par exemple que le programme présidentiel de Sarkozy promettait : " l'égalité salariale entre les femmes et les hommes sera totale d'ici 2010" ? L'heure du bilan approche et nous sommes prêts pour ce rendez-vous de vérité."

25 septembre 2010

Michelle Bachelet, nouvelle dirigeante d’ONU Femmes, soutenue en 2006 par Ségolène Royal au Chili, définit les grandes lignes de son action, loin de la médiatisation de Melinda Gates

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Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon et Michelle Bachelet à Santiago, le 5 mars 2010 (AFP/Ignacio Iribarren)
Finalement, c’est elle, Michelle Bachelet, qui a été nommée le 14 septembre dernier à la tête de la nouvelle agence de l'ONU créée le 2 juillet 2010, ONU Femmes. Fin juillet encore, Madame Bachelet ne figurait pas sur la liste des noms qui circulaient, mais était déjà la favorite 
Ce sont 26 candidates qui se sont déclarées, dont Michelle Bachelet, qui a été désignée au terme du processus à l’unanimité du panel des responsables consultés par le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-Moon. Michelle Bachelet, Chilienne, socialiste, médecin, dont les ancêtres était vigneron à Chassagne-Montrachet en Côte-d’Or, a été présidente du Chili de mars 2006 à mars 2010.
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 Michelle Bachelet et Ségolène Royal en Janvier 2006 (photo : Patrick Bruchet)
En janvier 2006, Ségolène Royal était venue la soutenir lors du second tour de l’élection présidentielle. Le 15 janvier 2006, Madame Bachelet était élue présidente de la République chilienne, et devenait la première femme à être élue au suffrage universel à un poste de cette importance en Amérique du Sud. Dès le 30 janvier 2006, Michelle Bachelet appliquait une des promesses électorales faites au cours de la campagne et instaurait la parité au sein de son gouvernement en nommant ministres 10 femmes et 10 hommes.
Elle ne s’est pas représentée pour un second mandat aux dernières élections, et est restée très populaire dans son pays (« 70% d’opinions favorables » constate-t-elle). Elle sera, comme toutes les futures dirigeantes d’ONU Femmes, Secrétaire Générale adjointe de l’ONU, sous l’autorité directe Ban Ki-Moon, le Secrétaire Général, pour donner plus de poids politique à la fonction au sein de l’ONU. Ban Ki-Moon, dans son discours de nomination Michelle Bachelet, a salué son « habilité peu commune à créer le consensus et à attirer l’attention des autres agences de l’ONU et de nombreux partenaires à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé ».
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C’est là où le bât blesse : ONU Femmes est doté d’un budget annuel de 500 millions de dollars, ce qui est à la fois beaucoup, car cela représente une très forte augmentation des moyens attribués par l’ONU à la cause des femmes ces dernières années, et très peu tant la tâche est immense et les effectifs réduits : 284 personnes contre 7 200 pour l’UNICEF, 3 334 pour le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), et 900 pour Onusida. Dans l’Etat actuel de son budget, ONU Femmes ne pourra pas intervenir sur le terrain, à moins de s’appuyer sur les effectifs de l’UNICEF ou du PNUD, or la tâche est immense.
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Ban Ki-Moon est actuellement tout entier concentré sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Pour les femmes, les efforts de Ban Ki-Moon portent actuellement surtout sur les objectifs n°4 (réduire la mortalité infantile) et 5 (améliorer la santé maternelle).  C’est le sens de la campagne actuelle de l’ONU « Une femme, un enfant », pour laquelle un engagement de 40 milliards de dollars (30 milliards d’euros) vient d’être  annoncé. En cette période de disette budgétaire des grands pays industrialisés, c’est là aussi que l’aide philanthropique, pour dire les choses d’une façon politiquement correcte, la charité des riches envers les pauvres, les faibles et les démunis, pour dire vrai, entre en jeu. Déjà, les fondations des plus grandes fortunes de la planète ont promis 3 milliards de dollars, dont la moitié provenant de la Fondation Bill & Melinda Gates.
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Melinda Gates , le 21 septembre 2010, à New York (AFP/Mario Tama)
« Bill et moi pensons qu'en cette période de récession où il est difficile pour les gouvernements de soutenir leurs efforts budgétaires, il est important de montrer que l'aide au développement peut être efficace. » plaide Melinda Gates.
« Le dynamisme des fondations crée une saine compétition avec les autres bailleurs. Leur façon de travailler oblige ces derniers à mettre à jour leurs méthodes et leurs approches. » se réjouit effrontément Robert Orr, Secrétaire Général adjoint des Nations Unies.
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C’est un peu vite oublier que la lutte contre les inégalités dont sont victimes les femmes ne se cantonne pas à la mortalité maternelle ou infantile, qui sont des problèmes graves, mais pas les seuls. L’objectif n°3, « promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes », est par trop négligé dans cette affaire. Et c’est justement sur cet objectif que Michelle Bachelet veut, elle, faire porter ses efforts : « agir sur les conséquences de la crise » (emploi des femmes, chômage des femmes) et« lutter contre les violences faites aux femmes ». Rappelons que l’objectif n° 3 a un rôle central, un rôle d’intérêt général par rapport aux deux autres, il précise : « L’égalité des sexes, qui est inscrite dans les droits de l’homme, est au cœur de la réalisation des OMD. Sans elle, on ne pourra vaincre ni la faim, ni la pauvreté, ni la maladie. »
Bizarrement, Melinda Gates est beaucoup moins présente sur ce front, qui attire peu. Notons tout de même l’engagement de femmes comme Nicole Kidman, par exemple, nommée ambassadrice de l’Unifem en 2006, et qui apporte son soutien à la lutte contre la violence des femmes.
Et c’est là où tout ce qui a été dit dans les Ateliers de la Fête de la Fraternité 2010 à Arcueil prend toute son importance. Comme le disait Salim Abdelmadjid :
« L’Etat est le seul acteur suffisamment puissant qui tienne compte de l’intérêt général, à la différence des entreprises, des différents types de compagnies, des associations privées, qui tiennent compte, par définition, d’intérêts privés. »
Nous y reviendrons prochainement à l’occasion d’autres articles.
Frédérick Moulin
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lemonde pet   24 septembre 2010
Michelle Bachelet (ONU Femmes) veut combattre les violences domestiques
Nommée le 14 septembre à la tête de l'ONU Femmes, Michelle Bachelet, ancienne présidente du Chili, va mettre la nouvelle institution en ordre de bataille d'ici à janvier 2011, date à partir de laquelle l'agence commencera à être opérationnelle. Dans le monde des ONG qui militaient depuis des années pour la création d'une agence " dédiée " aux femmes, rarement nomination aura été entourée d'une telle unanimité.
Dans l'entretien qu'elle a accordé au Monde, Madame Bachelet indique que ses priorités seront de combattre les violences domestiques et sexuelles, ainsi que de lutter contre les conséquences de la crise qui frappe sévèrement les femmes.
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Ban Ki-Moon, Secrétaire Général de l'ONU, lors de l'annonce de la nomination de Michelle Bachelet le 14 septembre 2010 ; à ses côtés Asha-Rose Migiro, Secrétaire générale adjointe (ONU/Paulo Filgueiras)
Ce faisant, elle manifeste sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) notamment ceux concernant la réduction de la mortalité infantile et la baisse de la mortalité maternelle qui viennent de bénéficier d'un programme de 40 milliards de dollars (29,9 milliards d'euros). À 59 ans, Michelle Bachelet, qui a mûrement réfléchi cet engagement sur la scène internationale, entend utiliser toute la notoriété que lui vaut sa position d'ancien chef d'Etat et de nouvelle secrétaire générale adjointe de l'ONU, qui la place haut dans la hiérarchie des Nations unies.
Quelles vont être vos priorités dans les prochains mois ?
Dans les trois mois à venir, nous allons travailler à rassembler et mettre en synergie les quatre entités - Le fonds de développement des Nations unies pour les femmes, l'Unifem, étant le plus important, NDLR - qui composent l'ONU femmes. Avec deux priorités en tête. La première sera de lutter contre les violences faites aux femmes, un champ qui n'est pas couvert par les OMD. Ce problème traverse toutes les sociétés sans exception : 70 % des femmes dans le monde subissent des violences domestiques. Nous allons oeuvrer en particulier à réduire l'immense fossé qui existe entre les législations qui protègent les femmes - il en existe beaucoup - et leur application qui reste très faible. Je souhaite également que l'ONU femmes s'implique dans la lutte contre les mutilations génitales : trois millions de femmes en sont victimes sur le continent africain chaque année. Cette guerre à la violence faite aux femmes inclut bien sûr aussi le combat contre les trafics de femmes, contre le viol, qui sévit à grande échelle dans les pays en conflit, comme la République Démocratique du Congo par exemple.
Notre deuxième priorité sera d'agir sur les conséquences de la crise. Actuellement, le partage de l'emploi est très inégalitaire entre hommes et femmes sur la planète. Hors agriculture, l'accès des femmes à l'emploi est limité : seulement 31 % des femmes travaillent dans un autre secteur. C'est un pourcentage qui recouvre de surcroît de très grandes disparités régionales (20 % seulement en Asie du Sud et en Afrique). Sans compter qu'il s'agit souvent d'emplois à bas salaires et à temps partiel. La crise a aggravé le problème.
Selon l'Organisation internationale du travail, le chômage des femmes a augmenté plus vite que celui des hommes. Plusieurs millions de femmes se retrouvent privées d'emploi avec des conséquences en cascade. Quand les femmes perdent leur emploi, on voit augmenter le nombre d'abandons scolaires par exemple. De manière générale, qu'il s'agisse de la crise financière, de la crise alimentaire, de celle de l'énergie ou du changement climatique, toutes les crises affectent durement les femmes.
Votre budget de 500 millions dollars est-il suffisant ?
C'est un budget de départ et il faut le considérer comme tel. C'est un minimum et nous avons besoin de bien plus mais nous allons demander aux Etats membres d'augmenter leur participation, de faire un investissement " dans " les femmes.
Les ONG souhaitent que l'agence dispose de ses propres forces sur le terrain. Qu'en pensez-vous?
D'ores et déjà, l'Unifem est présente dans 80 paysCe n'est pas suffisant et je souhaite élargir cette présence. Dans ce sens, je suis d'accord avec les ONG. Mais je souhaite que l'argent aille aux communautés de femmes qui agissent sur le terrain.
Vous avez semblé hésiter à prendre la tête de l'ONU Femmes...
Ce n'est pas une question d'hésitation, mais il fallait que je fasse un choix. Ce n'est pas facile quand vous bénéficiez de plus de 70 % d'opinions favorables dans votre pays ! Les gens craignaient que je les abandonne et je ne veux pas les abandonner. Je serai à New York, ce n'est pas si loin. Et je vais travailler à la cause des femmes, une cause qui concerne aussi les femmes du Chili. C'est un job merveilleux et passionnant.
Propos recueillis par Brigitte Perucca

21 septembre 2010

Retraite des femmes : le mensonge comme seul argument








Martine Billard, Danièle Bousquet, Marie Georges Buffet, Anny Poursinoff, députées, Christiane Marty, membre du Conseil scientifique d'ATTAC

Sourd à l'hostilité de la population à la réforme des retraites, le gouvernement maintient son projet, en l'amendant de quelques mesurettes sur la pénibilité ou les carrières longues. Contre les inégalités de retraite entre les hommes et les femmes, pourtant très importantes, rien n'est prévu. Eric Woerth en conteste même la réalité et tient des propos lénifiants sur l'évolution de la situation, en niant les conséquences particulièrement négatives qu'aurait son projet sur les femmes. Sur cette question, son discours se réduit à deux arguments, basés sur l'hypocrisie et le mensonge.

Hypocrisie quand il répète que "la retraite n'a pas vocation à corriger l'ensemble des inégalités existant dans l'emploi". Certes, mais elle n'a surtout pas vocation à les amplifier. Or c'est le cas : la pension moyenne des femmes, tout compris, ne représente que 62 % de celle des hommes, alors que leur salaire moyen représente 80 % de celui des hommes. En outre, sans les dispositifs conjugaux et familiaux dont elles bénéficient, leur pension ne représente même pas la moitié (48 %) de celle des hommes. Ces dispositifs se révèlent donc indispensables, tout en restant insuffisants pour compenser les inégalités.
Pourtant, le gouvernement n'hésite pas à affirmer, dans le dossier de présentation du projet de loi : "Les femmes bénéficient de nombreux dispositifs de solidarité au sein de nos régimes de retraite, qui (…) compensent efficacement l'impact des enfants". Permettre aux femmes d'atteindre 62 % de la pension des hommes, est-ce cela une compensation efficace ? C'est probablement au nom d'une telle conception que ces dispositifs ont déjà été réduits par la réforme de 2003 et en 2009, et qu'ils continuent d'être mis en cause… au nom de l'égalité entre les femmes et les hommes ! Hypocrisie encore, lorsque le projet prévoit de sanctionner les entreprises pour… absence de plans pour l'égalité professionnelle, alors que c'est l'absence de résultats qui doit enfin être sanctionnée si on vise vraiment à l'efficacité.
Mensonge lorsque M. Woerth conteste le fait que l'allongement de la durée de cotisation et le recul des bornes d'âge pénalisent plus fortement encore les femmes : celles-ci ont en moyenne beaucoup moins de trimestres validés que les hommes, elles sont proportionnellement plus éloignées de la durée exigée, et elles attendent souvent l'âge de 65 ans pour liquider leur retraite sans subir la décote. Mais pour le ministre, il semble ne plus y avoir de problème d'inégalités entre les hommes et les femmes. Il affirme ainsi : "aujourd'hui les femmes ont au moins autant de trimestres validés que les hommes" (présentation du projet de loi le 15 juin 2010), et "la durée d'assurance des femmes est supérieure à celle des hommes de dix-sept trimestres en moyenne pour les générations récentes", et encore, lors du débat en séance du 9 septembre à l'assemblée nationale : "Les femmes nées dans les années 1960, lorsqu'elles prendront leur retraite, auront quinze trimestres de plus que les hommes". Il ajoute : "ce n'est pas le gouvernement qui l'affirme, c'est dans le rapport du COR".
Tout cela est faux. Les rapports du Conseil d'orientation des retraites (COR) disent des choses très différentes. Les écarts entre les durées validées par les hommes et les femmes se réduisent, lentement, au fil des générations mais on est loin, aujourd'hui comme dans un futur proche, de durées équivalentes : les femmes parties en retraite en 2004 avait toujours vingt trimestres de moins que les hommes, tout compris ! C'est à dire cinq annuités de moins, on peut rappeler que cinq annuités manquantes entrainent une décote de 25 %, sur une pension déjà plus faible puisque proratisée.
LA QUESTION RESTE ENTIÈRE ET NON TRAITÉE
Pour le futur, selon les projections établies par la Caisse nationale de l'assurance vieillesse (CNAV) et rapportées par le COR, les femmes "pourraient avoir une durée validée tout compris supérieure aux hommes. Pour la génération née en 1980, l'écart en leur faveur serait de l'ordre de cinq trimestres". D'une part, cet écart contredit fortement les quinze ou dix-sept trimestres affirmés par le ministre ! Sur le fond, la génération de 1980 pour laquelle l'écart pourrait être de cinq trimestres en faveur des femmes, arrivera à 60 ans en… 2040, soit dans 30 ans. D'ici là, quid des générations de femmes qui partiront en retraite avec un nombre insuffisant de trimestres, en moyenne plus faible que les hommes, et que cette réforme obligerait à attendre 67 ans pour ne pas voir amputée une pension déjà bien faible ? Ces femmes n'auraient qu'à se consoler à l'idée que les inégalités auront probablement diminué au moment de la retraite de leurs petites filles ?
D'autre part, rappelons ce que le COR précise sur ces projections : "Ces estimations doivent néanmoins être interprétées avec prudence, du fait des limites inhérentes aux projections… elles suggèrent simplement que les écarts pourraient s'annuler voire s'inverser". Eric Woerth ne s'embarrasse pas de telles réserves ! De plus, ces projections sont aujourd'hui obsolètes, puisqu'elles ont été réalisées avant la mesure de 2009 qui a diminué les trimestres attribués aux femmes du régime général au titre des enfants. Il est plus que probable que cela modifie grandement les projections pour l'avenir…
Le rapport du COR dit en toutes lettres que les décalages de la date de départ en retraite seraient plus importants chez les femmes que chez les hommes, témoignant de la pénalisation particulière des femmes en cas de report des bornes d'âge. Ce résultat reste lui aussi occulté. Même la Commission européenne attire l'attention sur le risque de pauvreté plus élevé pour les femmes, en particulier pendant la retraite.
La question des inégalités de retraite entre les hommes et les femmes reste donc entière et non traitée. Le projet de réforme est injuste non seulement envers les femmes, mais envers les jeunes, les carrières longues, les métiers pénibles et plus globalement l'ensemble des salarié-s, parce que fondamentalement il refuse de s'attaquer à l'inégal partage entre le capital et le travail qui a fait reculer la masse salariale en proportion inverse de l'envolée des dividendes. Un projet alternatif existe pour faire reculer les inégalités et financer un bon niveau de retraites, il est fondé sur la solidarité et le partage des richesses.

Martine Billard, députée (PG), Danièle Bousquet, députée (PS), Marie Georges Buffet, députée (PCF), Christiane Marty, membre du Conseil scientifique d'ATTAC, Anny Poursinoff, députée (Les verts).