C'est fait. La CGT a appelé à la levée de la grève dans les raffineries françaises. Le groupe Total s'y est engagé : en dehors du site de Dunkerque, dont le sort sera scellé à l'issue du Comité central d'entreprise du 8 mars, les cinq autres raffineries de l'Hexagone seront préservées pour les cinq années à venir. Une victoire dont tout le mérite revient aux salariés de Total, courageux et solidaires face à une direction dont la stratégie est aujourd'hui implacable.
Le conflit aura eu un immense mérite : celui de faire tomber un peu plus les masques, et de mettre à jour le visage d'un groupe qui, en dépit des huit milliards d'euros de bénéfices réalisés en 2009, exerce son chantage et sur ses salariés et sur ses clients. La guerre d'intoxication à laquelle s'est livrée la direction de Total s'est heurtée à l'inlassable travail des syndicats pour rétablir la juste vérité. Ce travail, il faut le poursuivre sans répit. La vigilance s'impose. Le combat continue.
Non, Total n'est pas menacé par la chute de la demande pétrolière due à la crise. Délocalisations en Asie ou en Arabie Saoudite, licenciements de salariés ou non renouvellement des départs en retraite : ces pratiques répondent à une stratégie globale de réduction des coûts et d'évasion face aux normes sociales et environnementales européennes. Elles existaient avant la crise. Elles s'accélèrent depuis. Au prix de l'indépendance énergétique de la France.
Goinfrerie de profits ? Oui, évidemment. Et au détriment de l'entreprise elle-même. On pourrait imaginer que les bénéfices servent à préparer l'après-pétrole. Il n'en est rien, les chiffres disponibles pour 2007 le confirment : le groupe n'affecte que 57 % de ses capacités de financement aux dépenses d'investissement net. L'autre moitié va aux versements de dividendes, c'est à dire aux actionnaires privés et aux dirigeants de Total, détenteurs de juteuses stock-options.
En 2008, les dépenses du groupe sur les énergies renouvelables ont représenté moins de 3% des profits. Plus fort encore, la diversification d'activités porte essentiellement sur la filière nucléaire, un marché dans lequel Total rêve de prendre pied. Beaucoup plus rentable de pénétrer la chasse gardée d'Areva que d'investir dans la recherche pour les énergies renouvelables. Total, entreprise aussi verte que ses publicités le laissent suggérer ? En rêve oui. En vérité beaucoup moins.
Il y a enfin un argument asséné ces derniers jours, dont il faut sans relâche nuancer la portée : la sur-capacité en matière de raffinage, qui plomberait les marges de Total dans des proportions insoutenables (100 millions d'euros en France, 150 millions à l'échelle européenne). Ces chiffres sont peut-être justes. Mais difficile alors d'expliquer la décision de dépenser 7 milliards d'euros dans une usine de raffinage en Arabie Saoudite...
Ils sont surtout très partiels. A notre connaissance, personne n'a mentionné l'étude publiée par l'UFC Que-Choisir au mois de février 2009, rappelant l'augmentation vertigineuses des profits de Total sur... le raffinage du diesel. S'il semble bien que le raffinage de l'essence soit en sur-capacité, il n'en est rien pour le gazole, le fioul et le carburant aérien. Soyons clairs : Total exerce une forme de pénurie sur ces marchés, au détriment du prix à la pompe et de professionnels en péril, à l'image des pêcheurs.
Alors oui, la fermeture de raffineries peut et doit être évitée. En mars 2007, Total inaugurait sur le site du Havre un « hydrocraqueur de distillats » capable entre autre de produire un gazole moins polluant. Un « must » dit-on. Pourtant, l'insuffisant raffinage de diesel propre demeure et ce, structurellement. A Total de prendre désormais ses responsabilités et d'investir dans les énergies de demain. Au gouvernement de faire preuve d'une fermeté qui ne soit ni de façade, ni de circonstances. A défaut, l'idée d'un prélèvement citoyen frappant les superprofits du groupe s'imposera plus que jamais./.
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