Paru dans leJDD Danielle Mitterrand vendredi lors d'une manifestation à Paris devant le siège de Veolia. (Maxppp)
"On me dit trop radicale, mais aujourd’hui, on a besoin de radicalité. Besoin d’appeler un chat, un chat." Ainsi parle Danielle Mitterrand*. L’ancienne première dame de France a beau avoir 85 ans, elle n’a rien perdu de sa passion. Résistante elle était, résistante elle veut être. Et aujourd’hui, elle s’élève contre les multinationales de l’eau. "Un milliard de personnes n’ont pas l’eau potable. Je me bats pour que l’accès soit un droit, garanti dans la Constitution. Nos gouvernements ne veulent pas le faire. Certains Etats l’ont fait, comme la Bolivie, l’Equateur ou l’Afrique du Sud."
Vendredi matin, "Tatie Danielle" bravait le mauvais temps pour manifester devant le siège de Veolia Environnement. "Je m’insurge contre un système qui nous gouverne. Les hommes qui servent ce système, je m’en soucie peu, plaide-t-elle. Ils sont dans la légalité, mais quand une loi ne répond pas à l’intérêt général, on peut la critiquer! Les multinationales se rendent compte qu’elles sont observées, critiquées, et s’en inquiètent. Parfois je me retrouve à la tribune à côté d’un de leurs représentants, on emploie des mots similaires mais on n’y met pas le même sens. Quand ils disent “eau pour tous”, c’est pour tous ceux qui peuvent payer. C’est leur logique, pas la mienne."
Sur son bureau de la Fondation France Libertés s’étalent des livres. En haut de la pile, le nouveau Hervé Kempf, auteur fétiche d’Hugo Chavez, intitulé Pour sauver la planéte, sortez du capitalisme. Hugo Chávez, Evo Morales ou Rafael Correa, les nouveaux leaders de l’"Amérique latine rouge", sont ses amis. Danielle Mitterrand arpente le monde: "Je ne parle pas une seule langue étrangère, je fais des efforts, j’ai des méthodes Assimil pour l’anglais, le brésilien… mais je n’y arrive pas", sourit-elle. Tant pis, elle voyage quand même et parvient toujours à se faire comprendre. Au fond, elle se sent mieux avec les paysans sans terre brésiliens ou les Indiens boliviens qu’avec ses concitoyens: "En France, j’ai un handicap, j’ai été première dame pendant quatorze ans. C’est un état de fait, je ne m’en plains pas. Les autres premières dames, elles ont un tempérament différent." Elle ne veut pas aller plus loin. Quand un de ses collaborateurs essaie de lui faire dire du mal de Carla Bruni-Sarkozy, elle refuse: "Je suis bien contente qu’elle continue son métier, j’aimais bien l’écouter."
Elle ne croit plus vraiment au Parti socialiste
Danielle Mitterrand n’est pas devenue sarkozyste pour autant. Elle était plus à gauche que son mari, elle est aujourd’hui plus à gauche que ce qui fut son parti, le PS. "Il y a une droite et une gauche, la droite défend un capitalisme pur et dur qui oublie l’intérêt général, la gauche est plus attentive à la population, c’est vrai. Mais aujourd’hui, le système est si fort qu’il a fini par convaincre des gens qui normalement devraient s’y opposer. Le libéralisme a trompé son monde, avec ce mot qui ressemble tant à celui de liberté."
Danielle Mitterrand ne croit plus vraiment au Parti socialiste, pas assez critique contre le système capitaliste, trop enclin à défendre les multinationales. Alors, elle penche vers Europe Ecologie. "J’ai écouté Cécile, ce matin, elle était bien", glisse-t-elle à Jean-Luc Touly, directeur de l’eau à la Fondation France Libertés et candidat sur la liste de Cécile Duflot. "Danielle la rouge" n’appellera pas pour autant à voter pour les Verts: "J’ai été sollicitée, mais je ne ferai pas de meeting pour eux. Et je n’appellerai pas à voter, le vote est secret ! Je les regarde avec intérêt, dès l’instant où ils veulent remuer, sortir de ce système. Je regrette que le PS ne soit pas plus à l’écoute de l’environnement, de la bataille pour l’eau."
Au congrès des maires de France, en novembre dernier, elle a distribué son appel aux « porteurs d’eau » sous la pluie. Les élus étaient surpris de voir l’épouse de l’ancien président, ils ne se sont pas laissé convaincre pour autant: "Individuellement, des élus nous soutiennent, mais dans les appareils non. Au gouvernement, non plus, je n’ai pas de soutien. On a eu une rencontre avec Chantal Jouanno, elle peut entendre, mais ça s’arrête là." La révolutionnaire ne se décourage pas pour autant. Danielle Mitterrand était à l’aise, à la tête de sa fondation, son combat pour les droits de l’homme était consensuel.
La bataille contre les multinationales de l’eau fait plus clivage: "C’est plus facile de se battre contre un dictateur que contre une dictature mondiale. Au début, il y a treize ans, il y avait dix ou vingt personnes aux conférences, on passait pour des illuminés. Aujourd’hui, on bénéficie d’une grande écoute, des politiques locaux viennent, des municipalités de droite et de gauche veulent retrouver une gestion publique de l’eau, Paris vient de le faire." Danielle Mitterrand est optimiste: "L’argument qui convainc le plus est celui du prix, moins élevé avec une gestion publique." Pour parvenir à ses fins, elle utilise l’argument du coût. Danielle Mitterrand se veut radicale, elle sait aussi être pragmatique.
* Elle vient de publier Mot à Mot (Entretiens avec Yorgos Archimandritis), Cherche Midi.
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