15 janvier 2010

Donner aux associations la place qu'elles méritent


« Mettre en place une véritable politique publique de la vie associative » : telle était l'ambition affichée par le gouvernement pour la Conférence de la vie associative qui s'est tenue le 17 décembre dernier. Parmi les mesures annoncées pour y parvenir : la mise en place d'un Haut conseil à la vie associative, qui sera obligatoirement consulté par le gouvernement sur les projets de lois et de décrets concernant le fonctionnement des associations ; la création d'une fonction de « médiateur des associations » ; la publication annuelle d'un tableau de bord sur le secteur associatif ; l'expérimentation dès le premier semestre 2010 d'un nouvel outil de demandes de subventions en ligne, assorties d'une simplification des agréments ministériels ; ou encore l'augmentation de 30 % des crédits alloués à la formation des bénévoles.
Autant de projets positifs et bien accueillis. Ils restent cependant en deçà des attentes des associations. Celles-ci doivent à la fois faire face à une augmentation des besoins sur le terrain liée à la dégradation de la situation économique et sociale (+ 24 % de nouveaux accueillis pour le Secours catholique, par exemple) et à une baisse de leurs ressources : diminution des intentions de dons, mais surtout dégringolade des subventions publiques, notamment liée à un désengagement de l'Etat assez net au cours de ces dernières années.
Or, les mesures annoncées pour sécuriser les financements associatifs sont très insuffisantes, dans un contexte où un effort accentué de limitation des dépenses publiques est annoncé, tandis que les réformes de la fiscalité locale fragilisent les ressources des collectivités territoriales. Certes, l'Etat propose un nouveau modèle unique de convention de financement, annuelle ou pluriannuelle, qui vise à mettre les subventions associatives en conformité avec la réglementation européenne. Ce qui pourrait inciter certains ministères à rétablir des subventions qu'ils avaient jusqu'ici suspendues, par peur de ne pas respecter les règles de mises en concurrence de l'Union européenne. Toutefois, ce modèle de convention ne concernera que les services de l'Etat, pas les collectivités territoriales. Or celles-ci continuent à recourir assez massivement aux procédures d'appels d'offres, qui fragilisent les associations.
A quand, donc, une doctrine claire, partagée par tous, sur le recours aux subventions et les procédures de commande publique pour les associations reconnues d'intérêt général ? A quand également une reconnaissance d'un « dialogue civil » auquel les associations prendraient part et à qui le gouvernement reconnaîtrait autant de poids qu'au dialogue dit social ? Dans le contexte d'une crise économique et sociale qui continue de s'aggraver, il paraît plus que jamais aberrant que les pouvoirs publics ne reconnaissent pas au monde associatif une place à la hauteur des services qu'il rend quotidiennement à la société.
Camille Dorival
Alternatives économiques

Vincent Peillon plagie mal Ségolène Royal

Celui que certains appellent l’idiot utile du Parti Socialiste vient de nous gratifier d’une nouvelle livraison qui mérite son pesant de cacahuètes. Ce qui me surprend est justement… la surprise des différents commentateurs de cet épiphénomène.

En effet notre zébulon, non content d’avoir tenté de piquer la marque Espoir à gauche à Ségolène Royal grâce à une OPA hostile comme l'a si bien dit Michele Delaunay, s’évertue à lui piquer l’ensemble de ses marqueurs. Le dernier rapt en date est donc celui du coup d’éclat médiatique. Reconnaissons que la copie est bien pâle.
Le robinet est donc ouvert et les méchants journalistes en sont la cible. Cette charge n’est certainement pas indifférente au bide médiatique de sa nouvelle offensive du week-end dernier. La victime était cette fois là une association de quartier à Nanterre et l'objectif était prétendument de débattre sur l’éducation. Avec le résultat peu audible que l'on sait.
Rappelons à monsieur Peillon quelques données essentielles pour la réussite d’un coup d’éclat. Pour que celui-ci soit réussi, il faut qu’il permette de mettre en lumière un sujet de fond, étayé par une continuité de pensée et, fait non moins important, que le coup d’éclat soit suivi de résultats tangibles.
Comme le soulignent souvent ses partisans, quatre exemples (et non les moindres) de « coups médiatiques » lancés par Ségolène Royal en 2009 ont été des coups de maître.
La taxe carbone
Dès l’annonce de la taxe carbone par le gouvernement Sarkozy et façe au consensus de la classe politique, Ségolène Royal utilise l’outil médiatique (discours de La Rochelle bien évidemment très médiatisé, conférence de presse, JT télévisé, …) pour affirmer sa position contre cette taxe. Résultat, cette position est discutée et débattue. On a donc parlé de fond et, en fin de compte, le Conseil Constitutionnel annule cette taxe carbone, donnant raison à la position de Ségolène Royal.
Heuliez
Une PME de la région Poitou-Charentes est en difficulté. Ségolène Royal n’hésite pas à médiatiser l’affaire, d’autant plus que cette PME innove dans le domaine de la voiture électrique. Elle va jusqu’à faire défiler les voitures électriques lors du sommet de Copenhague. Tout ceci donne l’occasion de relier deux sujets de fond, qui sont le social (la sauvegarde des emplois) et l’écologie (les voitures propres) ! En fin de compte l’entreprise est sauvée, la région, et c’est une première, entrant dans le capital de la société (n’est-ce pas mieux que « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin ou les promesses de Gandrange non respectées par Nicolas Sarkozy ?), et les premiers véhicules électriques sont sortis de production. Signe sans doute de la reconnaissance de l’action de Ségolène Royal sur le dossier, un syndicaliste d’Heuliez sera présent sur la liste des régionales en Poitou-Charentes.
Le pass contraception
Ségolène Royal médiatise la mise en place dans sa région du pass contraception, qui doit être délivré par les infirmières scolaires, permettant à une jeune fille d’obtenir un  rendez-vous chez un médecin et un moyen contraceptif en pharmacie. Résultat, on en parle ! Un autre sujet de fond ! La volonté du blocage de la part du ministère de l’éducation a permis d’ailleurs de montrer l’opportunisme du gouvernement sur le sujet, sachant que l’UMP locale avait voté en faveur du projet. En fin de compte les premiers exemplaires ont été distribués par des infirmières scolaires, et le pass contraception est inscrit dans le programme national du Parti Socialiste pour les régionales.
Rassemblement de l’espoir à gauche
Elle fait un coup d'éclat en débarquant avec sa légion sur Dijon, pour régler un problème de fond. Le pauvre Vincent Peillon, démasqué en pleine OPA, ne sait que faire et que dire. Il est pris la main dans le pot, les doigts dégoulinants de confiture. Son appropriation d'un appareil, avec une poignée d'apparatchik contre l'avis des militants et au mépris de tous les valeurs incarnées par ce courant, est loupée . Il est vert, de colère, « Psychiatrie lourde » a t’il dit. Résultat, le filou est démasqué et commence alors le balai médiatique justifiant l’injustifiable. Le comble ayant été atteint lorsque, adossé à son acolyte d’un instant, il décide tout simplement de dissoudre le peuple, annulant ses déplacements et ne conviant plus les militants aux réunions publiques, de peur d’affronter pour une fois la réalité du terrain.
Ainsi, en lançant des « coups médiatiques », Ségolène Royal permet de démasquer les fourberies, de débattre, et même d’avancer, sur des sujets de fond en synergie avec la société médiatique.
Alors, monsieur Peillon, quitte à tenter la copie, finalement assez pâle, je vous demande de vous surpasser en passant à la prochaine étape de la copie intégrale : Enfilez le ce tailleur blanc qui vous fait tant frémir et partez à l'assaut du monde médiatique. Les paris sont ouverts.
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Le POST, le 15/01/2010

Royal voit la vie en vert

Candidate à sa propre succession en Poitou-Charentes, l'élue socialiste place son bilan écologique au cœur de sa campagne électorale. Et fait grincer des dents dans les rangs écologistes.                            
                                Ségolène Royal bureau                                
                                Ségolène Royal, aussi rose que verte? (Reuters)                                
En Poitou-Charentes, Ségolène Royal affiche la couleur en vue des élections régionales: celle-ci sera verte. Passionnément. La candidate socialiste à sa propre succession en a même fait son slogan de campagne - "la croissance verte" - et avance tambour battant sur un chemin traditionnellement balisé par l'écologie politique. Cette confiance, l'élue poitevine la tire de son bilan écologique à la tête de la région depuis 2004. Le "Plan énergie solaire régional", qui fait la part belle à la filière photovoltaïque, le "Pôle de compétitivité régional des éco-industries" qui vise à développer la croissance verte ou la Simply City, cette voiture électrique à 5000 euros qui doit sortir des usines Heuliez, sont, selon ses supporters, autant d'atouts dans la manche de la présidente de région. Sans oublier le somptueux lycée Kyoto "zéro énergie fossile", inauguré en grande pompe le 2 septembre 2009 et dont Ségolène Royal ne cesse de vanter les mérites. Jusqu'à Copenhague, où, en marge de la conférence internationale sur le climat, elle a réussi à faire entendre la petite musique écolo de la région Poitou-Charentes.                                                                  

Royal oublie les Verts

                            Face à cette débauche d'énergie verte, ses fidèles applaudissent des deux mains: "Ségolène Royal a fait de sa région une des régions les plus innovantes en matière d'écologie et de croissance verte", juge Guillaume Garot, le député-maire de Laval. "Ségolène Royal a un bilan exceptionnel à la tête de la région de Poitou-Charentes", enchérit sa jeune disciple lyonnaise, Najat Vallaud-Belkacem. Mais ils sont également nombreux, à l'heure du bilan, à ne pas faire montre d'un tel enthousiasme. "Les panneaux photovoltaïques installés dans la région dont elle parle tant ne représentent qu'une quinzaine de terrains de football", raille par exemple Françoise Coutant, chef de file Europe-Ecologie en Poitou-Charentes, contactée jeudi par leJDD.fr. "Son bon bilan environnemental - parce qu'il est bon, c'est vrai -, Ségolène Royal le doit avant tout à ses partenaires Verts", ajoute l'adjointe au maire d'Angoulême, qui vise 15% des voix "voire mieux" en mars prochain.                                                                
                                    Et est-ce justement parce qu'il est si "bon" que deux élus verts ont récemment décidé de rallier les rangs "royalistes" (lire: Radiés pour avoir rallié Royal)? "Cette histoire appartient au passé, je ne veux pas polémiquer", évacue Françoise Coutant, visiblement pressée de passer à autre chose. Ce qui est loin d'être évident en Poitou-Charentes, où la personnalité de l'omniprésente Ségolène Royal - selon un sondage, 85% de ses administrés la connaissent, un record pour un président de région - écrase le paysage politique local.
                          La preuve par l'exemple: même son slogan de campagne n'échappe pas aux commentaires. "La croissance verte, c'est un nouvel Avatar en 3-D de l'évolution de la croissance: produire plus pour gagner plus, pour consommer plus, pour polluer plus", a ainsi attaqué l'euro-député Yannick Jadot, "guest star", dimanche dernier, du lancement officiel de la campagne d'Europe Ecologie en Poitou-Charentes. Face aux attaques, Ségolène Royal, fidèle à son habitude, préfère rester zen. "Vous savez, quand j'ai commencé à parler de l'excellence environnementale dès 2004, beaucoup se sont moqués", rappelle-t-elle dans un entretien accordé à La Charente Libre début décembre. Aujourd'hui, le Poitou-Charentes est un exemple", martèle-t-elle. A qui veut bien l'entendre.                                                                                                                                                                                                                                                Nicolas Moscovici - leJDD.fr      

13 janvier 2010

Mano Solo, poète cinglant et pudique

Par Ségolène Royal

Mano Solo, poète cinglant et pudiqueC'était en juillet 2005.
Les Francofolies de La Rochelle accueillaient Mano Solo.
Sur scène avec son chien, comme souvent, sa rage et sa tendresse, ses accords railleurs et ses mélopées tristes, ses mots cinglants et ses rythmes endiablés, sa poésie crue et pourtant pudique avaient électrisé le public massé sur l'esplanade de St Jean d'Acre.

Après le concert, j'étais allée lui dire combien ses chansons, tantôt mélancoliques, tantôt gouailleuses, sa soif de vie et ses colères réalistes me touchaient. Et mon admiration, tout simplement, pour son talent polyphonique d'artiste complet, de musicien, de peintre et d'écrivain.
On me respecte, disait-il, à cause du Sida mais le public, lui, aime d'abord mes chansons car elles expriment « ces sentiments qui nous ressemblent, ces sentiments qui nous rassemblent ».
Silhouette frêle et verbe fort, Mano Solo n'empoignera plus sa guitare pour « écraser le cafard à grands coups de butoir », comme il le disait dans « 15 ans du matin ».

Sa franchise décapante et sa lucidité sans concessions nous manqueront.
Et son art de marier les sons d'ici et d'ailleurs, accordéon malgache et barrio Barbès, chansons du sud et ska du nord, comme un pied de nez festif aux rigides clôtures identaires.

12 janvier 2010

Une Féministe chinoise privée de Prix
Simone de Beauvoir par Pékin


A lire sur Rue 89 par Mathilde Bonnassieux - Aujourd'hui la Chine

Ai Xiaoming, chez elle à Canton, 2003 (P. Haski/Rue89)

photo : Le professeur Ai Xiaoming chez elle, à Canton.

Professeur d'université, vidéaste et militante active des droits civiques, Ai Xiaoming n'a pas pu assister à Paris à la remise du Prix Simone de Beauvoir qui lui a été décerné. Les autorités chinoises ont refusé de lui renouveler son passeport.

Réuni à Paris pour la remise du Prix Simone de Beauvoir ce lundi, le jury international a dû se passer de la présence d'une de ses lauréates, la militante chinoise Ai Xiaoming. Cette féministe engagée devait également participer mardi à une conférence à l'Université Paris Diderot sur les femmes chinoises contemporaines mais elle n'a pas pu non plus s'y rendre.

Les autorités chinoises ont en effet refusé de lui renouveler son passeport, privant Ai Xiaoming de la possibilité de quitter la Chine.

Créé il y a deux ans à l'occasion du 100e anniversaire de la naissance de l'écrivain français, le Prix Simone de Beauvoir récompense les travaux de ceux ou celles qui oeuvrent pour la liberté des femmes dans le monde. Cette année, le choix du jury s'était porté sur deux Chinoises, l'avocate du droit des femmesGuo Jianmei, et la vidéaste et chercheuse Ai Xiaoming.

Sur le site participatif chinois Canyuwang, Ai Xiaoming raconte :

"Je regrette de ne pouvoir me rendre en France pour recevoir le prix. J'ai fait beaucoup d'effort mais sans succès. Aujourd'hui, j'ai perdu espoir.

Ce prix est important pour moi car depuis des années, les activistes chinois, vivent des temps difficiles. Comme je tourne des documentaires, mes amis et moi avons suvi la violence de la mafia mais nous ne pensions pas que la police chinoise avait un département spécialisé pour les gens comme nous."

Ai Xiaoming, professeur respectée de littérature chinoise à l'Université de Canton, s'est illustrée en Chine par ses recherches sur la condition féminine, son combat pour les droits des femmes, la défense des travailleurs migrants et des malades du sida. Sujets sur lesquels elle a réalisé plusieurs documentaires en dehors des circuits officiels.

Déjà connue des services de police, la militante avait été arrêtée l'année dernière à Shenzhen alors qu'elle se rendait à Hong-Kong pour présenter l'un de ses derniers films, « Nos enfants », retraçant le parcours de parents d'enfants victimes du séisme au Sichuan en mai 2008.

Dans son blog, Gaëtan Gorce lance le voeu d'un réel changement du PS porté par la direction du PS, pour assurer le rassemblement, mettre fin aux courants et lancer les Assises de l'alternative. "Tout doit changer après mars" ...

Dans mon bureau à l'Assemblée

2010 commence en Avril ?

Pour l’opposition, l’année s’ouvre sur une seule et incontournable question : celle de sa restructuration, certains diraient de sa recomposition, d’autres de son dépassement ! Mais, quel que soit le terme que l’on retienne, la problématique reste la même : le vide qui s’est créé à la gauche de Nicolas Sarkozy sera-t-il occupé par une force concurrente et fédérée ou bien la balkanisation, partisane et idéologique sera-t-elle toujours la règle ? Malgré la perspective d’élections régionales favorables, la réponse ne va pas de soi.

* Elle dépendra d’abord de l’écart qui séparera les Verts des Socialistes. Un rééquilibrage électoral, qui ne serait pas sans rappeler celui des européennes, ne serait peut-être que justice : le PS s’est donné si peu de peine pour redevenir crédible et convainquant… Mais, il ouvrirait une ère de tractations d’appareil et d’épreuves de force, au total, de compétition pour le leadership qui laisserait mal augurer de l’avenir. Et dont l’entre-deux tours risque de nous fournir une première illustration… Si à l’opposé le Parti socialiste, contre toute attente, porté par l’inquiétude populaire, retrouve sa prééminence à gauche, il redeviendra maître de son destin.

* Là se trouve le second élément de réponse. Quel que soit le résultat, la direction du Parti socialiste sera-t-elle capable de jouer la carte du rassemblement, et sortir de son huis-clos actuel ? Certes, il se trouvera toujours des « responsables » pour défendre l’indéfendable et présenter l’échafaudage politique et idéologique issu du Congrès de Reims, comme l’amorce d’une vraie reconstruction. Mais sauf à défendre tel ou tel intérêt particulier, pourquoi se laisser leurrer ?

D’abord, en prenant acte une fois pour toutes de la mort des courants. Tous ceux qui s’étaient constitués après le Congrès de Reims, le plus souvent pour de mauvaises raisons, ont pour les mêmes mauvaises raisons, explosé. Qui peut dire aujourd’hui où se trouve la majorité et plus encore l’axe de cette majorité? L’après-Régionales devrait donc être l’occasion d’une recomposition interne sur la seule base de la compétence, du talent et de la détermination à contribuer à la rénovation de la Gauche.

Ensuite, en préparant dès aujourd’hui le lancement d’Assises de l’alternative qui, à l’instar des Assises du socialisme de 1974 jetteraient les bases d’une vraie refondation associée non pas aux appareils, mais à tous ceux, syndicalistes, militants, écologistes ou démocrates, communistes, simples citoyens, qui souhaiteraient y participer. Du PS pourrait et devrait sortir alors une force neuve prête à affronter la bataille de 2012.

Là se trouve l’enjeu de l’année qui vient. Il ne pourra être pris véritablement à bras le corps qu’au lendemain des Régionales. Et le résultat de celles-ci déterminera pour partie la façon dont nous pourrons l’aborder. Il y faudra aussi et surtout une volonté. C’est celle-ci que j’appelle, puisque le moment s’y prête, de mes vœux...

Gaëtan Gorce

9 janvier 2010

L'écologie n'est pas une punition !, par Ségolène Royal

Ainsi donc, la taxe carbone était morte. Mais ce n'était en fait qu'un coma puisque nous saurons finalement en juillet à quelle sauce nous serons mangés. Voilà donc la réponse du gouvernement.

Malgré la censure du Conseil constitutionnel, écartée avec légèreté, malgré le rejet populaire massif, ignoré avec mépris, pour une simple raison : remplir les caisses que l'Etat a vidées. En clair, l'UMP utilise la décision du Conseil constitutionnel pour enjamber les élections régionales de mars et ainsi tenter d'esquiver la colère des électeurs, très vive en milieux rural et périurbain.

En juillet, on nous expliquera que l'échec du sommet de Copenhague impose d'accepter ce nouvel impôt douloureux. Quant aux puissants industriels dans la ligne de mire du Conseil constitutionnel, gageons qu'ils seront in fine épargnés. Tout cela n'est pas sérieux et signe une véritable incompétence. Brisant le consensus, j'ai affirmé, dès le mois d'août 2009, que la taxe carbone était une mauvaise réponse à l'urgence écologique. Je n'accepte pas que l'écologie soit dénaturée et utilisée comme prétexte pour affaiblir un peu plus encore le pouvoir d'achat des Français en temps de crise.

Quant à l'efficacité écologique de cette taxe face à l'enjeu du réchauffement climatique, je la conteste. Qu'est-ce qui est en jeu ? Ni plus ni moins que la survie de l'espèce. Nous sommes à la croisée des chemins. Soit nous poursuivons sur la voie d'un mode de vie insoutenable, dont nous savons tous qu'il provoquera à brève échéance un véritable "écocide".

Soit nous changeons radicalement de comportement. Il faut donc agir sur tous les leviers pour réduire les émissions de CO2, organiser la conversion massive de la production au changement énergétique, afin de nous proposer un mode de consommation sobre car nous sommes prêts à modifier nos comportements si on nous donne les moyens de le faire.

Ce n'est malheureusement pas la voie qui a été suivie en France. Avec la taxe carbone, le gouvernement a pris la responsabilité de décourager des millions de familles. Et là où il aurait fallu être à l'écoute du plus grand nombre, il n'y a eu que connivence consistant à exonérer de l'impôt les grandes firmes à l'origine des principales pollutions industrielles. Je le maintiens : la taxe carbone est un impôt injuste pour toutes celles et tous ceux qui n'ont ni le choix ni les moyens de prendre les transports en commun, d'acquérir un véhicule électrique ou de changer de chaudière.

Je n'ai jamais pensé que l'écologie devait se défendre par la punition. Elle doit se défendre par l'impulsion, par l'orientation et l'envie de participer à un projet de civilisation. C'est ce que l'Assemblée des régions à laquelle je participais a mis en avant à Copenhague, sachant que 80 % des actions le sont à un niveau infranational. Dès le départ, le débat a été vicié par les approximations qui ont entouré le projet. On a pensé que le terme de "fiscalité écologique" rendrait l'imposture inattaquable.

Que la "mode verte" obscurcirait notre jugement et notre faculté de discernement. C'était tenir en bien grand mépris et l'écologie et les citoyens. Il faut choisir : soit la taxe est destinée à modifier des comportements et son rendement tend vers zéro, les contribuables ayant réellement la possibilité d'arbitrer entre payer et changer de mode de consommation. Soit la taxe se substitue à un autre prélèvement et c'est alors avouer qu'elle est bien destinée à produire des recettes.

En prétendant que la taxe carbone avait vocation à se substituer à la fiscalité sur le travail, le gouvernement n'a pas pu cacher la nature profondément libérale de ce nouvel impôt, au diapason de sa politique fiscale globale.

Face à ces errements, il est possible d'opposer une conviction : la révolution verte ne se fera pas contre le peuple, mais avec lui et pour lui. La révolution verte, c'est le développement des éco-industries, d'une agriculture biologique, l'extension des énergies propres, la recherche d'une plus grande sobriété, l'investissement dans les éco-industries mais aussi la création de principes budgétaires justes et efficaces appliquant réellement le principe pollueur-payeur.

Ministre de l'environnement, j'ai créé dès 1992 la taxe sur les déchets et l'éco-emballage, deux exemples de taxes écologiques efficaces et créatrices d'emplois. La fiscalité n'est évidemment pas le seul système pour réduire les émissions de gaz carbonique. La puissance publique peut aussi recourir à la réglementation (interdiction de dépasser un seuil de pollution par exemple) ou aux incitations. L'impôt n'est qu'un outil parmi d'autres pour tendre vers l'ex-cellence environnementale et l'écologie ne doit jamais être un prétexte pour réduire le pouvoir d'achat.

En tout état de cause, trois principes intangibles doivent présider à la création d'une fiscalité verte. Elle doit d'abord être efficace. Elle doit pour cela s'appuyer sur le libre choix laissé au contribuable et être postérieure à une offre de qualité en transports en commun et voitures propres. Elle doit ensuite être juste. Non à un impôt sur les déplacements du périurbain et des zones rurales. Non à un impôt sur les plus modestes.

Mais oui à une taxe pour Total, qui réalise des bénéfices exceptionnels (13,9 milliards d'euros en 2009 ) et qui profite des hausses d'émissions de gaz à effet de serre. Oui à une baisse de la TVA sur tous les équipements et produits propres. Oui au bonus-malus, sur le modèle du bonus automobile, dont nous avons tous constaté le succès fulgurant. Elle doit enfin être accompagnée d'actions concrètes, concernant l'isolation des logements et plus largement la réduction de la consommation d'énergie.

La décision du Conseil constitutionnel donne au gouvernement la chance inespérée de prendre enfin la bonne direction. Il est encore temps. Sinon, nous serons dans une véritable impasse. Car c'est bien une autre civilisation qu'il nous faut inventer.

Les peuples y sont prêts. Ils sont en avance. Là est la lueur d'espoir entretenue, envers et contre tout, par Copenhague. A nous, responsables politiques, de nous placer à la hauteur des attentes pour mieux les accompagner sur un chemin à la fois difficile et porteur d'espoir.