10 septembre 2010

Retraites : une réforme qui lèse les femmes







C'est l'un des nombreux arguments de ses détracteurs : le projet de réforme des retraites du gouvernement laisse de côté le sort des femmes. Au point que deux associations de gauche, Attac et la Fondation Copernic, ont saisi mardi 7 septembre la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) sur ce point.

Leur argumentaire s'appuie sur un fait majeur : les femmes sont, en moyenne, plus représentées parmi les précaires, et ont plus souvent des carrières discontinues. "La situation des femmes dans l'emploi est déjà défavorable : leurs salaires sont 20 % inférieurs en moyenne, elles ont un parcours professionnel plus haché, elles sont nettement plus nombreuses en temps partiel que les hommes, explique au Monde.fr Jean-Marie Harribey, coprésident d'Attac. Or la réforme recule l'âge de départ sans décote, ce qui rend leur situation encore plus défavorable."
"AUCUN DISPOSITIF PRÉVU"

Les chiffres sont éloquents : en 2007, le montant des retraites des femmes représentait 56 % de celles des hommes. Un quart de leurs pensions provenaient en outre de droits dérivés (pension de reversion). Quatre femmes retraitées sur dix touchaient moins de 600 euros par mois (contre un homme retraité sur dix). D'autres effets structurels désavantagent les femmes : elles occupent ainsi 82 % des temps partiels, par exemple, et ne sont que 44 % à effectuer une carrière complète.
Les Français ne s'y trompent pas : selon un sondage réalisé sur Internet par le Laboratoire de l'égalité cet été, 91 % d'entre eux estiment que "le projet ne prend pas en compte les femmes", 83 % qu'il est "plus favorable aux hommes qu'aux femmes". Pourtant, cette préoccupation n'a pas touché le gouvernement.
Le projet de réforme ne prévoit que peu d'améliorations pour elles : il envisage uniquement d'assimiler à des salaires les indemnités journalières de maternité, et promet  "des mesures destinées à garantir que les entreprises s’investissent dans la réduction des écarts salariaux entre hommes et femmes", sans précision supplémentaire.
"Il n'y a aucun dispositif prévu", estime Jean-Marie Harribey. Résultat, selon lui, d'une réforme aux visées exclusivement financières. "S'occuper de la question revenait à aborder frontalement la question de l'emploi et des conditions de travail durant la vie active, à remettre en question l'organisation du travail depuis trois décennies. Or il n'est pas question de faire des choses en faveur des salariés", résume-t-il.
Nicolas Sarkozy, qui a annoncé quelques pistes en guise de concessions au lendemain de la contestation, mercredi 8 septembre, n'a d'ailleurs rien proposé sur les femmes.
"LES FEMMES REPRÉSENTENT 52 % DE L'ÉLECTORAT"
La gauche n'est pas seule à poser la question du sort des femmes dans la réforme. La députée UMP Chantal Brunel s'est faite, depuis des mois, la championne de cette cause. En juillet, elle avait déposé un amendement visant à maintenir à 65 ans l'âge de départ à taux plein pour les femmes ayant plus de deux enfants. Celles-ci ont des retraites inférieures d'un quart en moyenne à celles des femmes qui ont eu un seul enfant ou pas d'enfant du tout.
Adopté en commission des finances, il avait été rejeté en commission des affaires sociales, Eric Woerth estimant qu'il risquait de "créer une inégalité flagrante et de nombreux problèmes juridiques". Il était aussi politiquement inopportun de faire une exception à la règle d'airain des deux ans supplémentaires travaillés, sans compter que la mesure représenterait un surcoût important.
Une erreur, pour Chantal Brunel, qui compte bien déposer de nouveau son amendement, ainsi que deux autres : l'un vise à majorer de 5 % les cotisations des entreprises qui emploient plus d'un quart de temps partiels, l'autre à pénaliser plus lourdement les entreprises qui ne prennent pas d'accord sur l'égalité salariale hommes-femmes.
"Elle est déterminée à se battre", explique-t-on dans son entourage. "Il ne faut pas oublier que les femmes représentent 52 % de l'électorat. Si elle n'a "pas encore pris de décision", Chantal Brunel n'exclut pas totalement de soutenir des amendements de gauche sur le sujet.
Samuel Laurent

Par 337 voix contre 245, le Parlement européen demande à la France de « suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms », condamnant une « rhétorique provocatrice et discriminatoire »

Le Parlement européen a voté aujourd’hui une résolution demandant à la France de « suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms ». Après le Conseil de l’Europe et ses diverses émanations, l’ONU à travers le CERD, la presse américaine, européenne et internationale, le pape Benoît XVI et des membres éminents du clergé français, c’est au tour du Parlement européen, la seule partie du pouvoir législatif de l’Union Européenne élue au suffrage universel, de condamner la politique de Nicolas Sarkozy et du gouvernement Fillon envers les Roms.
Eric Besson, en visite officielle à Bucarest, a déclaré qu'il n'était « pas question » que la France suspende les reconduites à la Frontières de Roms.
La résolution, présentée par les sociaux-démocrates, par les libéraux-démocrates, et par les Verts, respectivement 2ème, 3ème, et 4ème force politique du Parlement européen, a obtenu 337 voix (58%) contre 245, et 51 abstentions.
pict_20070423PHT05707.jpg
Le Parlement européen de Strasbourg, actuellement en séance plénière (6-9 septembre 2010)
La résolution, qui s’adressait à tous les Etats membres, mais où seule la France était citée nommément, demandait à ces Etats de « suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms ».
Dans la résolution, le Parlement « s'inquiète vivement en particulier de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire qui a marqué le discours politique au cours des opérations de renvoi des Roms dans leur pays, ce qui donne de la crédibilité à des propos racistes et aux agissements de groupes d'extrême droite ».
Le Parlement se déclare également « vivement préoccupé par les mesures prises par les autorités françaises ainsi que par les autorités d'autres Etats membres à l'encontre des Roms et des gens du voyage prévoyant leur expulsion ».
La résolution critique par ailleurs la récente réunion sur l’immigration et la libre circulation organisée par le gouvernement français à Paris, ces sujets relevant « de la compétence de l’Union Européenne ». Elle souligne aussi que « cette attitude est allée de pair avec une vague de stigmatisation des Roms et de dénigrement général des Tsiganes dans le discours politique. Le droit de tous les citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement dans toute l'Union constitue un pilier de la citoyenneté de l'Union telle qu'elle est définie par les traités ».
Le Parti populaire européen (PPE), 1ère force politique du Parlement européen, allié avec les eurosceptiques de l’ECR (Réformistes et conservateurs européens, rassemblant principalement les conservateurs britanniques et les élus polonais du PiS de Jaroslaw Kaczynski), ont tenté de faire diversion en déposant une résolution ne condamnant pas la politique française à l’égard des Roms, mis la résolution a été rejetée par le Parlement.
Ces derniers jours, la France avait fait l’objet de nombreuses attaques au Parlement européen, tandis que les groupes préparaient leurs résolutions pour le vote d’aujourd’hui jeudi.
jaroka1.jpg
Livia Jaroka, Hongroise, seule eurodéputée rom, membre du PPE (1er groupe du Parlement, droite)
La seule élue rom au parlement européen, Livia Jaroka, hongroise et membre du PPE (droite), déclarait mardi dernier : « Personne ne doit être expulsé au seul motif d’être Rom », tout en souhaitant éviter, à droite comme à gauche, « toute tentative d’instrumentalisation de la question rom ».
M Schulz Toulouse-2
Martin Schulz à la tribune du PSE à Toulouse lors de la campagne pour les élections pour le Parlement européen de 2009
La matin même, Martin Schultzprésident allemand du groupe social démocrate, et futur président du Parlement à mi-mandat suite à un accord droite/gauche à l’issue du dernier scrutin de 2009, avait martelé : « Ce qui se passe en France est inacceptable. ». Il avait ensuite dénoncé une « chasse aux sorcières ».
pxy_34254695_30315793.jpg
Guy Verhofstadt, Belge, président des libéraux-démocrates au Parlement européen
Le président du groupe des libéraux-démocrates, le Belge Guy Verhofstadt, avait dénoncé la « tentation populiste, parfois raciste » qui se manifeste en France.
Plusieurs eurodéputés français sont également intervenus mardi. « Le gouvernement fait un usage extensif de la notion de trouble à l'ordre public » pour justifier les expulsions, estime l’écologiste Hélène Flautre. Le Front National s’est fait ironique ; Bruno Gollnisch a déclaré : « Sarkozy et Hortefeux auraient dû savoir que les traités allaient ouvrir les frontières. L'angélisme est une autre forme de racisme. ».
Rares ont été les voix qui se sont élevées pour défendre la position du gouvernement français. Bien sûr, Jean-Pierre Audy, chef de file des eurodéputés UMP, a dénoncé l’ « hypocrisie » des positions des autres pays, comme Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, dans un entretien accordé au journal Le Monde dans son édition datée du 10 septembre 2010 ; M. Lellouche étant en visite officielle à Bucarest avec Eric Besson aujourd’hui et demain. La seule autre voix qui a défendu la position de Nicolas Sarkozy et du gouvernement français est celle de Manfred Weber, eurodéputé allemand de la très conservatrice CSU, qui dirige la riche Bavière.
barroso.jpg
José Manuel Durao Barroso, président de la Commission européenne, s'est montré discret
Mais derrière les critiques de la France, c’est la relative passivité de la Commission Européenne qui est visée. Est-elle due une équipe Barroso marquée plus à droite que le Parlement ? Ou à la légitimité qu’ils tiennent uniquement des gouvernements qui les ont nommés ?
L’Autrichien Hannes Swoboda, vice-président du groupe social-démocrate, est « profondément déçu, car Barroso a émis très peu de critiques »« Nos concitoyens veulent savoir si le gouvernement français a violé ou non la législation communautaire. »
Sur ce point, Viviane Reding, la Commissaire à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté, reste très prudente, malgré ses positions passées vigoureusement en faveur des Roms. Elle a demandé « davantage d’informations » au gouvernement français sur « un certain nombre de points », après avoir pris note des « garanties » données par le gouvernement français au regard du droit européen –  « La France a bien expliqué qu'il n'y avait pas d'action ciblée contre les Roms. », et avoir regretté la non-intégration dans le droit français de la jurisprudence européenne découlant d’une directive de 2004 : délais d’un mois pour les personnes visées par une expulsion, procédure écrite, principe de « proportionnalité » entre la décision et la situation de la personne, et possibilité de faire appel de la décision d’expulsion.
vivianereding2.jpg
Viviane Reding, Commissaire européenne luxembourgeoise à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté
Viviane Reding communiquera son analyse à ses collègues de la Commission européenne « la semaine prochaine ». Elle a suggéré qu’elle n’hésiterait pas à engager des poursuites contre la France ou tout autre Etat membre en cas de traitement discriminatoire des Roms.
Viviane Reding a appelé de ses vœux une réunion ministérielle de « haut niveau » sur le thème de la « non utilisation ou la mauvaise utilisation » des fonds européens destinés à l’intégration des 10 à 12 millions de Roms européens. La Suède avait émis de façon appuyée, à travers deux de ses ministres, le même souhait il y a quelques semaines, appelant même à un plan d’envergure pour résoudre la question des Roms au niveau européen.
Viviane Reding a constaté : « Les fonds sont disponibles. Ils ne sont pas utilisés pour régler le problème parce qu'il se pourrait qu'il ne soit pas très populaire au sein des Etats membres d'utiliser les fonds européens pour aider la population rom. »
De fait, la solution semble en effet passer par un vaste plan européen concerté utilisant les fonds européens jusqu’à présent non utilisés. Mais les gouvernements européens veulent-ils favoriser l’insertion des Roms dans l’Union, donc aussi chez eux ? À écouter Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi, rien n’est moins sûr. Reste qu’après la résolution adoptée par le Parlement européen, un rapport de la Commissaire Viviane Reding condamnant la France et la traînant devant la justice européenne aurait certainement quelques effets, cette fois. Prochain épisode la semaine prochaine…
Frédérick Moulin
Sources : Le Monde daté du 9 septembre 2010

A vous de juger (le monde)

  Que retenir de l'émission "A vous de juger" consacrée jeudi soir 9 septembre sur France 2 à la réforme des retraites ? La prestation souriante, sereine et décontractée de François Fillon ?
 
Ou bien celle, plus vigoureuse et passionnée, mais toute aussi convaincante, de Ségolène Royal ?
!
Ce fut à l'évidence une soirée riche d'enseignements politiques. S'agissant du premier ministre, disons, au risque de nous tromper, qu'il semblait d'autant plus à l'aise qu'il donnait l'impression d'être sur le départ. Répondant aux questions, plutôt bienveillantes, d'Arlette Chabot et de Jean Boissonnat, il s'est livré à un exercice de pédagogie d'autant plus réussi que personne ne lui portait vraiment la contradiction. Calme, compétent, il entendait démontrer que le projet de réforme du gouvernement, étant donné la brusque aggravation de la situation économique du fait de la crise, est le seul susceptible de sauver le système par répartition. Attentif à ne pas sous-estimer l'ampleur de la mobilisation de mardi 7, il déclara : "Ce n'est pas une réforme facile. Je comprends parfaitement l'inquiétude des Français." Avant d'ajouter : "Il faut dire la vérité : si l'on ne travaille pas plus longtemps, on ne cotisera pas plus, et c'est tout le système qui sera en péril."
 
Bien entouré - de nombreuses personnalités de la majorité assistaient à l'émission, parmi lesquelles Christine Lagarde, Roselyne Bachelot, Nadine Morano, Xavier Bertrand, Gérard Larcher, Luc Chatel -, nulle tension ne semblait l'habiter. "Je vous trouve extrêmement détendu et serein, plus qu'avant", lui confia Arlette Chabot. Manière de sous-entendre qu'il y avait là peut-être anguille sous roche...


Si le premier ministre est peut-être sur le départ, Ségolène Royal, elle, est assurément de retour. Peut-être même est-ce la première fois qu'elle réussit à ce point une prestation télévisée.
 
Evoquant le souvenir de son dernier conseil des ministres présidé par François Mitterrand, elle déclara :
 
"Je le dis solennellement : oui, si nous accédons au pouvoir en 2012, nous rétablirons la liberté de partir à la retraite à l'âge de 60 ans."
 
Les choses étaient dites, avec clarté, sans ambiguïté, et, plus surprenant, reconnaissons-le, de manière argumentée.
 
En l'écoutant, on comprenait - enfin ! - qu'il y a bel et bien deux projets de réforme des retraites, et, plus profondément, deux visions différentes de la société qui s'opposent.
 
"Le système que le gouvernement veut mettre en place est le plus sévère d'Europe", expliqua Ségolène Royal, chiffres à l'appui, avant de conclure par un vibrant : "Nous nous battrons le dos au mur."
 
Ceux qui pensaient que les primaires du PS allaient se résumer à un choix entre Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry ont peut-être parlé trop vite.
 
La Royale est toujours là. Il faudra dorénavant compter avec elle.
Franck Nouchi (Chronique)

5 septembre 2010

Les Roms, le poète et l'ordre

Par claude lelièvre - Envoi d'un ami philosophe.
  Une lettre de Flaubert à George Sand. 
« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s'étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j'en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L'admirable, c'est qu'ils  excitaient la haine des bourgeois, bien qu'inoffensifs comme des moutons. Je me  suis fait très mal voir de la foule, en leur donnant quelques sols. Et j'ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d'ordre.
C'est la haine qu'on porte au Bédouin, à l'Hérétique, au Philosophe, au Solitaire, au Poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m'exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »
G. Flaubert, lettre à G. Sand, 12 juin 1867 (Correspondance, éd. de la Pléiade tome 5, pp. 653-654)

Ecole : silence, on privatise...

Ecole : silence, on privatise... Le Monde. | 03.09.10 | Caroline Fourest
 
Suppression de 16 000 postes d'enseignants, classes plus chargées, classes maternelles amputées, suppression progressive des réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (Rased), accélération des logiques de ghettos avec la fin de la carte scolaire, suppression des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), loi Carle sur le financement de l'enseignement privé par les municipalités... La liste est longue et bien connue.
 
Mais sa cohérence a-t-elle été suffisamment analysée ? A qui profite le crime ? Il ne s'agit pas seulement de faire des économies, mais d'un programme idéologique : faciliter l'évasion scolaire en direction du privé.
 
Il existe aujourd'hui 8 200 établissements catholiques sous contrat (soit 1 961 037 élèves), auxquels il faut ajouter 256 établissements juifs (38 000), huit protestants (2 760), 82 établissements bretons catholiques (4 241), 44 écoles bretonnes Diwan (3 076), 26 écoles basques (2 508), 50 occitanes (1 627) et huit catalanes (6 000). La France est divisée, moins citoyenne, mais ce n'est rien au regard de ce qu'on lui prépare.
 
L'Etat n'a plus d'argent pour l'école publique, mais en trouve pour financer l'ouverture de classes catholiques en banlieue. Xavier Darcos, ancien ministre de l'éducation nationale, a même promis 10 millions d'euros à l'école privée pour l'aider à payer ses formations (qu'il a supprimées dans le public !). Une facture que Luc Chatel hésite tout de même à régler. Peu importe. Le mécénat continuera par d'autres moyens : les niches fiscales.
 
Deux fondations consacrées à financer les écoles privées, surtout les plus religieuses, se sont vu reconnaître le statut d'"utilité publique" : la Fondation Saint-Matthieu et la Fondation pour l'école. Cette dernière est issue de "Créer son école", qui s'inspire d'un autre réseau : les Créateurs d'écoles.
 
Le livre d'Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi, Main basse sur l'école publique (Démopolis), nous éclaire sur la généalogie de ce mouvement : un mélange de hauts fonctionnaires, voire de futurs ministres (comme Xavier Darcos) et de têtes pensantes issues du Club de l'Horloge (Nouvelle Droite) ou de l'intégrisme catholique ("opusiens" et traditionalistes), bien décidés à animer ensemble un lobby en faveur du "pluralisme scolaire".
 
Le site "Créer son école" vous apprend à créer une "école indépendante". Et la Fondation pour l'école se charge du reste, c'est-à-dire des financements... Elle a obtenu le statut d'utilité publique en un temps record. Un an à peine après sa création, François Fillon signait le décret ! Désormais, 60 % à 75 % des dons qu'elle reçoit sont déductibles des impôts et donc investis dans les écoles hors contrats de son choix. Une liste de partenaires qu'Anne Coffinier, sa fondatrice, ne tient pas à rendre publique, mais qui compte de nombreux établissements catholiques intégristes. Comme l'école de la Sainte-Famille à Dijon, tenue par la Fraternité Saint-Pie-X.
 
L'inspection d'académie y a relevé des pratiques d'endoctrinement et d'humiliation (bonnet d'âne et Scotch sur la bouche) d'un autre âge. Sans que leurs rapports ne soient vraiment suivis d'effets. Ce qui n'est pas sans rappeler le climat d'impunité qui régnait à l'école bordelaise Saint-Projet, jusqu'à ce que les caméras des "Infiltrés", magazine de France 2, dévoilent le goût de ses élèves pour le racisme, et celui de ses profs pour Pétain. La fondatrice de la Fondation pour l'école ne cache pas qu'elle pourrait financer cette école si elle le demandait...
 
Il existe bien d'autres écoles, particulières ou communautaires, qui attendent de fleurir grâce aux niches fiscales saignant les déficits publics en plus des 7 milliards que l'Etat verse directement aux écoles privées au titre de la loi Debré. En l'occurrence, dix établissements musulmans, un établissement sikh, et 30 établissements protestants évangélistes auxquels s'ajoutent les 600 établissements (25 000 élèves) du mouvement "Créer son école"...
 
C'est dire si les niches fiscales ne font pas que creuser la dette. Elles creusent aussi la tombe de l'esprit républicain.