8 mai 2010

Pass contraception : Ségolène Royal revient à la charge

Ségolène Royal le 28 juin 2008 à la Maison de la chimie (Audrey 
Cerdan/Rue89).
En novembre, Luc Chatel, ministre de l'Education nationale, avait interdit la distribution du Pass contraception dans les lycées du Poitou-Charentes. Confortée par le préoccupant rapport de l'Igas sur la prévention des grossesses non désirées, Ségolène Royal distribue le Pass aux médecins généralistes.
La présidente de la région Poitou-Charentes a adressé le 24 avril à Nicolas Sarkozy les mille premières signatures d'une pétition exigeant l'autorisation de la distribution du Pass contraception par les infirmières scolaires.
En novembre 2009, le lancement de ce « chéquier », qui donne droit à une première consultation gratuite chez le médecin et à six mois de contraception orale, avait fait des remous. Arguant que « l'Education nationale n'a pas à se substituer au Planning familial », le ministre de l'Education Luc Chatel avait interdit le dispositif.

Le rapport de l'Igas change la donne

Un rapport alarmant de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) sur la prévention, la contraception et l'IVG, rendu public en février, pourrait avoir rendu le terrain plus favorable à la proposition de Ségolène Royal.
L'Igas rapporte des chiffres préoccupants :
« On constate depuis 2002 une progression significative du nombre des IVG chez les mineures dont le taux de recours à l'IVG est passé de 8,9 à 11,5 pour mille [en 2006, ndlr]. »
Le rapport évoque les difficultés d'accès des jeunes à la contraception :
« Ces centres [du Planning familial, ndlr] sont loin d'être accessibles partout et à tout moment : la densité des implantations varie fortement selon les départements et laisse à découvert nombre de territoires ruraux.
[…] Pour les jeunes […], le prix de la consultation médicale constitue un réel problème.
De plus, pour ceux qui n'ont pas de couverture sociale autonome, le remboursement de la consultation entre en conflit avec la confidentialité souhaitée vis-à-vis des parents. »
Pour Marie-Pierre Martinet, secrétaire générale du Planning familial, la publication du rapport a toutes les chances de servir la cause de Ségolène Royal.
« Le rapport de l'Igas a tiré la sonnette d'alarme en pointant les nombreuses insuffisances en terme de prévention et de contraception.
C'est une institution sérieuse. Les politiques seront désormais plus sensibles à ce type de proposition. »
Outre le soutien du Planning familial, et celui d'une des deux principales fédérations de parents d'élèves, Ségolène Royal peut désormais compter sur l'appui de Simone Veil, symbole majeur de la lutte pour les droits des femmes. L'ex-ministre de la Santé, à l'origine de la loi autorisant l'IVG en 1974, a déclaré début mars :
« Les Pass contraception de Ségolène Royal me semblent constituer une initiative intéressante. […] Les adolescentes sont souvent démunies, ce qui est fait à l'école n'est pas suffisant. »

Contourner l'interdiction en distribuant les Pass aux médecins

Décidée à utiliser le dispositif coûte que coûte, Ségolène Royal a décidé de confier son application aux médecins. Chacun des 1 700 généralistes de la région recevra prochainement cinq exemplaires du Pass contraception.
Le 8 mars dernier, lors de la journée de la femme, Ségolène Royal déclarait :
« Nous avons décidé de récupérer les chèques contraception qui sont dans les lycées et de les mettre à disposition des médecins-généralistes en milieu rural et urbain. Nous avons leur accord. »
Philippe Boutin, président de l'Union régionale des médecins libéraux de Poitou-Charentes confirme :
« On ne peut pas être contre le principe ! Mais venir consulter reste un obstacle pour une partie de la population. Le dispositif doit être mis en place dans d'autres structures : au lycée, par exemple ! »
Le Pass contraception pourrait également faire école. Inscrit sur le programme commun du PS lors des élections régionales, il commence à être « copié » plus ou moins fidèlement dans d'autres régions.
En Haute-Normandie, un projet similaire -le Pass prévention-contraception- a été lancé par Charlotte Goujon, une jeune colistière du président Alain Le Vern, lors de la campagne des régionales. Elle ne fait pas partie des élus, mais Charlotte Goujon l'affirme :
« Le Pass verra tout de même le jour à la rentrée prochaine, en espérant que le gouvernement évoluera sur le sujet d'ici-là. »
En Ile-de-France, l'équipe de Jean-Paul Huchon confirme travailler activement sur leur propre Pass contraception. Il fera l'objet d'un rapport et d'un vote le 17 juin lors de la première séance plénière du conseil régional depuis les élections.
Pour prévenir une interdiction, le président de la région a pris les devants, en écrivant aux recteurs des trois académies franciliennes pour obtenir leur accord. Des « solutions alternatives » sont également à l'étude.
Photo : Ségolène Royal le 28 juin 2008 à la Maison de la chimie, lors de la présentation de sa contribution « Combattre et proposer » (Audrey Cerdan/Rue89).

Sordide

Philippe Frémeaux | Alternatives Economiques n° 291 - mai 2010
La façon de faire du gouvernement sur le dossier des retraites n'est acceptable ni dans sa méthode
ni dans ses objectifs. Côté méthode, l'Etat revient une fois de plus sur ses engagements.
Souvenez-vous, en 2003, le ministre des Affaires sociales d'alors, un certain François Fillon, avait
fait adopter une réforme qui prévoyait une clause de revoyure tous les cinq ans, afin d'ajuster les
paramètres des régimes. Après un premier rendez-vous en 2008, le second devait donc intervenir
en 2013. Et voilà que début 2010, le président nous explique qu'il y a urgence, que la crise a
bouleversé la situation et qu'il faut "sauver les retraites", ce qui, dans la novlangue du pouvoir,
signifie réduire une fois de plus les droits des futurs retraités.
Il y aurait donc urgence absolue à agir pour assurer l'équilibre des régimes de retraite en 2020,
voire 2050? Evidemment non. En fait, le gouvernement entend profiter des déficits actuels, liés à
la baisse des rentrées de cotisations sociales provoquée par la crise, pour dramatiser l'enjeu à long
terme et imposer de nouvelles mesures restrictives, en sus de toutes celles adoptées depuis 1993.
Ce faisant, il poursuit aussi un but plus immédiat, et plus légitime: témoigner de sa volonté
d'équilibrer les comptes des régimes sociaux afin de préserver le crédit de la France, alors que la
dette publique devrait dépasser 80% du PIB cette année.
Le problème est que, pour atteindre cet objectif, le moyen choisi est de couper dans les dépenses,
en s'interdisant toute hausse des prélèvements. Le parallèle s'impose ici avec la poursuite des
coupes claires dans les effectifs de la fonction publique et le refus de toute remise en cause des
cadeaux fiscaux faits aux plus aisés depuis 2002.
Résultat: la priorité va sans doute être donnée à un report de l'âge légal de la retraite à 62, voire 63
ans. Contraindre les salariés à demeurer en poste, y compris ceux qui ont déjà cotisé le nombre
d'annuités requises, permet en effet de réduire rapidement le coût global des retraites. La mesure
est d'ailleurs plébiscitée par le patronat, qui réclame un report rapide de l'âge de départ à 65 ans,
tout en continuant de pousser dehors les salariés âgés… Elle présente juste un petit défaut: elle
pénalise tout particulièrement les salariés les moins bien lotis, ceux qui ont commencé à travailler
très jeunes, dont l'espérance de vie est la plus faible et qui, arrivés à 60 ans, ont souvent déjà cotisé
bien plus de quarante années. Un report de l'âge de la retraite serait en outre assez sordide dans la
conjoncture actuelle, puisqu'une majorité de salariés sont hors l'emploi à 60 ans. Reporter leur âge
de départ revient à les maintenir plus longtemps dans la précarité, afin d'empocher la différence
qui sépare le montant de leurs futures pensions et les maigres revenus de remplacement auxquels
ils accèdent aujourd'hui, au titre du chômage ou de l'invalidité. Quant à ceux qui sont encore en
emploi, leur maintien en poste deux ou trois années de plus va pénaliser les jeunes, déjà très
nombreux à fréquenter Pôle emploi.
Il ne suffit certes pas de faire payer les riches pour équilibrer les retraites à long terme, mais il est
totalement inacceptable qu'on demande aux seuls pauvres de supporter l'ajustement que la crise a
rendu nécessaire.
Philippe Frémeaux | Alternatives Economiques n° 291 - mai 2010

7 mai 2010

Port de la burqa: le PS va déposer une proposition de loi inspirée des conclusions du Conseil d'Etat

Le Parti socialiste va déposer une proposition de loi qui s’inspirera des recommandations du Conseil d’État. Sur un tel sujet, il serait particulièrement dangereux et risqué que la loi votée par le Parlement se révèle anticonstitutionnelle. Rappelons que les risques qui pèsent sur le gouvernement, sont de 2 ordres :  
Que cette loi soit rejetée par le Conseil constitutionnel, car il n’y a pas eu de loi d’interdiction générale depuis cinquante ans, ce que le Conseil d’État a mentionné de manière assez précise. Même si le Parti socialiste ne déposait aucun recours devant le Conseil constitutionnel, il faut savoir que désormais avec la réforme de la constitution, lorsqu’un contentieux naît de l’application d’une loi, un citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel. On peut penser qu’avec une loi de type, avec les enjeux politiques qui existent notamment dans la frange radicale des islamistes, il est fort probable qu’au premier contentieux ce soit les islamistes eux-mêmes qui déposent un recours avec les conséquences que vous pouvez imaginer. Quel effet si cette loi construite par le gouvernement, pour préserver les intérêts de la République, se révélait en contradiction avec la constitution. C’est pourquoi, nous préférons nous fonder sur les recommandations du Conseil d’État. 
Ajoutons que toute analyse de la jurisprudence avec la Cour européenne des droits de l’Homme, montre qu’elle a toujours privilégié l’autonomie des individus.  On est en droit de penser que cette loi d’interdiction générale serait en contradiction avec la Cour européenne et risquerait la censure.
Cette loi est avant tout politique et cherche moins à s’attaquer au problème. Nous préconisons une loi conforme à l’intérêt général, avec l’objectif que celles qui portent le voile, l’abandonnent, selon des fondements juridiques acceptables.  
Dans le 2ème article du projet du gouvernement, qui illustre en quoi c’est une loi d’opportunité, le gouvernement prévoit un article qui punirait les hommes qui obligeraient les femmes à porter la burqa, par la violence, la menace ou l’abus de pouvoir d’autorité, de 15 000 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement. On crée donc un délit spécifique, avec une peine spécifique, avec un dispositif qui est pourtant en deça de la loi actuellement en vigueur. L’article 222-13 du code pénal prévoit 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour les violences commises pour son conjoint, les violences verbales suffisant à cette condamnation, et l’article 222-18 prévoit les mêmes peines en cas de menaces ou des violences quand la menace est assortie d’une condition, comme l’injonction de porter le niqab sous peine de violence. Cela ne signifie pas que nous devons être dans une sorte de surenchère, mais illustre tout simplement que le gouvernement a fait son projet de loi avec des objectifs politiques qui se préoccupent assez peu des conditions d’application, mais plutôt du bénéfice électoral que pourrait en tirer le président de la République. Nous pensons qu’il s’agit d’un sujet sérieux. Dès lors que le gouvernement a fait appel à l’expertise du Conseil d’État, qui déclare que les fondements juridiques son incertains, il faut rechercher l’efficacité.

6 mai 2010

Egalité professionnelle

Dans un récent ouvrage consacré « au couple Thorez »*, Annette Wieviorka, directrice de recherche au CNRS, observe qu'au premier congrès d'après -guerre du Parti communiste français, « ... sept femmes siègent désormais comme membres suppléantes - les instances du parti demeurant masculines en ce qui concerne les titulaires -  au Comité central. Toutes, sans exception sont des épouses, compagnes ou veuves de dirigeants communistes ».
            Le progrès le plus marquant de 2010 devait être l'entrée « en masse » (Le Monde, 30 avril 2010), des femmes au sein des conseils d'administration des grandes entreprises. Prenant exemple sur l'Espagne ou la Norvège, une proposition de loi en cours depuis le 4 décembre 2009 vise à en imposer par palier,  au moins 40% au sein des conseils d'ici à 2015. Et bien que le texte ne soit pas encore promulgué, les patrons - par peur de se faire déborder ? - anticipent la menace de la loi : 17 nominations de femmes sont déjà à l'ordre du jour. Et pas n'importe lesquelles, Bernadette Chirac, Florence Woerth, la femme du Ministre Eric Woerth, Nicole Dassault épouse de Serge Dassault ou encore Amélie Oudéa -Castera épouse du patron de la Société générale, pressentie au conseil de Lagardère.
On pourrait se demander encore aujourd'hui si la proximité du « chef » est un passage obligé dans l'accession des femmes aux plus hautes responsabilités. Et,  sans mettre en doute ni la « compétence » de ces futures administratrices, ni celle des anciennes dirigeantes communistes, certaines ont  fait carrière en politique (Marie-Claude Vaillant Couturier, Jeannette Vermeersch ...ou encore Juliette Dubois bientôt épouse de Gaston Plissonnier...), on peut s'interroger sur leur indépendance tant dans l'entreprise que dans le parti. Autrement dit,   ces femmes sont-elles là pour servir simplement d'alibis ou pour tenir tête à leur « patron » ? Et donc faire entendre ou avoir su faire entendre, dans les sphères où se prennent les décisions qui conditionnent la vie de milliers de salariés, la voix des 51% de femmes qui forment la majorité de la population française ?
Pour prendre la plus célèbre des promues dans l'entreprise, Bernadette Chirac on nous assure qu'elles connaît la question : « elle fut  pendant 12 ans la première dame de France et, qu'à ce titre, elle a voyagé avec le président. Elle dispose d'un réseau international et LVMH est un groupe international. En outre, elle a toujours soutenu la haute couture ».
Nous sommes rassurés.
Les 62 000 euros annuels de rémunérations qui lui seront versés chaque année au titre de jetons de présence seront bien employés.
Le blog de Geneviève Tapié sur Midiblogs.com
 * Maurice et Jeannette. Biographie du couple Thorez. Annette Wieviorka. Fayard. Avril 2010.
Geneviève Tapié, Présidente de l'Assemblée des femmes -Observatoire de la parité du Languedoc Roussillon

Ségolène Royal peut-elle sauver le PS ?

Parti socialiste Avec un nombre de militants en chute, des sondages inquiétants donnant tout juste la secrétaire du Parti à égalité avec Nicolas Sarkozy pourtant très impopulaire, une convention inaudible tournée surtout sur l’intérieur du Parti et les arrangements entre courants, l’absence de réponses concrètes aux interrogations des Françaises et des Français, le Parti socialiste n’apparaît pas encore en capacité de porter un espoir crédible d’alternance.
Malgré les accords internes, les alliances entre ennemis d’hier, les résultats aux élections régionales dans un contexte de rejet du pouvoir et de forte abstention, la mise en scène sur "l'unité" et "la remise au travail", l'offre d'une "maison commune" à gauche, le PS n’a pas réussi à créer une dynamique dans l’opinion permettant d’espérer un renversement de politique en 2012.
Or, les échecs de Nicolas Sarkozy, les conséquences sociales douloureuses de sa politique, le rejet massif d’une forme de gouvernance peu républicaine ne seront pas suffisants pour l’emporter en 2012 si le PS ne réussit pas à créer une dynamique, un espoir à gauche pour une autre politique.  
 
Dans ce contexte, Ségolène Royal peut-elle sauver le PS ?
 
Nous savons que Martine Aubry et Ségolène Royal se sont parlées et que la présidente socialiste de Poitou-Charentes souhaite jouer un rôle plus important dans les débats du PS pour préparer sérieusement l’alternance de 2012.
Le Parti socialiste peut trouver en effet en Ségolène Royal et la force militante qui la soutient un appui incontestable :
 
Pour un Parti socialiste plus combatif avec le monde du travail contre la politique libérale suivie par Nicolas Sarkozy :
Aux côtés des travailleurs en lutte dans sa région contre les délocalisations, refusant une taxe carbone injuste car reposant sur les ménages, contestant l’absence de dialogue avec les élus et les habitants après la tempête Xynthia, rejetant toute remise en cause du droit à la retraite à 60 ans, dénonçant l’absence de politiques agricole et industrielle, condamnant le « tapage électoraliste sur la burqua, ces mises en cause qui stigmatisent toute une communauté sans même régler correctement la question » alors que l’Europe entrait dans la crise grecque, Ségolène Royal a été en première ligne dans le combat contre la politique de Nicolas Sarkozy et son gouvernement.  
 
Pour un Parti socialiste porteur d’un projet réellement alternatif :
Ségolène Royal ne se contente pas de combattre mais propose. Elle voudrait un Etat plus juste dans ses réformes et plus audacieux pour promouvoir l’innovation notamment dans la croissance verte car pour la présidente de région socialiste l’écologie peut aussi être un atout économique. Comme bien peu de politiques ont su le mettre en action, Ségolène Royal a fait de sa région un laboratoire en ce sens et souhaiterait étendre ses initiatives au niveau national. Un Etat également plus actif pour défendre les emplois industriels même dans des secteurs davantage soumis à la compétition internationale. Certes une politique difficile à mener, mais refusant une vision libérale du laisser faire, Ségolène Royal veut promouvoir toutes les initiatives et notamment soutenir la création des sociétés coopératives. En somme, il ne s’agit pas de faire croire que l’Etat pourra tout faire seul, mais qu’en unissant les actions des entrepreneurs, les compétences avec la formation des salariés, l’Etat peut être un acteur efficace. Une autre voie est ainsi possible.
 
Pour un Parti socialiste rénové ouvert sur la société et le monde :
Le Parti socialiste ne retrouvera une force dans l’opinion que s’il oublie ses courants internes et ses alliances de chefs pour retrouver le dialogue direct avec les Françaises et les Français et l’ouverture sur le monde. C’est ce qu’inexorablement, la socialiste réclame pour redonner à ce Parti toute sa force.
 
La direction du PS peut compter sur Ségolène Royal et la force militante soutenant son action pour un parti socialiste plus combatif, porteur d’espoir pour un projet réellement alternatif, un parti socialiste rénové, plus ouvert sur la société et le monde.
 
Edito du blog  Militants de l'Espoir à gauche.

Les banlieues ont surtout besoin de démocratie

Les politiques de la ville ont échoué. Le constat est à peu près unanime, mais à quoi tient cet échec ? Les critiques de ces politiques mettent en général en cause leur contenu, mais est-ce suffisant ?
Comme Jean-Pierre Barbier, Jacques Donzelot et quelques autres l'ont fait remarquer, en abordant la question des "banlieues" sous l'angle de la ville, on transforme des questions sociales, l'absence d'emploi, des conditions de travail dégradantes, la discrimination, en questions spatiale, urbaine.

Ce faisant, on évacue la dimension politique au profit de problématiques techniques que l'on confie à des experts, urbanistes, architectes, sociologues, fonctionnaires, professionnels de l'accompagnement social. Ce sont eux qui définissent les zones à traiter, qui élaborent les programmes et les mettent en oeuvre. Les habitants n'ont pas leur mot à dire.

Bien plus que le contenu, c'est le projet même de ces politiques qui doit être revu

Au mieux, on propose aux habitants de ces quartiers de participer à des concertations, exercice qui consiste essentiellement à valider des options choisies ailleurs, en haut lieu, dans des instances politiques et administratives qui envisagent la question sous les seuls angles du contrôle social et de la charité : il faut traiter les "banlieues" parce qu'elles menacent l'ordre social et parce que nous avons une obligation à l'égard de leurs habitants. De fait les solutions retenues sont un mélange de mise à l'écart des populations qui les habitent, de contrôle policier et d'aménagement des quelques institutions qui ne les ont pas désertées (école...).

Il faudrait donner la parole aux habitants pour leur donner les moyens d'exercer une pression sur les élus
Plutôt que de décider d'en haut de ce qui est bon pour les habitants de ces quartiers, il faudrait leur donner la parole, leur donner les moyens d'exercer une pression sur ceux qui, sur le terrain, décident, organisent, financent : les élus. Dit autrement, les habitants des quartiers difficiles ont besoin de représentants, de gens qu'ils ont choisi, qui parlent en leur nom, qui portent et donnent à entendre leurs demandes, leurs attentes, leurs revendications. Parce qu'ils ne sont pas représentés dans les instances démocratiques, conseils municipaux, conseils généraux, assemblées régionale et nationale, ils ne peuvent ni se défendre ni faire valoir leur point de vue ni obtenir les financements, aides qui permettraient d'améliorer effectivement leur quotidien. Ce sont des citoyens incomplets, au sens qu'Aristote donnait à ce mot lorsqu'il parlaits des métèques, des étrangers, des enfants… de tous ceux qui étaient exclus du jeu politique. Les habitants de ces quartiers sont exclus du jeu politique parce qu'étrangers, trop jeunes pour voter ou, encore, pas inscrits sur les listes électorales.

Certains, qui ont fait le même constat, proposent de confier ce travail de représentation à la société civile, à des associations communautaires,  religieuses, comme cela se fait à Marseille. Mais c'est prendre le risque de leur donner une importance et une légitimité qu'elles n'ont pas forcément dans la communauté. En quoi un imam est-il représentatif d'une population musulmane largement agnostique ? Ce type de représentation communautaire est d'autant plus inadapté que ces communautés sont en général hétérogènes. A l'inverse de ce qui se passe dans d'autres pays, les quartiers ne sont pas, chez nous, organisés de manière ethnique. Ce sont des mélanges de gens venus de partout.

La démocratie locale est à inventer dans ces quartiers

Ce qui est tout sauf facile. Donner le droit de vote aux immigrés serait un pas dans la bonne direction, mais sans doute insuffisant : il ne suffit pas d'avoir le droit de vote, encore faut-il l'utiliser. Et rien ne nous dit que les habitants de ces quartiers l'utiliseraient plus que les Français «de souche» issus des classes populaires. Le plus simple serait, sans doute, d'associer ce droit de vote à des mécanismes conçus pour inciter les partis politiques à faire monter dans leurs listes des représentants de ces quartiers.

La notion de quartier est trop globale, il faudrait faire de la micro-géographie
Ramener la politique de la ville au plus près des habitants de ces quartiers serait le meilleur moyen de traiter des problèmes qu'on y rencontre de manière adaptée. Tous les intervenants dans ces banlieues le savent, la  notion de quartier est trop globale, il s'agit, le plus souvent, de micro-territoires, une barre d'immeubles, un coin de rue, une zone inaccessible par temps de pluie, des parcours en transports en commun si longs qu'ils limitent l'accès au marché du travail… Il faudrait faire de la micro-géographie, et cela n'est possible qu'avec ceux qui connaissent les lieux mieux que quiconque : les habitants.

Une approche plus démocratique de ces questions permettrait également de distinguer des phénomènes qui demandent des traitements différents

A regarder les banlieues de trop loin, les politiques de la ville mettent dans le même sac la grande pauvreté de quartiers abandonnés de tous, qui ne sera résolue que par le retour à l'emploi, la délinquance dure et la concentration d'adolescents, par nature plus turbulents que les adultes. A tout confondre, à traiter des jeunes gens qui se lancent dans des rodeos sur des motos trafiquées comme de grands voyous, on ne règle aucun problème et l'on enferme un peu plus encore ces quartiers dans l'isolement.

Combattre le populisme ambiant entretenu par les medias
Depuis quelque temps, les médias associent directement banlieues et délinquance dure, trafic de drogue… Facilité de journaliste, entretenue par le populisme ambiant qu'il faut combattre. Non seulement parce que c'est faux, mais aussi parce que c'est dangereux : ce type de confusion ne peut que conduire à des réactions de solidarité où les adolescents et leurs parents finissent par devenir complices de vrais voyous.  Seule une expression démocratique qui donnerait à ceux qui aujourd'hui sont condamnés à se taire la possibilité de s'exprimer permettrait de remettre les choses à leur juste place. S'il y a des délinquants dans les banlieues et des adolescents turbulents, il y a aussi, et surtout, des pauvres qui accumulent tous les handicaps.

DSK s'est il disqualifié pour représenter les socialistes ?

Pour l'heure les socialistes français font mine de ne pas le comprendre mais il n'est pas besoin d'être grand clerc pour le deviner: l'engagement d'un des leurs, Dominique Strauss-Kahn, patron du Fonds monétaire international (FMI), dans la mise au point, en association avec la Commission européenne, du plan d'austérité qui va être imposé à la Grèce, un des plus violents qu'ait connu un pays européen depuis l'après-guerre, risque de peser lourdement sur leurs débats internes en prévision de l'élection présidentielle de 2012. Compte tenu du rôle qu'il joue actuellement, DSK peut-il encore prétendre, le moment venu, être candidat à la candidature pour représenter la gauche française à ce scrutin? Ou bien s'est-il disqualifié?

Article de Laurent Mauduit paru dans Médiapart  4Mais 2010
www.mediapart.fr/article/offert/b70f65e6bcf52e15cd432946055aa2c4

Fraude fiscale, vandalisme : combien coûte la délinquance ?

Jacques Bichot a chiffré le coût des fraudes, des vols et des agressions pour la collectivité : 115 milliards d'euros. Cette étude [2] relativise le poids du vandalisme face à certaines arnaques beaucoup plus structurées.

Deux fois le budget de l'Education nationale. C'est ce que coûte à la collectivité la délinquance....

Arrivent en tête les fraudes fiscales et sociales (27 milliards d'euros)

www.rue89.com/print/150220

6 mai 2007-6 mai 2010 : pourquoi Sarkozy ne sera jamais un Président

Pour « devenir » président, il s’est refermé. Il a peur des fuites, restreint le cercle des participants à ses réunions, cache son agenda au maximum, préfère « déléguer ». Trois ans après son élection, Sarkozy apparaît usé, reclus, et craintif. Il n’a devant lui aucune « politique de civilisation » à défendre, aucun projet idéologique fort. Le rêve a disparu. Les cauchemars restent. Sarkozy veut changer. Il reste tel qu'il est. On ne change plus à 55 ans.

Que pourra-t-on retenir du (premier ?) mandat de Nicolas Sarkozy ? Un sentiment d'échec, une agitation qu'on a confondu avec du volontarisme, le caractère impulsif d'un Monarque sans charisme. Théoriquement, il ne reste qu'un an d'action politique, avant qu'une nouvelle séquence électorale, décisive celle-là, s'ouvre à nouveau en 2011. Théoriquement, car Sarkozy s'est déjà glissé dans la peau du candidat: déplacements à l'étranger (après la Chine, bientôt l'Inde) ou au contact des Français, le Monarque veut prendre de la hauteur. Il a d'ailleurs déjà prévenu ses proches et ses élus : l'année 2011 «on ne fera que de la politique». Les conseillers élyséens propagent dans la presse les éléments de langage du moment : Sarkozy se re-présidentialise. Il va changer.

En complément d'une prochaine mise à jour de notre abécédaire des promesses non tenues, voici les six traits permanent du caractère d'un homme qui a confondu la conquête du pouvoir avec son exercice.

Six traits permanents et immanents qui l'ont empêché, l'empêchent et l'empêcheront de devenir présidentiable, fusse-t-il élu.

Compulsif
Nicolas Sarkozy croit que son style est en cause. Ses proches tentent de le convaincre au calme. Au lendemain de l'échec aux élections régionales, on a pu assister à une séquence incroyable: les uns après les autres, des ténors de l'UMP sont allés de leurs commentaires et conseils contre le style du Monarque: qu'il se calme, qu'il devienne enfin présidentiel. Une démarche quasi-infantilisante. Pourtant, ce n'est pas le style, mais bien l'homme lui-même qui est cause. La situation institutionnelle du pays impose que le président sache maîtriser ses nerfs. Le Général de Gaulle était l'homme du 18 juin 1940. François Mitterrand était tenu par sa maladie, Jacques Chirac par sa bonhommie. Sarkozy est compulsif. La moindre attaque personnelle, surtout intime, déclenche sa rage.

C'est un trait de caractère incompatible avec la fonction présidentielle.

Incompétent
En 2007, on a confondu agitation et volontarisme, annonce avec action. Une réforme, surtout si elle d'envergure, se travaille, se prépare, se met en place sur la durée. Le programme de Nicolas Sarkozy était riche en promesses de lendemains qui chantent. La récession de 2008 n'est pas responsable des revirements sarkoyens. L'excuse est trop facile. Combien de réformes gâchées, de précipitation inutile ? Combien de couacs, de polémiques inutiles ? Sarkozy sait transformer l'or en plomb. Trop bravache, il se lâche. Il encourage le couac, la bévue, le dérapage. Incapable de patience, persuadé d'avoir toujours raison, il oublie l'objectif pour la forme et la gloriole de l'instant.

Menteur
Nicolas Sarkozy n'a pas le monopole du mensonge. Mais il a beaucoup promis. Il semble avoir oublié qu'il a été élu pour appliquer un programme ou, à défaut, d'expliquer pourquoi il a dû en changer. Il a même fait des promesses qu'il savait pertinemment qu'il ne tiendrait pas. Prenez la politique étrangère. En 2007, le candidat attaquait la repentance, mais louait les droits de l'homme. Il n'a pas fallu attendre plusieurs mois pour constater les premiers renoncements. En Afrique, Sarkozy a soigné les vieux réseaux, les anciennes amitiés, les sales compromissions. Il s'est voulu donneur de leçons contre l'Iran et les Talibans afghans, mais il assumait, schizophrène, les embrassades avec les dictateurs syrien ou libyen. Sarkozy, qui a promis plus que d'autres avant lui, s'est révélé menteur, plus que d'autres.

Flemmard
Sarkozy est un flemmard. Il s'était forgé une image d'hyper-actif, à coups d'annonces quotidiennes et de déplacements permanents. Mais la réalité est bien différente. Même lors de sa première année à la présidence, les week-ends de repos étaient systématiques, les escapades privées - souvent maquillées sous de faux prétextes de déplacements officiels sans motif - étaient légions : son union avec Carla Bruni, à la fin de l'année 2007, a réactivé cette urgence toute sarkozyenne à prendre du bon temps. Quand il n'est pas au Cap Nègre, il se repose à la Lanterne, près de Versailles. Il se moquait du "Roi Fainéant" qu'était Jacques Chirac. On devrait lui retourner le compliment.

Narcissique
Il faut une bonne dose d'estime personnelle, voire d'orgueil, pour prétendre à la magistrature suprême. Sarkozy a simplement poussé le bouchon vers des limites que nous ne connaissions pas : il ne s'en cache pas. Qu'importe le sujet ou l'occasion, le Monarque a besoin de tirer la couverture à lui, se dresser couronnes et fleurs, s'auto-congratuler en permanence. A l'étranger, la presse se gausse, s'amuse, s'agace parfois.

Cupide
On a trop vite oublié les premiers mois bling bling de la présidence sarkozyenne, les Ray Bans et la Rolex. Mais ce goût du bling bling n'est pas qu'un besoin d'apparat. Sarkozy aime l'argent, rêve d'argent, pense argent. Bref, il est cupide. Accepter des cadeaux (voyages, hébergement) ne le dérange pas. Ne pas en recevoir l'énerve. Sa commande d'un nouvel Airbus est très symptomatique u défaut : Sarkozy voulait son "gros" avion, équipé d'une baignoire (une gageure dans un appareil volant). Et qu'importe si l'aéroport présidentiel de Villacoublay, incapable d'accueillir un Airbus A380, doit être refait en conséquence.

Trois ans après son élection, Nicolas Sarkozy découvre qu'il devrait devenir président. Le logiciel est cassé. L'espoir n'est plus là. L'homme a des ressources, des moyens. Mais il ne changera pas. Compulsif, menteur, flemmard, narcissique, et cupide, il restera.

Ami sarkozyste, avais-tu voté pour cela ?

Trois ans de Sarkozy : les contrevérités du bilan de l'Elysée

L'Elysée publie un document vantant les « trois ans d'action » du Président. Un bilan comprenant nombre de contrevérités (...)

Nous avons voulu vérifier l'honnêteté de ce bilan, ce que les confrères anglosaxons appellent un « fact checking », une vérification des informations livrées. (...)

En se basant sur les faits et en suivant le même ordre de présentation, Rue89 a fait le tour d'horizon de toutes ces « actions » et corrigé celles qui étaient le plus inexactes. Lisez et comparez.

www.rue89.com/2010/05/05/trois-ans-de-sarkozy-les-contreverites-du-bilan-de-lelysee-150228