9 décembre 2009

Réforme territoriales: les élues PS déterminées à défendre la parité

PARIS, 9 déc 2009 - AFP - La sénatrice PS Michèle André, sa collègue députée Danielle Bousquet et la secrétaire du PS aux droits des femmes Gaëlle Lenfant ont annoncé mardi leur "détermination à mener bataille" contre le futur mode de scrutin des conseillers territoriaux "inacceptable" pour la parité. "Il s'agit d'un recul inacceptable pour l'ensemble des femmes", se sont indignées les trois femmes lors d'une conférence de presse au Sénat où elles ont réclamé un scrutin à 100% de proportionnelle.
La réforme des collectivités prévoit la création de conseillers territoriaux qui remplaceront les conseillers généraux et régionaux. 80% de ces conseillers seraient élus au scrutin majoritaire uninominal à un tour et 20% à la proportionnelle. "Nous ne voulons pas revenir en arrière, toutes les projections faites montrent qu'avec ce scrutin il y aura moins de 20% des femmes dans les assemblées", a affirmé Michèle André, présidente de la Délégation aux droits des femmes du Sénat. Avec ce mode de scrutin, "on retombera sur le péché mignon des partis politiques, mettre des hommes comme candidats", a pour sa part estimé Danielle Bousquet, vice-présidente de la délégation jumelle à l'Assemblée nationale. "Le scrutin proportionnel (de liste) a été mis en place pour les élections municipales, régionales et européennes ce qui a permis d'avoir aujourd'hui dans les assemblée régionales 47,7 % de femmes", a-t-elle fait valoir. "C'est un recul terrible, on nous promet une société en complète régression", a quant à elle estimé Gaëlle Lenfant. Selon les trois responsables PS, le gouvernement a pris conscience du problème assurant "qu'il allait retravailler le sujet". Les délégations parlementaires ont été reçues à deux reprises par Alain Marleix (Collectivités) et le rencontreront à nouveau le 22 décembre. Brice Hortefeux (Intérieur) lors d'un débat au Sénat sur la réforme a assuré il y a une semaine que le gouvernement était "ouvert à toute proposition" permettant "de sécuriser" la parité. Le secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand s'est prononcé mercredi pour des "sanctions financières conséquentes" contre les partis qui ne respecteraient pas cette parité.

Réforme des collectivités territoriales ou le recul de la parité, par Yvette Roudy, Vincent Feltesse...

Dans les jours prochains, le projet de réforme des collectivités territoriales présenté par le ministre de l'intérieur viendra en examen au Sénat puis à l'Assemblée nationale.
De nombreux aspects de ce projet suscitent une vive opposition de la classe politique dont la presse s'est fait l'écho. Il en est un cependant dont nous craignons qu'il ne passe aux "pertes et profits", c'est le recul de la parité dans l'élection des futurs conseillers territoriaux. Et ce malgré la levée de boucliers des associations dédiées aux droits des femmes et à la parité, malgré les nombreuses pétitions contre ce projet !
Toutes s'accordent à dire que si la loi relative à l'élection des conseillers territoriaux venait à être votée en l'état, un nombre considérable de femmes seraient éliminées des responsabilités politiques, au mépris de notre Constitution qui préconise "l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives".
Rappelons les données. Si le scrutin de liste à la proportionnelle, soumis à la loi dite sur la parité, favorise l'accès des femmes aux fonctions électives, le scrutin uninominal lui est défavorable. Ainsi, les élections régionales de 2004 ont permis, grâce au premier mode de scrutin, l'élection de 47,6 % de femmes, alors que, lors des cantonales régies par un mode de scrutin uninominal non contraignant, la présence des femmes stagne autour de 12 %.
Or le texte en discussion prévoit l'élection de 80 % de conseillers territoriaux au scrutin uninominal majoritaire à un tour dans le cadre de cantons, et de 20 % sur des listes départementales à la proportionnelle. Une simple projection permet d'estimer, pour les élections de 2014, une perte de 58 % de sièges pour les femmes, alors que les hommes, déjà trois fois plus nombreux, n'en perdraient que 46 %. Et que dire du dispositif électoral, les élu-e-s de liste ne figurant qu'en lot de consolation, là où leur "champion" cantonal aura été battu !
Il s'agit bien là, dix ans après la réforme constitutionnelle de 1999, d'un recul historique de la place des femmes en politique dans notre pays. Ce recul, inévitablement, en entraînera un autre aux législatives et aux sénatoriales. On sait en effet l'importance que prennent les mandats régional et cantonal dans le cursus honorum des femmes, toujours soumises à l'obligation de prouver leur aptitude à la candidature. Si le vivier des conseillères territoriales est asséché, il n'y aura plus de candidates potentiellement "acceptables" aux législatives, scrutin où la parité n'est pas contraignante et où l'absence des femmes ne conduit qu'à des pénalités financières pour les partis, lesquels s'en acquittent sans état d'âme.
L'auteur du projet de loi n'ignore rien de ce "détail" : "Il n'était pas possible d'effacer les acquis du scrutin proportionnel qui favorise la parité…", écrit-il en effet. Etrange formule négative ! Regrets ? Remords ? Appel au consensus de tous les partis vers l'objectif de virilité politique ?
Le défenseur du projet ne manque pas de mettre en avant deux dispositions positives attendues de longue date : l'ouverture des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) au scrutin de liste, et l'abaissement du seuil du scrutin de liste aux municipalités de moins de 3 500 habitants. Les femmes élues, rappelons-le, sont déjà nombreuses dans les petites communes ; c'est même là que l'on trouve le plus de femmes maires, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le sexe. Le recours à la parité n'est-il pas simplement un moyen de pallier le faible empressement des hommes vers des mandats dont les rémunérations sont extrêmement médiocres et les tracas quotidiens multiples ?
Ce remodelage électoral renforce dès lors la composition du paysage politique entre institutions dominantes et institutions dominées, dans lequel la répartition sexuée des rôles n'est qu'une déclinaison politique du vieil ordre machiste : les femmes dans la sphère privée de la "maison" communale, les hommes au pilotage des territoires et à l'écriture des lois, lieux du vrai pouvoir.
Les lois dites sur la parité ont été portées par des décennies de mobilisations et de combats nourris de réflexions sur le sens de la démocratie, de la représentation politique, sur les valeurs républicaines, sur le choix de société que signifie la présence des femmes en politique. Est-ce pour aboutir à ce rapt d'un juste droit acquis de haute lutte ?
Comme elles auraient raison de nous en vouloir, les femmes à venir, les filles de l'autre bout du XXIe siècle, et avec elles leurs compagnons, si nous ne bougions pas aujourd'hui ! Au nom de ces générations, nous demandons instamment à tous nos parlementaires de s'opposer à ce texte anticonstitutionnel et d'imposer avec détermination pour l'élection de tous les futurs conseillers territoriaux le scrutin de liste paritaire à la proportionnelle.
Pétition : Parité en danger