11 juillet 2010

Bernard Thibault (CGT): «Sur les retraites, l'exécutif va devoir bouger»

Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, met la pression sur le gouvernement. Sans demander la démission du ministre Woerth (qui ne «modifierait» rien), il exhorte l'exécutif à «bouger» sur les retraites «ou alors on aura une importante crise sociale à la rentrée». Il critique aussi le présidentialisme, la situation politique et les rivalités à droite: «Jean-François Copé (le patron des députés UMP) a sa propre stratégie politique, et le groupe parlementaire est de plus en plus au service de sa stratégie.» Dans la nuit du mercredi 7 au jeudi 8 juillet, la majorité a rejeté un amendement du gouvernement qui aurait permis d'instaurer une once de dialogue social dans les entreprises de moins de onze salariés.
Le ministre du travail, Eric Woerth, est-il affaibli?
Oui. (Long silence) Mais le personnage clé, c'est le président de la République. Nicolas Sarkozy peut bien remanier, mettre n'importe qui pour mener le dossier retraites: c'est lui qui ménera la réforme. Cette séquence fragilise (l'exécutif): avoir le ministre porte-parole de la réforme dans cet état-là... Mais un changement de ministre ne modifierait rien. D'autant que lorsque j'entends les hypothèses sur un remaniement... Xavier Bertrand (secrétaire général de l'UMP, ministre du travail de 2007 à 2009) serait tout sauf un gage d'ouverture: c'est quand même un de ceux qui ont enterré le thème de la pénibilité lorsqu'il était au ministère du travail! Le mot d'ordre en ce moment, c'est: «il faut à tout prix sauver le soldat Woerth». Le dossier retraites risque d'être pris en otage de cette situation. Car si le gouvernement esquisse le moindre mouvement, il sera interprété à partir d'une autre grille de lecture, celle de la polémique politique actuelle. Pourtant, l'exécutif va devoir bouger sur les retraites. Ou alors on aura une importante crise sociale à la rentrée.
Comment décririez-vous la situation sociale et politique?
J'ai été un des premiers à mettre en garde: dès lors que le président de la République revendiquait d'intervenir sur tout, dès lors qu'il prétendait être l'omniprésident, il était évident que ça allait provoquer une situation de blocage, tôt ou tard, et singulièrement sur les questions sociales. Je crois qu'on y est, ou en tout cas on n'en est pas loin. La situation actuelle peut déboucher sur une crise institutionnelle : quand le président gouverne au lieu de présider, en cas de mécontentement lourd, on arrive à un blocage. C'est très préoccupant.
Il n'y a plus de structures d'appel. Un président de la République, c'est quelqu'un qui sait apprécier ce qui est acceptable ou bien ce qui rejeté par le pays. Il sait prendre le recul nécessaire, éviter les blocages. Or, Nicolas Sarkozy a théorisé le fait qu'une fois élu, il avait les pleins pouvoirs. Quoi qu'il arrive, quels que soient les sujets (même ceux qu'il ne maîtrise pas forcément), les mécontentements et les protestations, il arbitre, et son choix s'impose. Au motif qu'il a été élu, il prétend avoir une légitimité de fait pour arbitrer, quoi qu'en pensent les autres acteurs, voire contre l'avis unanime des autres acteurs. C'est ce qui s'est passé avec les retraites: tous les syndicats disent qu'il s'agit d'une "réforme injuste", il n'y a pas photo.
Comment sortir de cette situation?
Ça... je n'ai pas la clé. Syndicalement, on n'a pas forcément la clé.
Est-ce que la crise politique actuelle ne peut pas vous profiter?
On n'en profite pas du tout. Dernier exemple, dans la nuit de mercredi à jeudi (7 et 8 juillet), avec le texte sur le dialogue social dans les TPE. Le patronat a fait un lobbying d'enfer pour obtenir du groupe majoritaire à l'Assemblée de s'opposer au texte du gouvernement... Là, on touche au jeu à droite qui est déjà à l'œuvre dans la perspective de la présidentielle: Jean-François Copé (le patron des députés UMP) a sa propre stratégie politique, et le groupe parlementaire est de plus en plus au service de sa stratégie. Dans cette configuration politique, il devient particulièrement compliqué d'assumer des responsabilités syndicales. En fonction des circonstances, l'interlocuteur déterminant change. Un coup, c'est le président de la République, un coup le président du groupe UMP – ce n'est jamais un ministre, pas même le premier ministre. Alors on peut faire le remaniement qu'on veut, je crains que ça ne change pas grand-chose...
Que reste-t-il du texte sur le dialogue social dans les très petites entreprises?
Il est vide de sens. On va organiser des élections tous les quatre ans pour les salariés des TPE uniquement pour qu'ils s'expriment sur des préférences syndicales sans que ça ait d'impact sur leur quotidien. C'est stupide! Ce vote ne servira à rien, sauf contribuer à définir la représentativité nationale des syndicats. Le groupe UMP a repris in extenso la théorie patronale (la CGMPE et le Medef, car d'autres organisations patronales étaient pour), qui exclut de faciliter la moindre présence dans les TPE. C'est une démarche très antisyndicale. Ce sont pourtant les mêmes députés qui ont voté la loi du 20 août 2008 sur la représentativité... Mais on n'est plus en 2008, la configuration politique est différente.
Une configuration politique assez folle, à vous écouter...
Oui, bien sûr. Et à ce point critique qu'elle génère un sentiment que les élus sont tous pourris. Dans une démocratie, on ne peut pas se satisfaire de la montée de ce genre de sentiment. C'est préoccupant, indépendamment des préférences partisanes qu'on peut avoir. Ce n'est pas sain.
Le climat est-il favorable pour une forte mobilisation début septembre? Car le calendrier n'est pas idéal, été oblige...
Il a été fait pour nous compliquer la tâche. C'est la troisième fois qu'on nous fait le coup d'une réforme en juillet, après les décrets Balladur de 1993, la loi Fillon de 2003... Cette fois, ils ont quand même senti le vent du boulet, et renoncé au plan initial qui était de faire adopter la loi en juillet. Mais l'examen du texte commencera quand même très tôt, le 6 septembre. On a été capables d'une grande action nationale un 24 juin, ça ne s'est jamais vu à cette échelle-là depuis de très nombreuses années. On a créé les conditions pour fixer un RDV à la rentrée, le 7 septembre. Le calendrier est serré. Les premières mobilisations d'ampleur lors d'une rentrée, c'est en général plutôt fin septembre début octobre, jamais plus tôt... Mais je pense que la mobilisation sera d'ampleur, à la grande surprise du gouvernement.

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    Le ministre du travail, Eric Woerth, est-il affaibli?
    Oui. (Long silence) Mais le personnage clé, c'est le président de la République. Nicolas Sarkozy peut bien remanier, mettre n'importe qui pour mener le dossier retraites: c'est lui qui ménera la réforme. Cette séquence fragilise (l'exécutif): avoir le ministre porte-parole de la réforme dans cet état-là... Mais un changement de ministre ne modifierait rien. D'autant que lorsque j'entends les hypothèses sur un remaniement... Xavier Bertrand (secrétaire général de l'UMP, ministre du travail de 2007 à 2009) serait tout sauf un gage d'ouverture: c'est quand même un de ceux qui ont enterré le thème de la pénibilité lorsqu'il était au ministère du travail! Le mot d'ordre en ce moment, c'est: «il faut à tout prix sauver le soldat Woerth». Le dossier retraites risque d'être pris en otage de cette situation. Car si le gouvernement esquisse le moindre mouvement, il sera interprété à partir d'une autre grille de lecture, celle de la polémique politique actuelle. Pourtant, l'exécutif va devoir bouger sur les retraites. Ou alors on aura une importante crise sociale à la rentrée.
    Comment décririez-vous la situation sociale et politique?
    J'ai été un des premiers à mettre en garde: dès lors que le président de la République revendiquait d'intervenir sur tout, dès lors qu'il prétendait être l'omniprésident, il était évident que ça allait provoquer une situation de blocage, tôt ou tard, et singulièrement sur les questions sociales. Je crois qu'on y est, ou en tout cas on n'en est pas loin. La situation actuelle peut déboucher sur une crise institutionnelle : quand le président gouverne au lieu de présider, en cas de mécontentement lourd, on arrive à un blocage. C'est très préoccupant.
    Il n'y a plus de structures d'appel. Un président de la République, c'est quelqu'un qui sait apprécier ce qui est acceptable ou bien ce qui rejeté par le pays. Il sait prendre le recul nécessaire, éviter les blocages. Or, Nicolas Sarkozy a théorisé le fait qu'une fois élu, il avait les pleins pouvoirs. Quoi qu'il arrive, quels que soient les sujets (même ceux qu'il ne maîtrise pas forcément), les mécontentements et les protestations, il arbitre, et son choix s'impose. Au motif qu'il a été élu, il prétend avoir une légitimité de fait pour arbitrer, quoi qu'en pensent les autres acteurs, voire contre l'avis unanime des autres acteurs. C'est ce qui s'est passé avec les retraites: tous les syndicats disent qu'il s'agit d'une "réforme injuste", il n'y a pas photo.

  • Comment sortir de cette situation?
    Ça... je n'ai pas la clé. Syndicalement, on n'a pas forcément la clé.
    Est-ce que la crise politique actuelle ne peut pas vous profiter?
    On n'en profite pas du tout. Dernier exemple, dans la nuit de mercredi à jeudi (7 et 8 juillet), avec le texte sur le dialogue social dans les TPE. Le patronat a fait un lobbying d'enfer pour obtenir du groupe majoritaire à l'Assemblée de s'opposer au texte du gouvernement... Là, on touche au jeu à droite qui est déjà à l'œuvre dans la perspective de la présidentielle: Jean-François Copé (le patron des députés UMP) a sa propre stratégie politique, et le groupe parlementaire est de plus en plus au service de sa stratégie. Dans cette configuration politique, il devient particulièrement compliqué d'assumer des responsabilités syndicales. En fonction des circonstances, l'interlocuteur déterminant change. Un coup, c'est le président de la République, un coup le président du groupe UMP – ce n'est jamais un ministre, pas même le premier ministre. Alors on peut faire le remaniement qu'on veut, je crains que ça ne change pas grand-chose...
    Que reste-t-il du texte sur le dialogue social dans les très petites entreprises?
    Il est vide de sens. On va organiser des élections tous les quatre ans pour les salariés des TPE uniquement pour qu'ils s'expriment sur des préférences syndicales sans que ça ait d'impact sur leur quotidien. C'est stupide! Ce vote ne servira à rien, sauf contribuer à définir la représentativité nationale des syndicats. Le groupe UMP a repris in extenso la théorie patronale (la CGMPE et le Medef, car d'autres organisations patronales étaient pour), qui exclut de faciliter la moindre présence dans les TPE. C'est une démarche très antisyndicale. Ce sont pourtant les mêmes députés qui ont voté la loi du 20 août 2008 sur la représentativité... Mais on n'est plus en 2008, la configuration politique est différente.
    Une configuration politique assez folle, à vous écouter...
    Oui, bien sûr. Et à ce point critique qu'elle génère un sentiment que les élus sont tous pourris. Dans une démocratie, on ne peut pas se satisfaire de la montée de ce genre de sentiment. C'est préoccupant, indépendamment des préférences partisanes qu'on peut avoir. Ce n'est pas sain.
    Le climat est-il favorable pour une forte mobilisation début septembre? Car le calendrier n'est pas idéal, été oblige...
    Il a été fait pour nous compliquer la tâche. C'est la troisième fois qu'on nous fait le coup d'une réforme en juillet, après les décrets Balladur de 1993, la loi Fillon de 2003... Cette fois, ils ont quand même senti le vent du boulet, et renoncé au plan initial qui était de faire adopter la loi en juillet. Mais l'examen du texte commencera quand même très tôt, le 6 septembre. On a été capables d'une grande action nationale un 24 juin, ça ne s'est jamais vu à cette échelle-là depuis de très nombreuses années. On a créé les conditions pour fixer un RDV à la rentrée, le 7 septembre. Le calendrier est serré. Les premières mobilisations d'ampleur lors d'une rentrée, c'est en général plutôt fin septembre début octobre, jamais plus tôt... Mais je pense que la mobilisation sera d'ampleur, à la grande surprise du gouvernement.

  • Du même ordre que le 24 juin?
    On verra. Le 7 septembre sera une reprise. Il est important que le point de départ de cette «remobilisation» soit d'un haut niveau, ce qui peut nous permettre d'autres initiatives derrière...
    D'autres mobilisations pourraient suivre pendant l'examen du texte au Parlement?
    Dans cette situation politique et sociale, il faut se garder de schémas préétablis. 
    La discussion avec le gouvernement continue sur les retraites...
    On a une réunion ce soir (l'entretien a été réalisé jeudi) au ministère du travail sur le dossier des retraites, je ne sais pas ce qui va en sortir. Je ne sais même pas d'ailleurs ce qu'a pu être le temps consacré aux retraites ces huit derniers jours au ministère du travail. Je ne suis pas sûr que cela ait tout à fait mobilisé le ministre, son directeur de cabinet et ses services...
    Demandez-vous au président de la République de faire évoluer sa position?
    Je suis incapable de vous dire où ils en sont à l'Elysée. Je ne sais pas si eux-mêmes le savent. Mais ce qu'on sait, c'est qu'ils vont devoir bouger. Sitôt la réforme présentée, le président de la République a demandé au ministre du travail de rouvrir les discussions avec les syndicats sur la pénibilité, les carrières longues et les polypensionnés: ils savent donc déjà qu'ils ne tiendront pas sur ces trois questions.
    Sur la pénibilité, l'Elysée a choisi de retenir le schéma proposé par le Medef. Ils savaient que nous serions vent debout. Ils sont déjà en train de travailler sur autre chose. Sur quoi, comment, je suis incapable de vous dire, mais ils vont devoir bouger. Le spot télé gouvernemental qui passe en ce moment montre un homme qui dit «J'ai mal au dos, je vais pouvoir partir à 60 ans». Il faudra tout de même qu'il soit invalide à 20%! Si tous ceux qui avaient mal au dos partaient à la retraite, il n'y aurait pas beaucoup de plus de 55 ans au travail...
    Sur les carrières longues, le gouvernement profère un mensonge. Après la manifestation, Fillon a dit que tous ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans pourront partir à 60 ans. C'est faux. Le projet dit qu'ils pourront partir “dès” 60 ans. Pour eux comme les autres, il faudra avoir la durée de cotisation exigée plus deux ans, ça veut dire 43,5 ans à terme. Ils vont aussi devoir bouger là-dessus.
    Ils ont une obstination: faire passer l'âge légal de 60 à 62, et l'âge à taux plein de 65 à 67. C'est le cœur de leur démarche. Ça me fait penser à des réformes précédentes. Les régimes spéciaux, par exemple. L'essentiel, c'était de pouvoir dire «On a fait une réforme des régimes spéciaux.» C'est vrai, mais le prix à payer n'est pas tout à fait celui escompté. Ou encore: «On a fait une réforme du service minimum.» Mais le texte adopté n'empêche pas qu'il n'y ait plus du tout de bus, de trains de métros s'il y a beaucoup de grévistes. Il va y avoir ce jeu-là, à nouveau. On va communiquer et nous dire: «On a fait une réforme des retraites.» Maintenant laquelle, ça reste complètement ouvert. Le projet va être en partie modifié, ce ne sera pas le même sur des aspects non négligeables, comme la pénibilité.
    On vous l'a assuré?
    Non. Mais ils retravaillent sur la réforme, c'est clair. Et nous allons nous faire fort de montrer que si on peut les faire bouger sur certains aspects du texte, il n'y a pas de raisons qu'on n'essaie pas de les faire bouger sur l'ensemble.

8 juillet 2010

Monarchie républicaine: les Français se révoltent

La rage contre les élites atteint un niveau sans précédent. La mèche du populisme est allumée contre une société bloquée de connivences et de statuts.
La liste est longue des ministres dont la vindicte populaire a successivement demandé la tête (Albanel, Kouchner, Besson, Hortefeux, Mitterrand.....). Deux secrétaires d'Etat, récemment épinglés pour leur utilisation de l'argent public, Alain Joyandet et Christian Blanc, ont démissionné dimanche 4 juillet. Le chef de l'Etat,  à peine élu, a fait l'objet d'un foisonnement éditorial sans précédent -près de 70 livres, dont le plus célèbre, «De quoi Sarkozy est-il le nom?» d'Alain Badiou s'est vendu à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires.  Ce philosophe n'hésite pas à parler, sans plus de nuances,  d'«une barbarie sarkozienne»- et brandit un marxisme dont on imaginait qu'il avait sombré dans les ténèbres de l'histoire.
Nicolas Sarkozy, fort de son succès aux élections présidentielles, a cru pouvoir imposer le spectacle d'un argent décomplexé. Mais il aurait pu aussi saisir en cinq minutes -instruit par la bourrasque qui s'est levée d'une soirée au Fouquet's et d'une croisière de luxe-, que cet étalage était reçu comme une insulte. Le bouclier fiscal à 50% pour les gros contribuables demeurera comme une faute originelle, davantage comme l'emblème d'une orientation politique, «le cadeau fait aux riches»,  que par le manque à gagner réel pour les finances publiques. Presque depuis son début, l'action de Nicolas Sarkozy a fourni un carburant au sentiment anti élite des Français, et cette rage s'est rehaussée d'un cran avec la crise financière et les révisions qu'elle impose à notre modèle social.
L'affaire Woerth -pour lequel, rappelons-le, aucun délit ne semble vraiment démontré- marque un point d'orgue. Elle porte sous le feu des médias un microcosme de connivences et de «petits arrangements»: un univers qui est loin d'être un mystère puisque les magazines people en font leur miel, et que la culture contemporaine a définitivement balayé la digue qui sépare les «activités publiques» des vies privées. Cette société de cour (Norbert Elias) mêle des héritiers des grandes fortunes, les dirigeants économiques, l'élite politique et le showbiz: un réseau souple de personnes qui se rencontrent fréquemment sous les lambris des palais de la République (et ailleurs), avec les favoris, les habitués, des intermittents, les tenus à distance, des transfuges, les amis indéfectibles, etc... Et cette solidarité de réseaux, à quelques nuances près, saute allègrement les changements de majorité politique (voir mon enquête sur L'élite rose de 1982).
De ce mode de fonctionnement les Français se sont accommodés pendant des décennies, grâce au prozac  de la croissance. Quand il faut faire des sacrifices, les électeurs deviennent plus regardants. Néanmoins cette indulgence envers les élites est une marque de fabrique du pays. Quelle nostalgie d'un passé majestueux, quel calcul personnel (chacun peut espérer voir son enfant intégrer un grand corps par la voie hyper étroite de la méritocratie scolaire), ou quelle insolite fascination  à l'égard «des puissants» expliquent cette mansuétude? La liste est longue des réformes qu'il eut fallu entreprendre pour briser  la consanguinité des cercles du pouvoir: de la réforme scolaire (voir le livre de Baudelot/ Establet sur l'élitisme républicain) aux règles du pantouflage dans la haute fonction publique, du cumul des mandats à une législation rigoureuse sur la notion de conflits d'intérêt. Ces sujets finissent par être des serpents de mer auxquels aucune fraction de l'élite politique ne s'est vraiment attaquée, faute de trouver en son sein une majorité de convaincus ou de déterminés.
Le quatrième pouvoir, celui que prétendent incarner les grands médias, enfin, se caractérise par ses «distanciations imparfaites» avec le microcosme des sommets (Cyril Lemieux, Mauvaise Presse) et n'a jamais mené de combat ciblé sur  la monarchie à la française. Il est plus facile de fustiger des logiques financières abstraites que de démonter finement les intrications de personnes morales ou physiques dans les sphères de dirigeants. Quand Le Monde, récemment, a révélé par une enquête la consanguinité des membres des conseils d'administration des entreprises du CAC 40, l'information n'a suscité qu'un émoi passager. Seule nouveauté législative: l'ouverture de ces instances dirigeantes aux femmes. Les heureuses recrues sont pratiquement toutes issues du même milieu et/ou des mêmes écoles, ce qui démontre presque par l'absurde la fermeture des cercles du pouvoir (Florence Woerth est entrée en 2010 au Conseil de surveillance de Hermès).
Une société à statuts
Comment est on alors passé d'une opinion publique qui «ferme les yeux» à une opinion publique en rébellion? D'abord, en France le sentiment anti élite, et notamment anti pouvoir de l'argent, est à fleur de peau et peu ne faut pour le réveiller. Comment le démontre un livre  déjà ancien de Pierre Birnbaum, Le peuple et les gros (1979), dans ce pays de tradition catholique, la méfiance vis-à-vis des riches est fortement enracinée. Les 200 familles détentrices de grosses fortunes ont  fait l'objet de la haine populaire dans l'avant-guerre, et cette stigmatisation s'est souvent articulée à l'extrême droite, en association avec un antisémitisme latent. Aujourd'hui, c'est moins la richesse installée (les grandes familles industrielles ont conquis une respectabilité) qui révolte que celle, démesurée, fraichement acquise par le levier de la finance et des médias et plus généralement de l'économie mondialisée.  Cette nouvelle donne creuse les inégalités aux deux bouts de l'échelle sociale avec les pauvres (13% de la population vit avec un revenu en dessous du seuil de pauvreté) et les super riches (moins de 0,1% de la population aux revenus extravagants). Parallèlement, elle fragilise l'assise des classes moyennes, dont une partie se paupérise. La violence anti élite vise donc ces nouveaux seigneurs du capitalisme, incarnés par la caricature du bling-bling .
Dans leur livre sur La société de défiance (2006), les économistes Yann Algain et Pierre Cahuc dépeignent les traits d'une France peu solidaire, où chacun se méfie de l'autre -cet autre toujours soupçonné de consolider ses droits et avantages en jouant de son statut  et des réseaux afférents. Ce modèle d'une société à statuts s'est construit à travers des prébendes étatistes et corporatives.   L' esprit de méfiance renforce alors la suspicion à l'égard de la réussite économique: une majorité de français pensent qu'on ne peut arriver au sommet sans être corrompu. Ainsi l'exaspération des petits contre les gros, des défavorisés (exposés aux aléas du marché) contre les privilégiés (à statut),  toutes ces humeurs qui travaillent depuis longtemps la société française se voient stimulées, poussées à leur paroxysme dans le contexte de la crise financière et de ses effets sociaux en cascade: d'un côté les gagnants (suspects) du grand casino mondial, de l'autre, les perdants.
Sentant le socle du navire France vaciller sous leurs pieds, les français portent un regard préoccupé sur l'avenir de leur progéniture. Une fraction importante de celle-ci peine à s'intégrer dans une société où plus que jamais diplômes et relations opèrent comme des sésames, rendant particulièrement aride et incertaine l'insertion professionnelle de ceux qui en sont dépourvus. Beaucoup de parents d'adolescents sont ainsi devenus obsédés par les résultats et  l'orientation scolaire, alors que simultanément pointent dans les collèges et les lycées des questions socialement explosives: la phobie des études et l'absentéisme. L'angoisse autour des générations montantes recompose alors la thématique des gagnants et des perdants autour du destin des descendants.
Parallèlement, la parole des «gens d'en bas» et plus encore celle des couches moyennes, s'est libérée. Sur ce point, la vertu égalitaire d'Internet est souvent désignée. Le Réseau ouvre des promesses sans limites à la liberté d'expression et, finalement, transforme la tonalité et le contenu de l'espace délibératif. Non seulement il offre une tribune à tout individu qui cherche à faire connaître son point de vue, mais surtout il a permis une floraison de journaux et sites d'informations indépendants qui, en raison des coûts de fabrication et de transmission, n'auraient jamais vu le jour dans les entreprises de l'édition traditionnelle (voir l'article de Jean-Marie Charon dans la revue Réseaux janvier-mars 2010).
Dans le cyberspace,  les modes d'expression s'éloignent considérablement de celles en cours dans les instances de la démocratie représentative, fondées sur le raisonnement et le rattachement à la géographie sémantique des partis politiques. Il autorise toutes les passions, et même toutes les pulsions. Ici, l'individu incline à se délester du «surmoi» et des codes en cours dans le monde physique. En particulier dans les blogs et les forums politiques, l'humeur, l'exaltation, l'invective, l'affirmation péremptoire bourgeonnent plus fréquemment que l'opinion balancée: or ces blogs qui reflètent «l'esprit du Net» sont souvent tenus et suivis par des couches intellectualisées, catégories dont l'image et le statut, précisément, sont ébranlés par le tourbillon de la mondialisation. Des rumeurs ainsi que des informations fausses ou approximatives se propagent et enflent sans rencontrer le filtre de l'expertise qui, dans les médias anciens, garantissait une certaine validation. En retour, le Web contribue  à rectifier, déminer, moquer ce qui dans les news est répété à vide comme des évidences. La matrice intellectuelle du blogueur, c'est la non crédulité, et sa boussole, sa subjectivité.
Certes, le Web a été un détonateur  pour l'expression des individus mais il véhicule, retravaille et amplifie des tendances qui s'enracinent dans l'histoire des médias audiovisuels depuis une vingtaine d'années: le fun et la dérision à l'égard de la scène politique traditionnelle, la confiance accordée à la parole des témoins ordinaires, l'empathie à l'égard des «petits», en particulier s'ils se manifestent en victimes. Ce regard «pas dupe» et «qui ne s'en laisse pas compter«  est  en congruence depuis longtemps avec la sensibilité  des jeunes, qui plus que les autres se sont appropriés les émissions «décalées» sur la politique (les Guignols de l'info, le grand journal de Canal +) et la téléréalité. Ce scepticisme hilare a contaminé l'ensemble de la population, il configure «la culture  d'aujourd'hui». Et s'il n'est pas si nouveau, il est décuplé par la puissance du Net.
De fait, la sphère publique remodelée flatte ce puits sans fond de l'anti élitisme, et fait feu de tout bois. Dans ce mouvement complexe, qui charrie autant de scories que de pépites, l'idéal de solidarité et de fraternité -la gratuité dans son sens altruiste est une valeur cardinale du Net- semble prendre le pas sur la vénération monarchique.
Peut-être l'envie de déboulonner la société de cour qui subsiste en France comme une hérésie historique l'emportera-t-elle. Il n'existe aucune fatalité pour que demeurent pour l'éternité une telle fermeture et un tel contentement de l'entre-soi entre bien nés et bien éduqués. Probablement aussi une société bardée de tant de filets sociaux ne bouge que par à-coups maitrisés. Difficile alors de dire où mènera la collusion entre l'anti élitisme enraciné de la société française, la défiance généralisée à l'égard des «nouveaux riches» et le pilonnage basiste d'internet. On le sait, au moment des élections, cette humeur peut s'éparpiller dans plusieurs directions: l'abstention, la gauche ou l'extrême gauche. Ou l'extrême-droite. Le populisme est une mèche enflammée que seuls des artificiers à sang froid peuvent éteindre. L'opposition en a-t-elle conscience?
Monique Dagnaud

1 juillet 2010

Communiqué Gaëlle Lenfant Secrétaire nationale adjointe Droits des femmes

Vote de la loi contre les violences faites aux femmes : une avancée importante qui doit maintenant être mise en œuvre
L’Assemblée nationale a adopté aujourd’hui à l’unanimité une proposition loi contre les violences faites aux femmes, largement issue des travaux de la mission d’information sur les violences faites aux femmes, présidée par la députée socialiste Danièle Bousquet. Le Parti socialiste salue le rôle joué par l’ensemble des parlementaires de gauche et par les nombreuses associations avec lesquelles ils ont travaillé. Ils ont rendu possible cette avancée importante pour les droits des femmes, l’égalité dans notre société et la lutte contre les préjugés et violences sexistes. Des mesures comme « l’ordonnance de protection », la création du délit de «violence psychologique» et le bracelet électronique pour les conjoints violents peuvent permettre de changer vraiment les choses pour des milliers de femmes.
Mais pour être mises en œuvre, ces mesures ont besoin de volonté politique et de moyens. Or, la volonté politique du gouvernement à l’égard des droits des femmes est aux abonnés absents. En 2010 la lutte contre les violences faites aux femmes a été proclamée grande cause nationale mais aucune action ambitieuse d’envergure nationale n’a été menée par le gouvernement ! Cette année aura surtout vu la disparition de plusieurs associations féministes essentielles, dont le travail décisif a été ruiné par le retrait de financements de l’Etat.
Les socialistes seront donc très vigilants et ils veilleront à l’application effective de cette loi. Des moyens humains et financiers conséquents doivent êtres mobilisés afin de donner toute leur force aux outils juridiques.
Paris, le 29 juin 2010
 10, rue de Solférino - 75333 Paris cedex 07 - Tél. : 01 45 56 77 26 ou 79 55
parti-socialiste.fr – courriel : presse@parti-socialiste.fr

Retraites : la « panique » des fonctionnaires avec trois enfants

En 2012, ils ne pourront plus partir en retraite après quinze ans de service et, dès ce 13 juillet, leur pension diminuera.

C'est un lièvre créant la « panique » qu'a levé la semaine dernière la CFDT. Dans les premiers médias à relayer l'information, Libération titre le 21 juin : « Fonctionnaires avec trois enfants : partez vite ! » Déjà sujette à moult critiques, la réforme des retraites renferme une mesure particulièrement pernicieuse.

Non seulement les fonctionnaires ayant trois enfants et quinze ans de service ne pourront plus partir à la retraite lorsqu'ils le souhaitent à partir du 1er janvier 2012, mais en plus les conditions financières seront nettement moins favorables dès le 13 juillet prochain.

  .......A un jour près, une retraite peut être amputée de 20%, 30% ou 40% de sa valeur !...

Par Julien Martin | Rue89 | 29/06/2010 | 16H42

eco.rue89.com/2010/06/29/retraites-la-panique-des-fonctionnaires-avec-trois-enfants-156868

L’échec de Martine ouvre la voie Royal

Arrivée à la tête du PS dans une élection entachée de soupçons de fraudes, Martine Aubry a d’abord rencontré des difficultés pour s’imposer. Mais maîtresse des arbitrages dans la répartition des postes, elle a pu unir la vieille garde du PS et les nouveaux venus, notamment à la gauche du PS, et faire taire certaines discordances. Nous « travaillons collectifs » devenant le mot d’ordre imposé à tous les cadres petits ou grands du PS. Il suffit de les interroger, inévitablement l’expression surgit de toutes les bouches « le PS s’est remis au travail ».
La victoire aux régionales semblait apporter la preuve d’un renouveau, d’une renaissance du PS après un trop long temps d’obscurantisme.
 
Sauf que, sur le terrain, la situation n’est pas du tout celle qu’on voudrait faire entendre dans les médias …
Avec un nombre de militants en forte chute et des élections calamiteuses lors des dernières conventions, le PS se vide et ne semble pas réellement en capacité d’offrir une image d’alternance crédible malgré un président très affaibli par l’échec de sa politique et les affaires à répétition. La dernière convention, sur les Primaires et la rénovation, devait éveiller l’intérêt et l’adhésion des militants, elle n’a pas plus fait recette que la précédente. Avec notamment  16 % seulement de participation à Paris, le Parti socialiste compte ses élus mais il ne dispose plus d’une force militante pour porter sa voix dans la vie réelle, dans les familles et au travail.
On avait trop vite oublié que les régionales ont été gagnées par l’abstention, notamment dans les quartiers populaires. L’incapacité à créer une dynamique au PS sonne l’échec de Martine Aubry. On peut en effet redouter qu’en cas d’une candidature en 2012 elle ne devienne Madame 5% score qu’avait obtenu Gaston Defferre en 1969, avant que la SFIO mute en PS.
 
Alors mort le PS ? Pas sûr car le PS dispose toujours d’une carte maîtresse. Certes femme trop libre pour être adoptée par une partie des cadres du PS, Ségolène Royal aura besoin d’un Nouveau Parti Socialiste pour porter la gauche à la victoire. C’était l’enjeu du Congrès de Reims. Après l’échec de Martine Aubry une voie Royal s’ouvre.
A moins que les partisans de l’échec ne l’emportent. 2012 deviendrait un nouveau1969 imposant une mutation totale du Parti.
Dans l’autre hypothèse, Ségolène Royal a la capacité de redonner à ce Parti sa force par la dynamique qu’elle sait porter et son ancrage dans les couches populaires. Pour un Etat impartial, une politique volontariste, un virage réellement écologiste, un Etat plus juste et une démocratie plus active, Ségolène Royal peut incarner la force tranquille pour le changement dont nous avons besoin face à Nicolas Sarkozy. Reste son seul souci: l’appareil du Parti socialiste. Pour ne pas revivre 2007, malgré la dynamique créée, il faudra rassembler, au PS et au-delà du PS. C’est tout le travail qui s’impose aujourd’hui à Ségolène Royal. Une partie difficile à mener mais décisive pour porter la gauche à la victoire et mettre fin au sarkozysme.
 
Philippe Allard

Référendum sur les retraites

Cher(e)s ami(e)s,

Comme je m'y étais engagée, j'ai lancé une pétition sur le site de Désirs d'avenir pour que soit organisé un référendum d'initiative populaire sur la réforme des retraites.

Parce que les Français ne sont pas hostiles à une réforme mais qu’ils veulent la comprendre et y être associés.

Parce que la réforme présentée par le Gouvernement est injuste et inefficace en mettant fin à la retraite à 60 ans, en ne prenant pas en compte la pénibilité du travail et en faisant porter presque tous les efforts sur les salariés,

Parce que le Président de la République avait promis qu'il ne toucherait pas à la retraite à 60 ans, faute d'en avoir reçu le mandat du peuple français.

Il faut refuser la résignation et le fatalisme. Une autre réforme des retraites est possible, nous pouvons l'imposer au gouvernement.

Pour cela, il faut signer et faire signer massivement la pétition que vous trouverez ici.
Amicalement,

Ségolène Royal
Présidente de Désirs d'Avenir

Pourquoi Ségolène Royal a raison

O, voici  le choeur antique  des éplorés ! O, voici  les cris de vierges effarouchées !  O voici les  couteaux et les fourchettes du parti présidentiel ,  sortis du bois en quelques heures  pour condamner, les propos "délirants" "outranciers" "démagogiques" populistes"  ah l'hypertrophie de l'adjectif ...
Une avalanche de réactions  qui signe donc  la justesse de la charge .
Oui Ségolène Royal a raison de dénoncer ce sytème, cette corruption du "coeur"   au sens justement où Montesquieu la définit.  Une véritable confusion des genres,  des pouvoirs, et ce fossé , incroyablement profond désormais entre une France d'en haut qui ne réalise même plus la portée de ses actes et une France d'en bas,, condamnée à assister, impuissante, aux privilèges, aux passe droits, à l'impunité  de ceux qui la gouverne.
Une forme d'obscénité et dans la mise en scène de son propre spectacle et dans la trahison de l'idéal républicain, et des promesses de campagne qu'on est en droit de voir respecter, en tant que citoyens français.
Oui  Ségolène Royal a raison de mettre en parallèle le nouvel avion de Nicolas Sarkozy et les millions qui n'arrivent plus dans les cités, dans les quartiers, dans les sites industriels en difficultés ou qui n'arrivent pas dans les zones sinistrés comme celle où a frappé la tempête Xynthia.
Non, ca n'est pas du populisme de remettre en perspective le bouclier fiscal dont bénéficie aussi Liliane Bettancourt et la difficultés de millions d'habitants de ce pays à boucler ses fins de mois.
Oui, c'est juste , absolument juste de demander des comptes sur la morale républicaine, cette république devenue indécente comme l'écrit si intelligemment Arnaud Montebourg.
Et si Ségolène Royal ne le fait pas , qui le fera ?
Le parti socialiste est timoré sur cette affaire. Hormis Arnaud Montebourg et c'est tout à son honneur. 
Un PS marqué  au fer rouge par la fin de règne mitterandienne, il n'ose pas , et ca n'est pas nouveau, frapper fort par peur d'un boomerang de l'opinion qui n'aime pas la chasse en meute.
Mais justement, nous ne sommes pas dans une logique de chasse à courre. Nous sommes face à un système dont l'affaire Woerth n'est qu'un symptôme, et en aucun cas la maladie elle même.
Et le parti socislite se devrait de soutenir Ségolène Royal et Arnaud Montebourg car ils disent une vérité qui dérange : nous sommes tous entrain de nous résigner à cette France des passe droits, cette France de la consanguinité, cette France des privilèges, cette France sulfureuse. Et parce que nous nous résignons, par peur d'être jugés excessifs ou populistes, nous acceptons peu à peu l'inacceptable.
Oui, Ségolène Royal a raison de poser cette simple question : dans quel pays, un ministre pris dans une telle tourmente médiatique, sur lequel pèse autant de soupçons et qui cumule des fonctions incompatibles à ce point ( trésorier du parti au pouvoir et ministre du budget) dans quel pays ce ministre n'aurait pas été prié de rendre son marocain par le chef de l'Etat ?
Les salaires de Christine Boutin ? Ca passe . Les avions de Joyandet ? Ca passe. Les cigares de Christian Blanc ? Ca passe.
Tout passe, à bien y réfléchir. Et  qu'a dit Ségolène Royal sur TF1 : non, ca ne peut pas passer.
C'est sa fonction et elle l'exerce avec justesse et courage. Cette fonction d'interpellation démocratique , de combat avec les petites gens , et ce courage  mériterait un soutien sans faille du parti dont elle a été la candidate face à un gouvernement qui non seulement a perdu le sens commun dans son comportement mais génère, à force de justifier ce qui peut difficilement l'être , un sentiment d'insécurité morale, de défiance, de colère dans un pays qui ne sait plus vraiment où il va et avec qui surtout il peut y aller.
On entend dejà les analystes à courte vue nous expliquer que Ségolène Royal a cherché à faire  un "coup " de pub.  C'est bien le drame aussi de cette classe médiatique. Etre incapable de se défaire de ses préjugés, de penser contre elle même et de sortir de ses salles de rédactions pour sentir vraiment ce pays.
Ségolène Royal est une leader politique hors norme, pour laquelle se pays s'est enflammé en 2006  non sans raison . La principale, c'est le courage de dire, d'accepter le fracas en pulvérisant l'ordre établi par une certaine élite qui ne comprend plus le monde dans lequel elle vit.
Aujourd'hui encore, ce pouvoir d'interpellation fonctionne à merveille.  Et peut aussi créer une forme d'espoir dans une société quasiment abandonnée par ses dirigeants.
Voilà pourquoi Ségolène Royal a raison. Elle ne se contente pas des choses telles qu'elles sont. 
A ce  titre, elle est  une figure essentielle de la vie démocratique de ce pays.
A ce titre, elle mérite un soutien sans faille. Celui que l'on doit à ceux qui parlent lorsque nous avons choisi de nous taire.