Comme Jean-Pierre Barbier, Jacques Donzelot et quelques autres l'ont fait remarquer, en abordant la question des "banlieues" sous l'angle de la ville, on transforme des questions sociales, l'absence d'emploi, des conditions de travail dégradantes, la discrimination, en questions spatiale, urbaine.
Ce faisant, on évacue la dimension politique au profit de problématiques techniques que l'on confie à des experts, urbanistes, architectes, sociologues, fonctionnaires, professionnels de l'accompagnement social. Ce sont eux qui définissent les zones à traiter, qui élaborent les programmes et les mettent en oeuvre. Les habitants n'ont pas leur mot à dire.
Bien plus que le contenu, c'est le projet même de ces politiques qui doit être revu
Au mieux, on propose aux habitants de ces quartiers de participer à des concertations, exercice qui consiste essentiellement à valider des options choisies ailleurs, en haut lieu, dans des instances politiques et administratives qui envisagent la question sous les seuls angles du contrôle social et de la charité : il faut traiter les "banlieues" parce qu'elles menacent l'ordre social et parce que nous avons une obligation à l'égard de leurs habitants. De fait les solutions retenues sont un mélange de mise à l'écart des populations qui les habitent, de contrôle policier et d'aménagement des quelques institutions qui ne les ont pas désertées (école...).
Certains, qui ont fait le même constat, proposent de confier ce travail de représentation à la société civile, à des associations communautaires, religieuses, comme cela se fait à Marseille. Mais c'est prendre le risque de leur donner une importance et une légitimité qu'elles n'ont pas forcément dans la communauté. En quoi un imam est-il représentatif d'une population musulmane largement agnostique ? Ce type de représentation communautaire est d'autant plus inadapté que ces communautés sont en général hétérogènes. A l'inverse de ce qui se passe dans d'autres pays, les quartiers ne sont pas, chez nous, organisés de manière ethnique. Ce sont des mélanges de gens venus de partout.
La démocratie locale est à inventer dans ces quartiers
Ce qui est tout sauf facile. Donner le droit de vote aux immigrés serait un pas dans la bonne direction, mais sans doute insuffisant : il ne suffit pas d'avoir le droit de vote, encore faut-il l'utiliser. Et rien ne nous dit que les habitants de ces quartiers l'utiliseraient plus que les Français «de souche» issus des classes populaires. Le plus simple serait, sans doute, d'associer ce droit de vote à des mécanismes conçus pour inciter les partis politiques à faire monter dans leurs listes des représentants de ces quartiers.
Une approche plus démocratique de ces questions permettrait également de distinguer des phénomènes qui demandent des traitements différents
A regarder les banlieues de trop loin, les politiques de la ville mettent dans le même sac la grande pauvreté de quartiers abandonnés de tous, qui ne sera résolue que par le retour à l'emploi, la délinquance dure et la concentration d'adolescents, par nature plus turbulents que les adultes. A tout confondre, à traiter des jeunes gens qui se lancent dans des rodeos sur des motos trafiquées comme de grands voyous, on ne règle aucun problème et l'on enferme un peu plus encore ces quartiers dans l'isolement.
Ce faisant, on évacue la dimension politique au profit de problématiques techniques que l'on confie à des experts, urbanistes, architectes, sociologues, fonctionnaires, professionnels de l'accompagnement social. Ce sont eux qui définissent les zones à traiter, qui élaborent les programmes et les mettent en oeuvre. Les habitants n'ont pas leur mot à dire.
Bien plus que le contenu, c'est le projet même de ces politiques qui doit être revu
Au mieux, on propose aux habitants de ces quartiers de participer à des concertations, exercice qui consiste essentiellement à valider des options choisies ailleurs, en haut lieu, dans des instances politiques et administratives qui envisagent la question sous les seuls angles du contrôle social et de la charité : il faut traiter les "banlieues" parce qu'elles menacent l'ordre social et parce que nous avons une obligation à l'égard de leurs habitants. De fait les solutions retenues sont un mélange de mise à l'écart des populations qui les habitent, de contrôle policier et d'aménagement des quelques institutions qui ne les ont pas désertées (école...).
Il faudrait donner la parole aux habitants pour leur donner les moyens d'exercer une pression sur les élus
Plutôt que de décider d'en haut de ce qui est bon pour les habitants de ces quartiers, il faudrait leur donner la parole, leur donner les moyens d'exercer une pression sur ceux qui, sur le terrain, décident, organisent, financent : les élus. Dit autrement, les habitants des quartiers difficiles ont besoin de représentants, de gens qu'ils ont choisi, qui parlent en leur nom, qui portent et donnent à entendre leurs demandes, leurs attentes, leurs revendications. Parce qu'ils ne sont pas représentés dans les instances démocratiques, conseils municipaux, conseils généraux, assemblées régionale et nationale, ils ne peuvent ni se défendre ni faire valoir leur point de vue ni obtenir les financements, aides qui permettraient d'améliorer effectivement leur quotidien. Ce sont des citoyens incomplets, au sens qu'Aristote donnait à ce mot lorsqu'il parlaits des métèques, des étrangers, des enfants… de tous ceux qui étaient exclus du jeu politique. Les habitants de ces quartiers sont exclus du jeu politique parce qu'étrangers, trop jeunes pour voter ou, encore, pas inscrits sur les listes électorales.Certains, qui ont fait le même constat, proposent de confier ce travail de représentation à la société civile, à des associations communautaires, religieuses, comme cela se fait à Marseille. Mais c'est prendre le risque de leur donner une importance et une légitimité qu'elles n'ont pas forcément dans la communauté. En quoi un imam est-il représentatif d'une population musulmane largement agnostique ? Ce type de représentation communautaire est d'autant plus inadapté que ces communautés sont en général hétérogènes. A l'inverse de ce qui se passe dans d'autres pays, les quartiers ne sont pas, chez nous, organisés de manière ethnique. Ce sont des mélanges de gens venus de partout.
La démocratie locale est à inventer dans ces quartiers
Ce qui est tout sauf facile. Donner le droit de vote aux immigrés serait un pas dans la bonne direction, mais sans doute insuffisant : il ne suffit pas d'avoir le droit de vote, encore faut-il l'utiliser. Et rien ne nous dit que les habitants de ces quartiers l'utiliseraient plus que les Français «de souche» issus des classes populaires. Le plus simple serait, sans doute, d'associer ce droit de vote à des mécanismes conçus pour inciter les partis politiques à faire monter dans leurs listes des représentants de ces quartiers.
La notion de quartier est trop globale, il faudrait faire de la micro-géographie
Ramener la politique de la ville au plus près des habitants de ces quartiers serait le meilleur moyen de traiter des problèmes qu'on y rencontre de manière adaptée. Tous les intervenants dans ces banlieues le savent, la notion de quartier est trop globale, il s'agit, le plus souvent, de micro-territoires, une barre d'immeubles, un coin de rue, une zone inaccessible par temps de pluie, des parcours en transports en commun si longs qu'ils limitent l'accès au marché du travail… Il faudrait faire de la micro-géographie, et cela n'est possible qu'avec ceux qui connaissent les lieux mieux que quiconque : les habitants.Une approche plus démocratique de ces questions permettrait également de distinguer des phénomènes qui demandent des traitements différents
A regarder les banlieues de trop loin, les politiques de la ville mettent dans le même sac la grande pauvreté de quartiers abandonnés de tous, qui ne sera résolue que par le retour à l'emploi, la délinquance dure et la concentration d'adolescents, par nature plus turbulents que les adultes. A tout confondre, à traiter des jeunes gens qui se lancent dans des rodeos sur des motos trafiquées comme de grands voyous, on ne règle aucun problème et l'on enferme un peu plus encore ces quartiers dans l'isolement.
Combattre le populisme ambiant entretenu par les medias
Depuis quelque temps, les médias associent directement banlieues et délinquance dure, trafic de drogue… Facilité de journaliste, entretenue par le populisme ambiant qu'il faut combattre. Non seulement parce que c'est faux, mais aussi parce que c'est dangereux : ce type de confusion ne peut que conduire à des réactions de solidarité où les adolescents et leurs parents finissent par devenir complices de vrais voyous. Seule une expression démocratique qui donnerait à ceux qui aujourd'hui sont condamnés à se taire la possibilité de s'exprimer permettrait de remettre les choses à leur juste place. S'il y a des délinquants dans les banlieues et des adolescents turbulents, il y a aussi, et surtout, des pauvres qui accumulent tous les handicaps.
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