Chers amis de l'Internationale socialiste, Cher George Papandreou
Je suis heureuse de conduire la délégation française et d'être accompagnée par Jean-Christophe Cambadelis et Guillaume Garot, parlementaires. Nous voici de nouveau dans ce lieu symbolique, l'enceinte des Nations Unies à New York, où nous nous étions déjà retrouvés en septembre 2009, autour de notre Président, George Papandreou, qui était alors engagé dans la dernière ligne droite d'une campagne électorale couronnée, quelques jours plus tard, par une belle victoire dont nous tous, les socialistes, avons été heureux et fiers. Merci de ta présence malgré la lourdeur de ta tache.
A l'époque et depuis déjà plus d'un an, le monde accusait durement le coup de la crise qui ébranlait tout le système financier, impactait violemment nos économies, y réduisait l'investissement et détruisait brutalement nos emplois : 10 millions d'emplois supprimés en priorité aux Etats-Unis et en Europe. Cupidité, irresponsabilité, opacité, cécité des « élites » économiques et politiques, et pour finir extrême vulnérabilité collective aux errements d'une finance ivre d'elle-même : le tableau était sombre et nous pensions avoir vécu le pire. L'avenir, hélas, nous réservait d'autres épisodes.
L'enjeu est aujourd'hui de retrouver la croissance économique. Les politiques de rigueur qui se mettent en oeuvre partout en Europe, et notamment en France avec les sacrifices imposés aux moyens et bas revenus, sont un danger pour la croissance. C'est ce que Barack Obama a écrit aux dirigeants du G20, à quelques jours du sommet de Toronto : « Nous devons agir ensemble pour renforcer la reprise. Nous devons nous engager à rétablir des finances publiques viables à moyen terme; et nous devons parachever l'oeuvre de réforme et d'assainissement financier »
De cette tribune de l'Internationale socialiste, je lance un appel aux dirigeants du G20 pour qu'ils écoutent la mise en garde de Barack Obama : tenons compte des erreurs du passé. Ne provoquons pas la récession par un excès des mesures de rigueur. Notre priorité commune doit être la relance. L'Internationale socialiste doit le soutenir.
L'enjeu est aujourd'hui de retrouver la croissance économique. Les politiques de rigueur qui se mettent en oeuvre partout en Europe, et notamment en France avec les sacrifices imposés aux moyens et bas revenus, sont un danger pour la croissance. C'est ce que Barack Obama a écrit aux dirigeants du G20, à quelques jours du sommet de Toronto : « Nous devons agir ensemble pour renforcer la reprise. Nous devons nous engager à rétablir des finances publiques viables à moyen terme; et nous devons parachever l'oeuvre de réforme et d'assainissement financier »
De cette tribune de l'Internationale socialiste, je lance un appel aux dirigeants du G20 pour qu'ils écoutent la mise en garde de Barack Obama : tenons compte des erreurs du passé. Ne provoquons pas la récession par un excès des mesures de rigueur. Notre priorité commune doit être la relance. L'Internationale socialiste doit le soutenir.
1.- Tout a recommencé comme avant : la récidive
Que s'est-il passé depuis le début de la crise ? Tout a recommencé comme avant. Quelques réformettes mineures, plus cosmétiques que réelles, ont touché ici quelques paradis fiscaux, là quelques rémunérations excessives.
On a promis des règles qui tardent à venir or, plus elles tardent, plus elles seront difficiles à mettre en place car les lobbys financiers ont, très vite, repris des forces.
On a renfloué les banques : 2.000 milliards de prêts et garanties dans l'espoir d'éviter le blocage complet du crédit et l'effondrement de l'activité économique.
Et qu'ont-elles fait ? Elles ont récidivé, recommencé à spéculer grâce à l'argent public, à encaisser de super-profits et à se distribuer de super-dividendes. La quantité actuellement en circulation dans le monde de produits financiers dérivés, dont on a vu l'extrême toxicité, est plus importante qu'au moment de la chute de Lehman Brothers ! Les hedge funds devaient être encadrés avant la fin 2009, conformément aux recommandations du G 20 de Londres : il n'en a rien été et les actifs qu'ils gèrent ont explosé ces derniers mois, frôlant le record absolu de 2007.
Selon le patron d'Euronext, l'opacité des transactions financières s'est accrue depuis 2008. Quant aux agences de notation (dont un document de 580 pages récemment remis au Sénat américain détaille l'aveuglement et les turpitudes), leur chiffre d'affaire 2009 a été au zénith, ce qui leur a permis de débourser 3 millions de dollars pour que les meilleurs lobbyistes plaident leur cause à Washington. En France, le responsable d'une grande organisation syndicale, la CGT, les a taxées de « milices privées » du capitalisme financier : le mot est juste. L'Europe réfléchit à la création d'une Agence publique de notation : cela va dans le bon sens mais il y a urgence.
Le marché financier mondial est 10 fois supérieur au PIB mondial : il ne peut donc fonctionner que par bulles et enrichissement artificiel. C'était vrai avant 2008 et ça l'est plus que jamais aujourd'hui. A côté des moeurs inchangées du système financier mondial, l'escroquerie de Madoff passe pour un aimable bricolage !
2.- L'arrogance vite retrouvée des banques
« Circulez, il n'y a rien à voir » : tel a été, très vite, le message des banques à l'égard des Etats qu'elles avaient appelés au secours et qui leur avaient sauvé la mise, nationalisant hélas les passifs plutôt que les actifs et n'assortissant guère leurs largesses d'une prise de contrôle correspondante.
Dans mon pays, dès le mois de novembre 2009, le directeur général d'une des plus grandes banques de la place déclarait avec aplomb : « la crise financière est terminée ». Mensonge : un nouveau coup de grisou était déjà en gestation dans un système remis à flot mais inchangé. On avait bien sécurisé mais oublié de réformer.
3.- Spéculation : de la dette privée à la dette publique
Alors, après les spéculations calamiteuses sur la dette privée, sont venues celles sur la dette publique des Etats. Ahurissant scénario où les fauteurs de la 1ère crise, dont les conséquences récessives ont amputé les recettes fiscales des Etats et creusé leurs déficits, se sont rués sur un nouveau terrain de jeu : les dettes souveraines.
Nos amis grecs en ont été, en février dernier, la première cible. D'autres pays suivent et nul ne sait, aujourd'hui, où s'arrêtera l'effet domino. L'Europe, cette fois-ci, est en première ligne.
Les 6 et 7 mai derniers, on a frôlé la débâcle généralisée des marchés financiers, aggravée par les ratés du système de spéculation automatique ultra-sophistiqué qui travaille au millionième de seconde et que plus personne ne maîtrise. Le prochain krach financier pourrait bien être un accident systémique intégral affectant ce High Frequency Trading (Trading à haute fréquence) qui a traité, en 2009, 73% des actions échangées sur le marché américain et devrait, en Europe, en traiter bientôt 60%.
Jamais la déconnexion de la finance et de la réalité n'a été poussée si loin. Jamais les noces vénéneuses de la mathématique financière et de la révolution informatique, sous l'égide de la cupidité maximale, n'ont fait courir au monde autant de dangers.
4.- Plans d'austérité : les marchés financiers dictent leur loi
Plus arrogants que jamais, les marchés dictent aujourd'hui leur loi aux Etats. On lit dans la presse des phrases surréelles comme « les marchés exigent... les marchés imposent... les marchés vont contraindre tel Etat à telle politique ». On y lit aussi que les marchés ont leurs humeurs : un jour ils sont « nerveux », un jour ils sont « rassérénés », un autre ils « s'impatientent ».
Et la planète tremble parce que des financiers sans vergogne voient dans l'endettement public un nouveau champ d'activités profitables, non seulement en prêtant aux Etats à des taux parfois usuraires mais en recommençant à élaborer sur ces prêts de juteux produits dérivés cependant que l'économie réelle bat de l'aile et s'étouffe. Et les voilà spéculant à la hausse sur les taux d'intérêt des emprunts d'Etat, les forçant à des plans d'austérité qui remettent au goût du jour la vieille rengaine de l'Etat minimal, dont la violence s'abat sur les plus fragiles et dont on peut déjà pronostiquer qu'ils seront un handicap de plus pour le retour de la croissance.
On se croirait revenu aux temps du consensus de Washington ! C'est d'ailleurs pourquoi nos amis d'Amérique latine, brésiliens et argentins en particulier, n'en reviennent pas : c'est à croire, nous disent-ils, que l'Europe et le FMI n'ont rien appris, rien compris des années noires qu'ils ont traversées avant nous, avec leur panique sur la dette, leur spéculation effrénée sur les marchés financiers, leurs rumeurs alarmistes des agences de notation, les prêts tardifs du FMI assortis d'exigences tellement drastiques qu'elles en étaient économiquement contre-performantes, socialement insupportables et ont favorisé la fuite des capitaux organisée par ceux qui savaient que ce n'était pas tenable.
5.- Taxer les banques fauteuses de crise
Une nouvelle régulation doit donc voir le jour sans délai. Et aussi les projets de taxation des banques fauteuses de crise qui doivent impérativement être dissuadées de prendre des risques excessifs que payent ensuite les entreprises, les consommateurs et les contribuables (je parle là en priorité des banques européennes et nord-américaines car je comprends bien, comme me l'a dit le Président Lula, que des banques comme les brésiliennes qui n'ont aucune responsabilité dans la crise trouvent amer d'être taxées comme celles qui l'ont déclenchée).
Et aussi le projet de taxation sur les transactions financières (600 milliards de dollars s'échangent chaque jour sur les marchés financiers), né du côté des mouvements altermondialistes et dont les socialistes doivent être les ardents promoteurs afin que cette taxe soit universelle. Tout cela est nécessaire et doit être fait sans plus tarder.
J'espère que le sommet tout proche de Toronto comme l'a dit georges papendreiy permettra de lever les désaccords et les malentendus qui se sont exprimés au sujet de ces taxes légitimes.
Mais cela ne suffira pas. Il nous faut agir sur la racine de cette folie financière si nous ne voulons pas, comme on disait en 1929, « gâcher une crise » car d'une crise peut sortir le pire ou le meilleur c'est à dire laisser intacts les germes de nouvelles crises plus destructrices encore et nous installer dans une grande instabilité contre laquelle Nouriel Roubini qui, lui, fut clairvoyant, ne cesse de nous mettre en garde.
6.- Capital, Travail : rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée
La racine, c'est ce déséquilibre croissant du partage de la valeur ajoutée au bénéfice des revenus du capital et au détriment systématique du travail le poison principal. Car, à l'origine du surendettement des ménages, il y a les salaires écrasés et la précarité généralisée, la rupture de l'ancien pacte fordiste et le mépris de la valeur travail.
Si les comptes sociaux se sont creusés, c'est d'abord parce que les destructions d'emplois et le chômage de masse ont réduit la masse des cotisations. Si les déficits se sont approfondis, c'est aussi parce que le dogme d'une fiscalité anti-redistributrice l'a emporté.
Et s'il faut, évidemment, maîtriser les dépenses publiques et ne pas craindre de tailler dans les dépenses improductives, il ne faut pas suivre les apôtres aujourd'hui requinqués de la réduction aveugle des dépenses publiques qui ne comptabilisent jamais ses dommages collatéraux sur la demande intérieure, la croissance et même la compétitivité.
Les plans d'austérité punitifs qui se mettent actuellement en place sous l'injonction des marchés financiers se trompent de cible. En effet ce sont les inégalités qui sapent la croissance.
7.- Les inégalités sapent la croissance et appauvrissent l'Etat
Il se trouve aujourd'hui quelques économistes moins conformistes que la corporation pour tirer la sonnette d'alarme et plaider pour une croissance soutenue par la consommation intérieure et par un nouveau partage des revenus incluant un relèvement des salaires. Les salaires, en effet, ont été excessivement comprimés toutes ces dernières années, au prétexte d'une course obsessionnelle à la compétitivité dictée par la concurrence des pays à bas salaires, scandée de délocalisations brutales et de déstabilisation des contrats de travail.
Leur constat est intéressant car il ne procède pas de raisons morales ou de justice sociale mais d'un point de vue de pure efficacité économique : les inégalités, qui ont explosé et défigurent de plus en plus nos sociétés, tarissent, disent-ils, la croissance faute de carburant.
James Galbraith le dit lui aussi sans ambages : « les inégalités ne sont pas les conséquences micro-économiques des déséquilibres ; elles en sont la cause macro-économique ».
Le directeur général chilien de l'OIT, Juan Somavia, rappelle lui aussi avec force que ce qu'il nous faut à tous, c'est une croissance riche en emplois et qu'une rigueur psycho-rigide signifierait en réalité appauvrissement et non redressement des finances publiques en même temps que récession économique. « Les normes financières, dit-il, doivent être des instruments au service de normes sociales et environnementales qui sont, elles, des objectifs de société ».
8.- 5 clefs pour un nouveau modèle
Permettez-moi d'évoquer brièvement 5 dimensions à mes yeux fondatrices d'un nouveau modèle de développement et d'un autre monde possible.
A) Faire de l'efficacité économique et de la justice sociale un couple inséparable
Nos amis brésiliens ont exploré cette voie avec succès. Ils ont équilibré l'assainissement de leurs finances, l'accélération volontariste de leur croissance et des bourses pour les familles politiques sociales fortement redistributrices. La justice sociale
Dilma Roussef que j'ai rencontrée plusieurs fois au Brésil et dont nous espérons tous qu'elle sera à l'automne prochain la Présidente de la République brésilienne, parle fort justement de la transformation utile de l'argent public en qualité de vie et en efficacité économique réductrice de pauvreté.
B) Réhabiliter le rôle de la puissance publique
N'en déplaise au regretté Président Reagan, l'Etat n'est pas le problème mais une partie de la solution. C'est à la volonté politique de reprendre la main pour en finir avec les désordres de la finance mondialisée. Ce n'est pas d'Etat brancardier mais d'Etat anticipateur, porteur d'une vision à long terme de l'intérêt général, que les pays malmenés par la crise ont impérativement besoin pour s'en sortir et surtout ne pas y retomber.
Le Président Barack Obama a eu raison de tenir bon face à BP et de lui imposer la mise sous séquestre de 20 milliards de dollars pour réparer les dégâts de son irresponsabilité et de son âpreté au gain, causes d'une marée noire qui est le pire désordre écologique qui ait frappé les Etats-Unis.
Figurez-vous que les très puissantes compagnies pétrolières sont d'une telle désinvolture que, dans les rapports qu'elles ont remis aux autorités américaines pour témoigner de leur « bonne volonté » et de leur sens aigu de l'intérêt général, BP et 2 autres géants des hydro-carbures proposaient de protéger... les morses qui ont disparu du Golfe du Mexique depuis au moins 3 millions d'années !
Le Président Obama a également raison de coupler l'affirmation de la légitimité et de l'autorité de l'Etat avec sa volonté de promouvoir une révolution énergétique qui ne fait peut-être pas l'affaire du lobby pétrolier mais celle, plus importante, du peuple américain.
L'important, contrairement aux justifications actuelles des plans de rigueur qui s'abattent sur l'Europe, ce n'est pas de savoir si l'Etat est trop gros ou trop maigre mais s'il remplit correctement ses missions, épaule efficacement les services publics nécessaires et n'abandonne pas le bien commun aux intérêts particuliers.
C) Accélérer la croissance verte et cette sociale-écologie qui constitue le gisement d'emplois et de qualité de vie de demain.
A Copenhague dont nous savons bien que les résultats ont été décevants, c'est le Président Lula qui est apparu comme un leader prenant la mesure des enjeux, appelant le monde à assumer sa responsabilité et donnant l'exemple par les engagements pris dans la foulée par son pays qui a légiféré pour s'appliquer à lui-même les objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre qu'il préconise pour la planète.
A nous de porter haut et fort ses propostions que nous partageons : création d'une Organisation mondiale de l'Environnement et création d'un fonds de soutien à la conversion écologique des pays pauvres qui sont les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique et les plus démunis pour y faire face alors qu'ils pourraient, avec l'aide des pays plus riches, tirer parti de leur potentiel d'énergies renouvelables, à commencer par le solaire.
D) Définir et protéger nos biens publics mondiaux
La privatisation effrénée des services publics et la marchandisation de tous les domaines de l'existence n'ont eu nulle part les effets vertueux que promettaient leurs partisans. Ce sont les altermondialistes qui, avec Ricardo Petrella, ont les premiers théorisé la notion de « biens publics mondiaux », applicable par exemple à l'eau, ressource rare et vitale, à l'éducation ou à la santé, tous domaines justiciables d'autres logiques que celles de l'appropriation privée.
Le marché prétendait les valoriser au bénéfice du plus grand nombre. On a vu les résultats : renchérissement, ententes tarifaires, exclusion de ceux qui n'ont pas les moyens d'acquitter les nouveaux péages.
Les tristes péripéties qui portent depuis plusieurs mois atteinte à la crédibilité de l'Organisation mondiale de la Santé illustrent, de la gestion de la grippe A à la recherche jugée non rentable sur les maladies négligées, que la santé des peuples du monde est une chose trop sérieuse pour être abandonnée aux intérêts à court terme des laboratoires pharmaceutiques et aux conflits d'intérêts des experts qu'ils financent.
Les Ministres de la Santé de l'UNASUR, l'organisation inter-gouvernementale de l'Amérique du Sud, ont eu raison de sonner l'alerte et de s'insurger contre la mise au rencard des propositions de taxation des bénéfices des industries pharmaceutiques ou de découplage du financement de la recherche d'avec le prix des médicaments. 9 millions d'enfants meurent chaque année de maladies qui pourraient être prévenues ou guéries et 400.000 femmes enceintes succombent à des complications durant leur grossesse : bref l'accès aux traitements fait partie des droits fondamentaux à garantir à tous, qui ne doivent pas s'apprécier à l'aune de la rentabilité marchande et d'une conception restrictive de la propriété industrielle.
E) La démocratie comme condition de l'efficacité politiques
Nos peuples aspirent à autre chose que ces décisions prises sans eux et du coup mal pensées, mal appliquées, parfois brutales et toujours verticales. Nous devons, nous socialistes, tirer lucidement les leçons de ce qui ne marche plus et aussi comprendre de quelles frustrations se nourrissent les succès des partis qui s'affichent comme anti-système, alternative aux partis traditionnels et à l'écoute des aspirations populaires.
Les errements à l'origine de la crise et la manière dont sont assénés les actuels plans de rigueur renforcent, à l'opposé de ces méthodes, l'exigence d'une association plus directe des citoyens aux décisions qui les concernent et au contrôle de leur application. Budgets participatifs nés en Amérique latine, Jurys Citoyens expérimentés en Europe, référendum d'initiative populaire, réseaux sociaux militants et novateurs tirant parti d'Internet, démocratie sociale renforcée, les voies sont multiples mais une chose est sûre : c'est en faisant de ce siècle celui de la parole et de l'action citoyennes que nous restaurerons les conditions d'un leadership légitime et de politiques publiques efficaces.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Friedrich Hayek, l'un des inspirateurs de la révolution néo-conservatrice et l'un des théoriciens de « l'ordre spontané du marché », rêvait d'une « démocratie limitée » tenant le peuple à l'écart des choses sérieuses auxquelles il était supposé ne rien entendre.
9.- Ni adaptation forcée, ni repli égoïste : internationalisme concret
Notre monde commun est en pleine mutation et nous sentons bien que nous sommes à la croisée des chemins : l'un mène vers le chaos, l'injustice et la violence, l'autre vers une nouvelle politique de civilisation qui permettra à l'humanité, à une échelle inédite dans son histoire, de prendre son destin en main. Sous les coups de boutoir de la crise se dissout l'illusion que les uns puissent s'en sortir sans les autres ou contre eux.
Je vois bien les tentations de repli qui accompagnent la période actuelle où l'on perçoit ce qui n'est plus mais où on n'aperçoit pas encore clairement ce qui pourrait être. Certaines élections européennes récentes sont à cet égard symptomatiques, avec l'arrivée au pouvoir de partis xénophobes et populistes.
C'est à nous, socialistes, d'administrer la preuve qu'on n'a pas simplement le choix entre l'adaptation forcée à une globalisation financière destructrice des solidarités et des protections auxquelles chacune aspire légitimement, ou la tentation autarcique des identités au rabais et de leur fausse sécurité.
C'est à nous, socialistes, de montrer la voie d'un internationalisme concret capable de fixer et de tenir des objectifs précis dans les différentes domaines que j'ai évoqués et où, n'en doutons pas, se joue aussi la sécurité du monde.
10.- Contre la violence des marchés et les hégémonies dépassées : construire un ordre juste à plusieurs voix
C'est à nous, les socialistes, de ne pas céder à l'intimidation des marchés et de mettre en oeuvre une nouvelle feuille de route. Car nous n'avons pas seulement à atténuer les chocs, à corriger ou adoucir à la marge, mais à combattre pour un nouveau modèle de société et de civilisation.
Avec radicalité et avec pragmatisme mais sans en rabattre, comme cela nous est parfois arrivé, sur l'alternative globale qu'il nous incombe de porter et de mettre en oeuvre.
A fortiori dans un monde où les cartes sont rebattues, où les rapports de forces évoluent, où nul ne peut plus prétendre à l'hégémonie et où, comme le dit Celso Amorim, Ministre brésilien des relations extérieures, « les centres traditionnels du pouvoir ne partagent pas gracieusement leurs privilèges ». Un monde, ajoute-t-il, où les pays considérés comme des acteurs incontournables lors de la Coupe du Monde de foot ont bien l'intention de faire aussi entendre leurs voix sur d'autres terrains. C'est dire, au passage, combien les 3,13% de voix concédés aux pays dits « en développement » et « en transition » à l'occasion de l'augmentation de capital de la Banque mondiale (contre 52,8% conservés par les pays riches) il y a la aussi beaucoup à faire.
Cette polyphonie du monde multipolaire qui s'affirme, c'est de nous qu'il dépend qu'elle ne doit pas chaotique mais créatrice d'un nouvel ordre international juste et sûr pour chacun.
C'est le sens du combat de nous, socialistes.
| 22 Juin 2010
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