Chères amies, chers amis,
Je viens de prendre connaissance du Rapport de la Cour des Comptes, rendu public en ce mois de mai 2010 et intitulé « L'Education nationale face à l'objectif de la réussite de tous les élèves ». Ses observations, fruit d'un travail méthodique et impartial de trois ans, et ses recommandations, qui en appellent au pragmatisme et et à la volonté politique, me paraissent d'une telle importance que je voudrais vous en dire quelques mots.
Cet état des lieux lucide évite le piège du catastrophisme scolaire, ce filon éditorial inépuissable, et de son sempiternel « tout fout le camp ». Il rend hommage à l'engagement des personnels enseignants et non enseignants qui, malgré les rigidités et des incohérences de notre système éducatif, s'acharnent à faire réussir du mieux possible les élèves qui leur sont confiés. Il ne relaye pas l'illusion trompeuse d'un âge d'or où tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes scolaires, alors que seule une infime minorité d'enfants bien-nés et quelques boursiers méritants, décrochaient le bac, cependant que la moitié des enfants des classes populaires n'obtenait pas son certificat d'études. Il ne fait pas de la « massification » (accueil à l'école de toute une génération et prolongation générale de la scolarité obligatoire) la cause de toutes les difficultés mais la réponse nécessaire aux évolutions du monde moderne, raison pour laquelle tous les pays développés ont fait de même. Il pointe, en revanche, ce qui n'a pas suivi : l'adaptation du système scolaire à ce changement d'échelle et sa démocratisation effective.
L'éducation nationale est, en France plus qu'ailleurs, le pilier d'une République indissociable de son école. C'est une passion française dont témoigne la vivacité de nos débats. C'est, quoique parfois bien malmenée, une priorité nationale attestée par le fait que son budget est le premier de tous. C'est aussi la clef de l'avenir du pays dans un monde où la maîtrise des connaissances et l'élévation du niveau global de formation sont de plus en plus les armes de la croissance, de l'innovation et de l'emploi. C 'est enfin le test de notre capacité collective à transmettre aux générations suivantes les savoirs, les valeurs et les outils dont les plus jeunes ont besoin pour grandir, devenir pleinement citoyens et tracer leur chemin, personnel et professionnel, dans le temps qui est le nôtre. C'est, en somme, l'affaire de tous les citoyens et, pour moi, le coeur de la promesse républicaine de liberté, d'égalité et de fraternité.
L'opération-vérité à laquelle s'est consacrée la Cour des Comptes est centrée sur deux questions majeures : notre système d'enseignement public (de la maternelle au bac) est-il réellement « conçu et organisé en fonction des élèves » comme l'affirme l'article 1 du Code de l'Education ? Est-il réellement « de nature à favoriser la réussite scolaire de chaque élève, quelle que soit son origine sociale ou géographique » ?
Pour y répondre, le rapport s'est attaché à mesurer à la fois l'efficacité de notre système scolaire (sa capacité à atteindre les objectifs fixés par la Nation) et son efficience (son aptitude à le faire en maîtrisant ses coûts et en affectant les moyens à bon escient, là où ils sont les plus nécessaires). Les auteurs de cet intéressant rapport ont donc attentivement examiné les résultats effectifs de notre enseignement public, la manière dont il affecte ses moyens, son organisation interne et ses conséquences sur les parcours des élèves. Il en résulte, je le dis d'emblée, un portrait sévère qu'éclairent de précieux éléments de comparaison tirés d'enquêtes effectuées par les rapporteurs dans des pays voisins (Royaume-Uni, Espagne, Suisse) et des enquêtes PISA (Programme international pour le suivi des élèves) qui évaluent depuis une dizaine d'années les acquis des jeunes de 15 ans en lecture, mathématiques et sciences dans les 30 pays de l'OCDE.
Le diagnostic établi par la Cour des Comptes recoupe les résultats de bien des travaux de chercheurs français (je pense en particulier à ceux de Christian Baudelot sur « l'élitisme républicain à l'épreuve des comparaisons internationales », de François Dubet et Marie Duru-Bellat, d'Eric Maurin, d'Agnès Van Zanten). Je voudrais, sans prétention à l'exhaustivité, vous faire partager certaines conclusions qui m'ont particulièrement frappée et corroborent mon expérience passée de Ministre de l'Enseignement scolaire comme mon expérience actuelle de Présidente d'une Région très engagée dans les lycées et attentive à leurs besoins bien au-delà de ses obligations légales.
Les magistrats de la Cour des Comptes montrent que, toutes sources confondues (évaluation en 3ème, à 15 ans ou à 17 ans lors des Journées de Préparation à la Défense), plus de 21 % des élèves éprouvent aux abords de la fin de la scolarité obligatoire de sérieuses difficultés de lecture et de maîtrise des compétences de base en français. En mathématiques, 73% des élèves de 3ème ne maîtrisent pas le programme.
Plus grave : ces pourcentages sont en augmentation depuis une dizaine d'années.
Plus grave encore : si, sur la longue durée, le niveau de formation de la population française a globalement progressé, l'écart n'a cessé de se creuser dans la dernière période entre les élèves les plus performants et les plus en difficulté. Parmi les pays de l'OCDE, la France occupe une position moyenne (17ème sur 30 pour la compréhension de l'écrit et les maths, 19ème en sciences) mais se caractérise par un fossé grandissant entre ceux qui réussissent (dont les résultats dépassent ceux des pays classés en tête comme la Finlande, la Corée du Sud, le Canada, le Japon...) et ceux qui, dès le CM2, sont en situation d'échec et ne dépassent pas le niveau des pays les plus mal classés (comme le Mexique).
Grosso modo, notre système produit 50 à 60% d'élèves dont les résultats sont satisfaisants ou très bons mais 20 à 30% dont les résultats sont insuffisants et 20% en grande difficulté scolaire. L'école française est l'une des meilleure du monde pour la moitié de ses élèves et l'une des pires de l'OCDE pour l'autre moitié. Nous sommes, parmi les pays développés, celui dont l'élite scolaire est numériquement la moins étoffée et dont les élèves en difficulté sont les plus nombreux. Or ceci explique cela car les pays en tête des classements internationaux conjuguent performances de l'école de masse et excellence d'une élite scolaire plus nombreuse que la nôtre. Ce sont ceux qui réduisent le plus les inégalités scolaires en assurant un véritable tronc commun, en refusant les orientations précoces et en limitant l'impact de l'origine sociale sur les résultats scolaires.
Championne du monde du redoublement, particularité française dont la Cour des Comptes rappelle qu'elle ne corrige pas mais enferme dans l'échec scolaire (et coûte inutilement au pays 2 milliards d'euros par an, soit le double des financements de l'éducation prioritaire !), la France se distingue également par la faible capacité de son système scolaire à réduire l'impact de l'origine sociale des élèves sur leurs résultats scolaires. Nous connaissons, bien sûr, d'admirables réussites qui, comme l'a très bien montré Bernard Lahire, démentent ce déterminisme mais il reste que, dans notre pays plus que dans beaucoup d'autres de niveau comparable, un enfant d'ouvrier ou de chômeur a beaucoup moins de chances d'obtenir un bac général qu'un enfant de cadre supérieur ou d'enseignant (sans même parler d'entrer en classe préparatoire aux grandes écoles !) et cela surtout s'il est dans un établissement à faible mixité sociale.
Autre triste spécificité française : le nombre de jeunes sortant du système scolaire sans diplôme ni qualification et donc plus exposés que les autres au chômage (130.000 selon le Ministère de l'Education nationale ? 17% d'une génération selon le Centre d'études et de recherche sur les qualification ? Les chiffres varient car on ne s'est toujours pas donné les moyens de connaître le nombre exact de ces élèves « perdus de vue »!).
La France, note la Cour des Comptes, est le pays de l'OCDE « le plus inéquitable scolairement » car c'est celui où la « distillation ségrégative » (corrélation entre l'origine sociale et le destin scolaire) est la plus forte. Cinglant démenti à la méritocratie républicaine qui promettait de sélectionner les meilleurs en neutralisant au maximum le poids de l'héritage social et culturel.
Notre pays consacre pourtant 6,6% de son PIB aux dépenses d'éducation. C'est moins que les Etats-Unis, le Royaume Uni, la Suède ou la Corée du Sud mais plus que certains pays qui affichent des résultats enviables (Finlande, Japon) pour un coût inférieur au nôtre. Je précise naturellement qu'il y a une différence radicale entre la volonté, légitime, de mesurer l'efficacité de l'utilisation de l'argent public au regard des objectifs affirmés et l'approche petitement comptable de la droite sarkozyste qui ampute mécaniquement et aveuglement les moyens humains et matériels de l'Education nationale. La Cour des Comptes en appelle, à juste titre, à une optimisation des moyens humains et matériels alors que le gouvernement actuel, entre non remplacement d'un enseignant sur deux partant à la retraite (50.000 postes supprimés en 3 ans, 80.000 à l'horizon 2012 !) et plan de rigueur, fragilise et affaiblit le service public de l'éducation nationale quand il faudrait le renforcer quantitativement et qualitativement.
Particulièrement significatif d'une allocation aberrante des ressources : ce sont l'école primaire et le collège, déterminants pour les apprentissages fondamentaux, qui sont, chez nous, désavantagés à l'inverse des autres pays de l'OCDE. Au point que dans un rapport rendu public le 5 mai, le très libéral Institut Montaigne s'alarme, lui aussi, de la situation de notre école primaire.
Ce ne sont pas les salaires des professeurs qui pèsent sur le coût de l'éducation (difficile de gagner moins qu'une institutrice débutante !) mais le nombre total d'heures d'enseignement suivies par les élèves qui bat, en France, tous les records alors même que l'exemple de la Finlande, N°1 de tous les classements, montre que ce n'est pas un facteur d'efficacité scolaire.
Autre lacune majeure du pilotage de notre système éducatif : son déficit d'évaluation. L'obligation de rendre public un rapport annuel des deux inspections de l'éducation nationale n'est plus respectée depuis 2007. Certaines publications ministérielles ne sont pas diffusées « pour des raisons d'opportunité ». Le Haut Conseil de l'Evaluation de l'Ecole a été supprimé en 2005 et remplacé par une structure qui ne joue pas le même rôle « d'évaluation des évaluations ». Tout cela, relève la Cour des Comptes, est dommageable pour la lisibilité des résultats de notre système scolaire. Mauvais pour la gestion et mauvais pour le débat démocratique. Quant à l'éducation prioritaire, plus que jamais parent pauvre d'une école à deux vitesses, le rapport observe que, censée concerner un élève sur cinq, son coût reste mal connu et sa prise en compte dans la répartition des crédits entre académies toujours faible. Un chiffre atteste le peu d'intérêt que lui porte le gouvernement actuel : celui relatif à la scolarisation des moins de trois ans, dont on sait combien elle facilite l'intégration scolaire ultérieure des enfants des quartiers populaires. En 10 ans, il est passé de 35% à 18% (dont, en Seine St Denis, seulement 5% des enfants en âge d'en profiter). Un véritable plan « désespoir banlieue » !
Autre handicap majeur selon la Cour des Comptes : le décalage persistant entre la définition légale du service des enseignants, surtout dans le second degré, et la réalité concrète du métier dès lors que l'école accueille durablement toute une classe d'âge et vise la transmission à un public hétérogène d'un « socle commun de connaissances et de compétences ». Car il ne s'agit pas d'opposer la transmission à l'éducation mais de tirer les conséquences de ce que savent bien (et pratiquent sur le terrain) tous les enseignants qui s'attachent à faire réussir leurs élèves : les apprentissages supposent une implication des professeurs qui excède le strict champ de la discipline qu'ils enseignent. Suivi personnalisé, travail en néquipe, projets transdisciplinaires.... le temps n'est plus où le cours magistral était l'alpha et l'omega du métier. D'où, relèvent les auteurs du rapport, l'inquiétude dont beaucoup leur ont fait part devant les projets de réforme de la formation des enseignants annoncés par le gouvernement (la fameuse « mastérisation » avec réduction de la formation proprement professionnelle à la portion congrue). D'où aussi l'inefficacité relative des différents dispositifs de prise en charge des élèves en difficulté qui n'ont pas leur place dans la définition (datant des années 50...) du coeur du métier enseignant et sont trop souvent laissés à la bonne volonté des professeurs motivés.
Cette actualisation nécessaire des obligations de service ne pourra procéder que d'une réelle concertation visant conjointement l'amélioration des conditions de travail des enseignants et une meilleure prise en compte des besoins des élèves d'aujourd'hui. Elle suppose le respect des uns et des autres, l'écoute du malaise croissant des professeurs qui ne se sentent guère épaulés par leur hiérarchie, la compréhension de leurs contraintes et de leurs attentes, et surtout une politique qui ne soit pas, appliquée à l'école, celle des « cost killers » qui sévissent dans les entreprises. Cela suppose aussi une évolution des inspections et des notations, qu'un syndicaliste caractérise comme « infantilisantes », devant plus à la note obtenue au concours et à l'ancienneté qu'à l'investissement effectif dans toutes les dimensions d'un travail qui a beaucoup changé. Or, remarque la Cour des Comptes, la conception « taylorienne » de la division du travail entre transmission et éducation sous-estime ce que l'investissement éducatif d'un professeur au-delà du strict enseignement de sa discipline peut lui conférer, en retour, d'autorité pour faire cours.
Elle souligne, en somme, l'hypocrisie et les contre-performances d'un système qui prétend assurer l'égalité des chances par un traitement uniforme de tous les élèves alors qu'il y a urgence à remplacer la vieille logique de l'offre scolaire (des moyens prioritairement alloués en fonction des programmes) par une logique davantage fondée sur la demande, « c'est à dire une connaissance nettement plus précise des besoins des élèves ».
Or, comme l'illustre à maintes reprises le rapport, ces besoins continuent d'être trop faiblement pris en compte, qu'il s'agisse des rythmes scolaires (et de la désastreuse semaine de 4 jours dans le primaire, contraire à toutes les connaissances chronobiologiques, comme l'a récemment rappelé l'Académie de Médecine), des journées trop longues et trop lourdes qui ignorent les conditions optimales d'apprentissage, de notre année scolaire réduite à 144 jours (200 jours au Danemark), de ces emplois du temps calés sur les désirs des adultes et dont ni les conseils d'administration ni les conseils pédagogiques ne sont saisis.
Quant aux méfaits des césures de notre système scolaire et aux bienfaits des cycles ainsi que d'une meilleure articulation entre les trois degrés du primaire, du collège et du lycée, ils sont depuis longtemps connus mais rien ne change ou si peu... Or les premières victimes de cet immobilisme institutionnel sont, là aussi, les élèves les plus fragiles.
La Cour des Comptes éclaire aussi les avantages comparés des classes hétérogènes et homogènes : tout montre, des travaux des chercheurs aux enquêtes internationales, que les classes de niveau ne sont pas un facteur de performance du système scolaire car elles font peu progresser les plus forts et beaucoup reculer les plus faibles. C'est, là encore, une spécificité française.
Je comprends, bien sûr, que des principaux et des proviseurs cherchent à tout prix à enrayer les risques de ghettoïsation de leur établissement et à retenir leurs élèves des classes moyennes par une offre scolaire sur mesure. De même que je comprends le désir des parents de vouloir le meilleur environnement scolaire pour leurs enfants. Mais ces options d'excellence, quand elles apparaissent réservées à des élèves d'origine sociale plus favorisée, sont souvent un facteur de tensions scolaires dans les établissements et ne sont surtout que le cache-misère de l'incapacité des politiques éducatives actuelles à garantir à chacun, sur tout le territoire de la République, des conditions efficaces de réussite scolaire.
Je ne peux, ici, passer en revue tout ce que décrit et analyse avec une grande pertinence ce rapport qui étaye mes convictions les plus profondes et appelle à regarder les choses en face pour corriger ce qui doit l'être : les impasses d'une orientation par l'échec qui évacue les élèves en difficulté vers des filières qu'ils n'ont souvent pas choisies et où ils savent que les chances d'emploi sont les plus incertaines ; l'hypocrisie qui présente comme un outil de lutte contre la difficulté scolaire une orientation-sanction qui l'aggrave sans revaloriser des cursus professionnels dignes de ce nom ni permettre à notre pays de disposer en nombre des jeunes diplômés et qualifiés dont il a besoin ; l'empilement des dispositifs aux titres ronflants mais dont le coût et l'efficacité scolaire restent mal connus (programmes personnalisés de réussite éducative, tutorat renforcé, réseau ambition-réussite, réseau réussite scolaire...) ; les dysfonctionnements des classes et ateliers-relais, destinés à recadrer des élèves qui posent de graves problèmes de comportement mais qui interviennent souvent trop tardivement et, selon le rapport, « permettent rarement une rescolarisation durable dans l'établissement d'origine ».
Le tableau peut paraître sombre mais il n'oublie pas que l'école, ce sont aussi et avant tout ces équipes pédagogiques motivées, imaginatives, qui refusent de baisser les bras ; dans les quartiers populaires et les zones rurales, en dépit des difficultés sociales qui y assaillent l'école et d'une politique gouvernementale dont le principal message adressé aux professeurs est qu'ils seraient trop nombreux et trop chers, beaucoup d'enseignants font malgré tout vivre et partager le plaisir d'apprendre. Je pense aussi à ces jeunes hommes et ces jeunes femmes qui, issus du même milieu que leurs élèves, incarnent devant leur classe la preuve que la réussite scolaire et professionnelle ne doit pas être un privilège de la naissance. « Le terrain, disent les auteurs du rapport, supplie que ça bouge » mais il éprouve aussi « un profond découragement et épuisement devant les effets d'annonce » qui ne prennent pas efficacement les problèmes à bras le corps.
L'école, j'en prends tous les jours la mesure dans ma région, hérite de beaucoup de difficultés qui ne sont pas de son fait : un chômage de masse qui déstabilise les familles et décrédibilise pour nombre d'élèves jusqu'à l'intérêt des études, une ségrégation spatiale qui fait obstacle à la mixité sociale et scolaire, des mutations profondes de l'autorité et de la perception de la légitimité des institutions qui ne lui facilitent pas la tâche. Mais le grand intérêt du travail de la Cour des Comptes est de montrer, comme je le crois, que le fonctionnement du système scolaire, ses partis-pris éducatifs et les politiques publiques qui l'organisent peuvent atténuer ou au contraire accentuer l'impact de ces tendances lourdes, permettre au plus grand nombre de progresser et aux meilleurs d'exceller ou, au contraire, ancrer dans l'échec une part croissante des élèves sans pour autant parvenir à dégager un vivier suffisant de jeunes diplômés. Il montre aussi qu'il faut rompre franchement avec l'uniformité d'une offre scolaire formellement égale mais en réalité très inégalitaire, où l'aide ne va pas prioritairement à ceux qui en ont le plus besoin. Cela suppose d'assumer que l'école n'est pas une dépense à comprimer à tout prix mais une richesse de la nation et une chance pour la croissance à condition que les moyens soient pris de la rendre plus efficace et plus juste. Certains pays y parviennent mieux que nous. La France, si elle le veut, en est capable. C'est l'enjeu prioritaire d'une politique de civilisation en phase avec son temps et d'un nouveau modèle de société dont notre école nous dit l'urgence.
Le temps presse car la droite sarkozyste commet, sur ce front là aussi, de terribles dégâts, aggravant les incohérences et l'arbitraire d'un fonctionnement scolaire dont la Cour des Comptes pointe à raison les défaillances mais aussi les ambitions justifiées et les ressorts possibles. L'école, malheureusement, paye aujourd'hui deux fois le prix des politiques du gouvernement actuel.
D'abord parce que la dégradation de son environnement s'accélère et parce que le plan de rigueur va accentuer encore plus les inégalités et les insécurités sociales. Or, comme le montrent les comparaisons internationales, les pays les plus performants scolairement sont également ceux où, à niveau de développement comparable, les écarts sociaux sont les plus réduits. Forte leçon : moins une société est inégale, meilleure est son école.
Ensuite parce que les mauvais coups pleuvent sur un système éducatif qui aurait au contraire besoin de sentir le soutien de la nation pour réussir sa mutation et améliorer son efficacité : suppression massive de postes, précarisation des personnels, bac pro amputé d'un an, enseignants débutants privés d'une véritable formation en alternance, étudiants et retraités appelés en catastrophe pour colmater la brèche des remplacements, allers et retours erratiques sur la semaine de 4 jours à l'école primaire, réduction du traitement des violences scolaires et de l'absentéisme à un volet répressif incapable d'enrayer à lui seul ces symptômes de dysfonctionnements plus profonds, disqualification accrue des familles populaires qu'on appelle dans le même temps - merveille de l'injonction paradoxale ! - à plus d'autorité et de responsabilité, ségrégation renforcée et opacité d'un système dont l'évaluation ne semble guère préoccuper sur fond d'affaiblissement programmé du service public d'éducation...
Conclusion de la Cour des Comptes : « les réformes engagées par le Ministère (...) ont pour défaut de ne pas affronter ce qui tient à l'inadaptation de la structure de notre système scolaire ».
C'est poliment dit mais c'est net.
A nous de tirer parti de cet excellent travail pour construire, avec tous les acteurs de l'école, une alternative éducative aux politiques destructrices de la droite sarkozyste, affranchie des incantations dont la gauche ne s'est pas toujours gardée et forte d'une ambition à la mesure de ce que nous voulons pour tous les enfants de France.
Fidèlement à toutes et à tous,
Ségolène ROYAL
Présidente de Désirs d'Avenir
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