24 juin 2010

Retraites, le grand débat

La réforme des retraites sera plus dure encore pour les femmes, rappellent Danielle Bousquet, Catherine Coutelle, Pascale Crozon et Gaëlle Lenfant à la présidente de l'Observaoire de la parité, saisie d'un «mutisme coupable».

Manifestement, diriger l'Observatoire de la Parité ne garantit ni une vue lucide sur la situation des femmes ni une once d'autonomie dans l'analyse des propositions gouvernementales.
Dans une savante mise en scène, Chantal Brunel, fraîchement promue présidente de l'Observatoire de la parité, s'est d'abord émue début juin que le sujet des femmes ne soit pas pris en compte dans la réforme des retraites, pour se féliciter avec zèle cette semaine qu'un pas ait été fait. De quoi s'agit-t-il ?
Le gouvernement a pioché une des dix propositions de la délégation aux Droits des femmes de l'Assemblée nationale en prenant en compte l'indemnité du congé maternité dans le calcul de la retraite. Cette mesure, des dires mêmes du ministre du Travail, «ne bouleversera pas les inégalités en profondeur».
La situation des retraitées est alarmante, et les inégalités en matière de retraites se sont même creusées ces dernières années comme l'a récemment montré l'Ined. Et voilà que Chantal Brunel se fait l'écho d'un gouvernement qui instrumentalise une mesure minimale prise pour les femmes afin de masquer le caractère profondément injuste de sa réforme.
Aujourd'hui, l'écart de retraite entre les femmes et les hommes est de 38%. Une retraitée sur deux perçoit moins de 900 euros par mois. Les inégalités salariales, les carrières en dents de scie, le temps partiel, les emplois précaires, les difficultés liées au non partage de la parentalité et des tâches ménagères... expliquent cette situation de précarité et d'inégalité.
En bout de course, 30% des femmes liquident aujourd'hui leurs droits à 65 ans contre 5% des hommes, devant cotiser tard pour réunir les semestres suffisants. Reculer l'âge légal de départ à taux plein de 65 à 67 ans va donc pénaliser en priorité les femmes. Il en sera de même avec la fin du dispositif de départ anticipé pour les fonctionnaires parents de 3 enfants ayant 15 ans de services, qui permettait aux femmes de bénéficier d'une retraite à taux plein malgré des carrières souvent interrompues par les congés maternité ou parental.
Sur ces deux sujets, la présidente de l'Observatoire de la parité observe un mutisme coupable. Si elle avait à cœur de remplir la mission qui est la sienne, elle aurait dû exiger des analyses et dispositions pour mettre un terme aux inégalités en matière de retraites. Au-delà des réformes structurelles pour l'égalité salariale que M. Sarkozy promet depuis 2007 mais dont rien n'est encore prévu, des mesures compensatoires peuvent être prises aujourd'hui, comme le développement de la sur-cotisation pour les temps partiels ou le rétablissement de la majoration de durée d'assurance. C'est cela l'urgence sociale.
Sur la réforme territoriale, sur les retraites ou bientôt sur l'égalité professionnelle, Chantal Brunel sert d'alibi féministe au gouvernement. Personne n'est dupe des campagnes de communication creuses dans lesquelles il martèle que sa réforme est juste. Pour les salariés et particulièrement pour les femmes, nous lui conseillons d'acquérir rapidement un dictionnaire de qualité. La justice ne peut être synonyme de régression sociale.

Danielle Bousquet, députée (PS) des Côtes-d'Armor, vice-présidente de l'Assemblée nationale
Catherine Coutelle, députée (PS) de la Vienne
Pascale Crozon, députée du Rhône
Gaëlle Lenfant, Secrétaire nationale adjointe Droits des femmes du Parti socialiste

1 commentaire:

  1. Réponse à la tribune de Mmes Bousquet, Crozon, Lenfant et Coutelle
    m'accusant d'être « l'alibi féministe du gouvernement »

    Votre critique vigoureuse - publiée le 23/06/10 sur Médiapart - à l'encontre des propos que j'ai émis au sujet de la réforme des retraites et, plus généralement, de mon engagement à la tête de l'Observatoire de la parité exige de ma part une réponse.

    Avant de rentrer dans le vif du sujet, je souhaiterais simplement affirmer en toute clarté qu'à aucun moment ma mission à l'Observatoire ne saurait constituer à mes yeux une tribune-relais des idées gouvernementales. Je reconnais et apprécie à sa juste valeur ce qui fait la singularité de l'Observatoire: la diversité de ses membres autant que la multiplicité de ses orientations politiques. C'est la raison pour laquelle je ne démentirai jamais le constat que vous dressez et que j'approuve : oui, les femmes sont en situation d'inégalité et de précarité face à la retraite.

    J'approuve d'autant plus ce constat que je fus l'une des premières à le souligner publiquement. Je vous renvoie pour cela à l'article du Parisien du mardi 8 juin 2010 intitulé « Le problème de la retraite des femmes est évacué », au cours duquel j'ai affirmé avec franchise que « le gouvernement et les syndicats se préoccupent encore trop peu du sort des femmes ». Je ne pense donc pas, à l'aune de tels propos, manquer de courage ou servir - comme Mme Coutelle a jugé bon de me désigner, sur son blog, avec un mépris inconvenant - d' « alibi en carton pâte ».

    En ce qui concerne ce que vous appelez un « mutisme coupable », permettez-moi de vous rappeler qu'à peine cette nouvelle mission à la tête de l'Observatoire m'avait-elle été confiée, je me suis empressée d'émettre des propositions, appuyées de statistiques chiffrées, dont l'ensemble est disponible sur le site de l'Observatoire, propositions que je m'efforce de faire valoir auprès des autorités compétentes, comme au cours de cette table ronde organisée par Eric Woerth le 8 juin dernier. J'ai également rédigé une Proposition de Loi tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux pourvus au scrutin uninominal majoritaire en vue d'accroître la présence des femmes en politique. Cette PPL, pour laquelle je me suis battue, a reçu le soutien d'un certain nombre de vos collègues socialistes en hémicycle lors de la discussion du projet de Loi de réforme des collectivités territoriales.

    Mmes Danielle Bousquet et Pascale Crozon, nouvellement nommées membres de l’Observatoire de la parité, le 1er juin 2010, ne peuvent ignorer que celui-ci ne s’est pas encore réuni. Le « mutisme » que mes deux collègues Députées dénoncent me semble donc une critique bien prématurée... Elles ne sont pas non plus sans savoir que j’ai l’honneur d’en être la Rapporteure générale et non la Présidente. Je me réjouis par avance des débats lucides et vifs, constructifs sans nul doute, qui nous attendent.

    Enfin, il va dans le sens de notre engagement à toutes d'élever la question de la parité loin, très loin au-delà des clivages partisans qui desservent une cause que je nous sais à toutes cinq commune. De telles questions sont complexes et demandent une certaine subtilité. Elles supposent un effort commun.

    Chantal Brunel
    Rapporteure générale de l'Observatoire de la parité
    entre les femmes et les hommes
    Députée de Saine et Marne

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