1 février 2010

Interview de J.F.Macaire sur la politique de Ségolène en Poitou Charente

La première question concerne le ralliement d'Alexis Blanc.  Que pouvez-vous nous dire sur ce ralliement et comment est-il perçu?

Les militants du Modem depuis longtemps sont très attirés par la politique de Ségolène, et ils nous l'ont dit d'ailleurs, ils le disaient et ne s'en cachaient pas. Il y en a un certain nombre qui se sont mis plus ou moins en accord sur la politique qu'elle a menée. Ils avaient envie de travailler précisément sur ce type de politique. « Tant qu'à faire autant y aller dès le premier tour pour participer à l'élaboration du projet », ça a commencé à faire un petit peu école. Et Alexis Blanc a été celui qui a eu le courage d'aller jusqu'au bout et de dire à François Bayrou : «Voilà comment il faut faire et voilà comment ça va se passer».

Deuxième question : Avez-vous reçu des critiques constructives et sérieuses (c'est à dire des critiques de fonds) de la part de vos opposants politiques sur les actions menées en Poitou-Charentes depuis 2004? Si oui, lesquelles?

C'est un petit peu ce que je disais pour le Modem. Finalement même les gens de l'UMP n'ont pas eu beaucoup de critiques, ils ont été un petit peu « bluffé » par la politique qui a été menée. Je vous le dis sans prétention. Ils n’attendaient pas du tout un tel volontarisme, ils n’attendaient pas non plus que l’on arrive à résoudre aussi vite un certain nombre de difficultés qu’eux-mêmes n’avaient pas forcément résolu avant. Ils ont été étonnés aussi de l’efficacité de nos projets régionaux. Ils ont bien vu que ça marchait. Et donc, ils ont été assez peu opposants. Et ce n’est pas par hasard si Dominique Bussereau a décidé qu’il n’y aurait que deux sortants sur sa liste ! Je crois que les autres sont un peu « punis » parce que finalement, par certains cotés, même dans nos débats ou commissions, ils adhéraient à la politique menée: de redistribution, de non augmentation des impôts, d’aide aux PME innovantes en direct.
 
Troisième question : Les dégâts de l'agriculture conventionnelle sont considérables, le monde agricole doit faire "sa révolution", existe t- il en Poitou-Charentes des mesures pour accompagner les agriculteurs de demain vers une agriculture durable???

Absolument, je dirais même que c’est l’essentiel de la politique agricole de la région qui est une politique complémentaire. On n’a pas de compétence particulière, mais on a fait quand même une politique en direction, d’une part, de l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs et d’autre part, de l’amélioration des axes prioritaires par rapport au développement durable. Donc la politique de l’eau a été très importante ainsi que la politique de l’aide à la conversion en bio. A la fin de ce mandat, nous sommes arrivés à un point où nous pouvons soutenir les conversions en bio grâce à un réseau de filières agroalimentaires, et où nous pouvons garantir les débouchés aux agriculteurs. La conversion est un geste qui n’est pas facile. Petit à petit les agriculteurs commencent à de se dire « et bien l’avenir est quand même là ». Pour le faire il faut qu’ils se sécurisent un peu dans leurs débouchés. C’est ce que nous sommes en train de faire : à  la Rochelle, nous avons la chance d’avoir, un chef d’entreprise qui s’est engagé avec nous, et aussi, une coopérative agricole pour la constitution d’une filière de biscuit bio Poitou-Charentes.
 
Cela doit énerver beaucoup Dominique Bussereau, ancien ministre de l’agriculture ?
Il y a beaucoup de résistances, et notamment la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles), qui résiste par rapport à cette idée d’évolution du monde agricole. Mais progressivement, ils perdent un petit peu de crédit, leur résistance s’arc-boute à un système qui marche de moins en moins bien. On l’a vu avec la crise du lait. Beaucoup d’agriculteurs se demandent si la FNSEA n’est pas en train de les emmener dans le mur, et si il ne faudrait pas aussi regarder de l’autre côté? Et donc, beaucoup regardent de l’autre côté, du côté notamment de Ségolène qui depuis longtemps travaille avec les agriculteurs.
 
Le titre de votre livre parle d'une révolution silencieuse. Laquelle des actions menées en Poitou-Charentes vous parait la plus révolutionnaire?
 
C’est d’avoir imaginé un nouveau modèle économique et de se dire surtout que lorsqu’on est face à une évolution économique négative, comme celle que l’on connaît aujourd’hui, à une désindustrialisation de notre pays eh bien nous, dans les collectivités locales, on peut changer les choses, on peut peser sur le cours des choses. Je crois que ça c’est nouveau parce qu’à gauche on a beaucoup baissé les bras : la Gauche a tenu des discours très critiques mais sans proposer de solutions. Et là, Ségolène propose une solution. Elle dit : la collectivité va s’engager auprès des entreprises innovantes, elle va s’engager pour créer de nouveaux marchés. Exemple : nous avons  développé les chaudières bois créé une filière qui fournit des chaudières et du bois brulé (des granulés). Aussi, il y a le véhicule électrique, un produit nouveau ! Nous sommes allés sur ce sujet là car nous avions des compétences mais aussi parce que nous savions que l’on pouvait développer ce marché par des aides à l’acquisition, par une promotion mondiale qui est assurée par Ségolène, qui va partout pour parler du véhicule électrique. Du coup, on aide l’entreprise, non seulement en lui donnant des moyens financiers  supplémentaires mais aussi en lui donnant un marché à conquérir. Et cela, c’est nouveau. Cela suppose des outils nouveaux. L’intervention directe au capital d’Heuliez, c’est la première fois que cela se passe en France. Egalement, la région possède des brevets d’invention pour développer des filières industrielles dans le cadre des éco-carburants par exemple ou des éco-matériaux. C’est également la première fois qu’une région s’approprie en tant que collectivité locale des brevets pour industrialiser elle-même, évidemment avec des partenaires industriels, (les élus ne prennent pas la place des chefs d’entreprises) ; nous en trouvons des partenaires, ils sont très heureux que l’on soit là pour leur proposer ce type de travail parce que sinon, ils sont dépendants, non pas des gens qu’ils connaissent dans la région, mais du grand système financier dont on a vu comment il peut se comporter pendant la crise financière.
 
Au niveau de la santé publique dans la région, à part le « Pass contraception »,  quelles sont les idées de Ségolène ?
 
Sur la santé notre problème de début de mandat a été de lutter contre la disparition d’un certain nombre d’hôpitaux, de services hospitaliers, de maternités..etc... On voit bien en ce moment que le service public de la santé est en train de se déliter et en particulier dans le monde rural. En Poitou-Charentes, le monde rural, c’est important pour nous.  Donc, Ségolène a regardé en région ce que l’on pouvait faire pour apporter des solutions aux gens qui aujourd’hui en manquent. Et nous nous sommes notamment  orientés sur la politique d’incitation pour les jeunes médecins, des étudiants en médecine général,  pour qu’ils aillent s’installer en zone rurale. 
On a mis en place un dispositif qui aide les médecins- stagiaires à découvrir le monde rural.
Plus de médecins de proximité. Et pour aider ces médecins qui n’ont pas forcement la même pratique, on a crée en région 6 ou 7 maisons médicalisées qui regroupent sur un même site, des médecins généralistes, des spécialistes, des infirmières, des kinés  avec un système collectif de fonctionnement qui fait que cela  soulage et facilite aussi énormément les choses pour les habitants. Ils savent que près de chez eux à 5 min, ils ont au moins une réponse immédiate de santé, ce qui fait défaut quand les hôpitaux disparaissent.
 
On va terminer par la question qui fâche. « Heuliez est sauvée », a dit Ségolène. Qu’est ce qu’il en est actuellement, est que Bernard Krief Consultant a bien donné les fonds ?
 
Bernard Krief Consultant a été retenu par le tribunal de commerce de Niort. Ce n’est pas la région qu’il l’a choisi. Mais je crois que Ségolène Royal a eu, vis-à-vis de ce repreneur,  une attitude forte car elle a obligée BKC à tenir ses promesses. Il les a tenues en apportant une créance, c'est-à-dire en mettant dans le bilan d’Heuliez, une créance qui devait être mise  sur une autre entreprise. Cela peut paraître un peu particulier mais ce qui est important, c’est que cela marche. Le marché est en train de se développer, les voitures sont en train d’être produites, on a commencé à les assembler sur les chaines, il y a d’autres commandes pour Heuliez, donc nous allons, je pense, tenir le pari, qui est de garder 660 personnes qui retournent vers la production, c’est cela qui compte. Après pour  la forme, c’est lié à un problème monté en épingle par nos adversaires qui se sont permis de souligner qu’ils tiennent le fond stratégique d’investissement (FSI). Et le fond stratégique n’a pas encore versé l’argent promis. Ils se servent de tout cela pour essayer de déstabiliser  Ségolène : JP Raffarin l’a fait de façon scandaleuse en disant que cela ne marche pas ! Quand on imagine tout le travail qui a été fait par cette entreprise pour se redresser, tout le travail qui a été fait sur le plan commercial en France, dans toute l’Europe et dans le monde ! Qu’un ancien premier ministre de la France aille dire dans la presse que ça ne marche pas, c’est à peu près comme si Sarkozy avait déclaré qu’Airbus ne servait à rien ! Il a osé faire cela dans sa région, c’est terrible. Après, il a été penaud mais il l’a dit mais le mal est fait.
 Et  Bussereau a renchéri !!
 Alors, ils renchérissent. Moi, je crois et cela me parait assez clair, que si on était dans un contexte politique homogène, si les entreprises se redressaient et que le gouvernement n’avait aucun enjeu par rapport à cela, il n’y aurait pas de problème.
Là, ils se servent d’Heuliez contre Ségolène Royal.
Interview réalisée par Annie Novelli et Célibne Loot  L'équipe de Désirs d'avenir Paris

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