18 mai 2010

Ségolène Royal défend le partenariat avec la Méditerranée


 
  
· Et aussi un monde multipolaire où chacun a sa place

· La zone euro «un peu vidée de son contenu»



TOUJOURS aussi vivace que calme, le sourire aux lèvres, le regard intense et profond. Ségolène Royale, la concurrente socialiste de Nicolas Sarkozy aux présidentielles françaises de mai 2007, n’a rien perdu de sa verve ni de son… charme.
La grande dame de la politique française a profité de son passage à Casablanca pour rencontrer des journalistes d’Eco-Médias. L’occasion pour elle de revenir sur la crise financière européenne et aussi sur la vive polémique qui anime le pays après l’annonce du plan d’austérité de Sarkozy. Il est vrai que le Parti socialiste (PS) voit dans ce plan la fin d’une grande partie des avantages sociaux, sans compter le gel des dépenses pour réduire le déficit public de l’Etat, ou encore le prolongement de l’âge de la retraite.
Dans ce cadre, Ségolène Royal estime que ce qui «manque cruellement à ce plan de sauvetage, ce sont des règles très fermes de lutte contre la spéculation financière et contre le système bancaire qui reçoit un soutien des Etats sans qu’il y ait contrepartie en termes de lutte contre la spéculation, rémunération des traders, taxe sur les mouvements de capitaux». A ce propos, elle a indiqué que «si cette taxe n’est toujours pas mise en place, c’est parce qu’on est encore dans un système ultralibéral qui fait la part trop belle aux banques et, aujourd’hui, les opinions publiques font pression pour qu’il y ait à la fois de la transparence dans les décisions qui sont prises, de la justice dans la répartition des efforts et surtout que le système bancaire soit mis devant ses responsabilités avec des contraintes nouvelles». «Ce que je préconise, c’est qu’il y ait au sein des banques une dichotomie, une séparation entre les banques spéculatives qui n’ont plus à recevoir le soutien de l’Etat et les banques économiques qui financent durablement l’économie réelle et qui peuvent recevoir, le moment venu, un soutien des Etats ou des garanties d’emprunt qui leur permettent d’aider les entreprises à se développer».
Abordant la question de la solidarité entre les Etats européens après la crise financière qui secoue la Grèce, Ségolène Royal, tout en estimant que la création de l’euro «est un progrès considérable puisque ça permet aux pays de ne plus se faire des évaluations compétitives», a souligné que «ce qui a manqué c’est le volet économique, gouvernance commune, progrès social commun, politique fiscale commune, politique environnementale commune…». Conséquence, «la zone euro s’est trouvée un peu vidée de son contenu». Aussi, ajoute-t-elle, «le problème est soit un risque de déclin pour l’Europe, soit au contraire une opportunité de sursaut, de convergence, de volonté politique et de volonté des Etats de remettre de l’ordre dans ce qui est aujourd’hui un grand désordre lié à la spéculation financière».
Sur le chapitre des relations européennes, notamment avec les pays méditerranéens, Ségolène Royal a estimé que la sortie de crise «est une opportunité nouvelle pour les pays émergents comme le Maroc». Et d’ajouter: «moi j’ai toujours pensé de toute façon que l’avenir de l’Europe c’était le partenariat autour de la Méditerranée. Et je pense que cette épreuve qui arrive à l’Europe devrait au contraire lui permettre de considérer que la domination de l’Occident n’est plus d’actualité». Ce qui est d’actualité, dit-elle, «c’est un monde multipolaire où chacun a sa place, où il y a des partenariats équilibrés et c’est cela la grande leçon des choses». Seulement, pour les Européens, «c’est difficile à admettre, c’est-à-dire, le prisme de l’histoire est tellement lié à l’occidentalisation du monde et, aujourd’hui, il y a une forme de «désoccidentalisation». Mais «on a besoin des regards des autres pour avancer et l’Europe n’est plus le modèle dominant», avance-t-elle.

Jamal Eddine HERRADI

 
Article publié dans L'Economiste (le 1er quotidien économique du Maroc)

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