2 octobre 2010

INTERVIEW de SÉGOLÈNE ROYAL PRÉSIDENTE PS DE LA RÉGION POITOU-CHARENTES « Les intérêts de la nation sont sacrifiés à l'intérêt électoral »

PROPOS RECUEILLIS PAR Les Echos

Comment jugez-vous le projet de loi de Finances ?

La dette publique a doublé en cinq ans et, donc, les efforts ne sont pas suffisants pour résorber les déficits que le gouvernement a creusés. Chaque jour, c'est près de 1 milliard d'euros qui sont empruntés ! On ne peut pas laisser la dette qui pèse sur les jeunes générations s'alourdir chaque année. Il aurait fallu faire, depuis trois ans, de vraies réformes de structures courageuses au lieu de laisser déraper les déficits. Disons-le clairement, les intérêts de la nation sont sacrifiés à l'intérêt électoral : le budget 2011 est celui de la précampagne présidentielle, c'est pourquoi il est si timoré. Comment expliquer autrement la timidité de la remise en cause des niches fiscales, dont moins de 1 % est « raboté » ? Comment expliquer autrement l'obstiné maintien du bouclier fiscal, alors même qu'une partie de l'UMP le trouve de moins en moins défendable ?

Le gouvernement espère réaliser 10 milliards d'euros d'économies en « rabotant » les niches fiscales...

Certaines mesures vont dans le bon sens, mais elles auraient mérité d'être mieux ciblées, comme l'annualisation des exonérations de cotisations patronales. Il faudrait en exempter les PME exposées à la concurrence internationale et qui créent des emplois. D'autres mesures doivent être encadrées. Je pense ici aux nouvelles taxes : si elles ne sont pas encadrées, elles seront répercutées sur les clients. Ainsi, les nouvelles taxes bancaires, la contribution des assurances et la hausse de la TVA sur les forfaits Internet-mobile-TV doivent être prises sur les bénéfices, pas sur les consommateurs. Certaines mesures sont néfastes, comme la suppression de l'avantage fiscal vert qui existait. La conversion écologique est un enjeu de croissance et de compétitivité pour la France. Je propose de supprimer les niches ayant un effet carbone négatif plutôt que celles qui encouragent les énergies renouvelables. Enfin, taxer le mariage, ce n'est pas juste.

Qu'aurait-il alors fallu faire ?

La situation du budget de l'Etat est très difficile. Dans un contexte moins sévère, François Fillon disait en septembre 2007 que « l'Etat [était] en faillite ». Aujourd'hui, il ne suffit plus d'ajuster à la marge les dépenses et les recettes de l'Etat. La fiscalité des revenus est devenue incompréhensible et, surtout, très inégale. Comme d'autres pays l'ont fait, il faut tout d'abord remettre à plat tout notre système fiscal, avec trois objectifs. Premièrement, la transparence, afin que chacun connaisse chaque année son taux d'imposition véritable. Deuxièmement, s'en tenir à une règle simple : à revenu égal, impôt égal, pour les revenus du travail comme pour ceux des placements ou du patrimoine. Troisièmement, mettre en place un seul impôt progressif, avec la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, à prélèvement constant, et le prélèvement à la source. C'est ce que nous avions proposé en 2007.
Ensuite, il est évident qu'il est possible de dépenser mieux en dépensant moins. C'est ce que j'ai fait dans la région que je préside, en refusant d'augmenter les impôts depuis six ans, avec des dépenses identiques et une dette stable tout en ayant mis la région Poitou-Charentes au premier rang de la croissance verte, avec le plan photovoltaïque et la voiture électrique notamment. Grâce à des redéploiements importants, 1 euro dépensé égale 1 euro utile. On peut tenir les comptes sans renoncer à aucune des actions prioritaires définies. Et ça marche. Ce qui est possible au plan local l'est au plan national.

Que pensez-vous du gel des dépenses de l'Etat et des dotations aux collectivités locales, ainsi que des 30.000 postes de fonctionnaires qui seront supprimés en 2011 ?

Toute mesure trop générale est vouée à l'échec. Il est plus efficace de définir les secteurs où le nombre de fonctionnaires doit augmenter pour répondre aux besoins et celui où il doit diminuer. Améliorons l'organisation du service public pour améliorer le service rendu : n'oublions pas que c'est un levier du développement économique, comme le soulignent régulièrement les investisseurs étrangers. Ne détruisons pas cet atout du modèle français. Pour finir, je voudrais insister sur ce point : faute d'une vraie politique industrielle, c'est la consommation qui tire encore notre croissance : il est donc impératif de ne pas casser ce ressort par des taxes nouvelles.

Retraites: Il faut se battre pour un référendum : Tribune de Ségolène Royal publiée par Libération

Depuis plusieurs mois, le gouvernement explique aux Français qu’il est important et urgent de remettre en cause le système de retraites, particulièrement la liberté de partir à la retraite à 60 ans pour les carrières complètes et à 65 ans pour ceux qui n’ont pas tous leurs trimestres de cotisations.
Un sujet aussi essentiel pour la vie des Français mérite une clarification pour dissiper le brouillard des contre-vérités gouvernementales et poser les véritables enjeux de cette réforme .
Voici donc 10 réponses aux questions que les Français se posent.

1) Pourquoi faut-il se battre pour un référendum?
 
La retraite est le patrimoine commun de tous les Français. Ce serait un vrai progrès démocratique qu'ils puissent se prononcer sur un enjeu de société aussi important. La réforme des retraites ne doit pas se faire contre le peuple mais avec lui.
 
2) Y a-t-il un problème d’équilibre financier des régimes de retraites ?
 
Oui. Grâce à l’allongement de l’espérance de vie et à l’arrivée à l’âge de la retraite des baby-boomer, le nombre de retraités, d’un peu plus de 15 millions en 2010, passera à 23 millions en 2050 alors que le nombre de cotisants connaîtra sur la même période une quasi-stagnation. D’autres facteurs jouent un rôle dans le déséquilibre du financement des retraites : le sous-emploi des jeunes et des seniors, la diminution de la part des salaires (et donc de l’assiette des cotisations retraites) dans la richesse nationale au profit du capital, et la faiblesse de la croissance économique.
 
Ce constat et la nécessité qui l’accompagne d’une réforme du financement des régimes de retraites, ne sont niés par personne et certainement pas, comme le gouvernement voudrait le faire croire, par la gauche et les organisations syndicales. Ce qui est contesté c’est la brutalité de la réforme, sa profonde injustice, l’affirmation qu’une seule réforme est possible, son urgence décrétée pour satisfaire les agences de notation et les amis financiers du pouvoir et prétendre ainsi avoir fait preuve de courage.
 
3) Pourquoi la réforme du gouvernement est injuste ?
 
Parce qu’elle pèse quasi-exclusivement sur les salariés. Reporter pour ceux qui ont le nombre de trimestres requis l'âge d’ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans et reporter à 67 ans l'âge auquel on peut prétendre à une retraite à taux plein (c'est-à-dire sans pénalités si on n'a pas tous ses trimestres de cotisations), c'est taxer les salariés, en obligeant à travailler et à cotiser encore ceux qui ont déjà le nombre d’annuités nécessaires, et préserver les revenus du capital qui doivent pourtant leur existence et leur accroissement au travail des salariés. Il s’agit donc d’une taxe sur le travail créée par ceux qui prétendaient défendre la valeur travail.
 
La deuxième grande injustice est celle infligée aux femmes.Elles subissent déjà, durant leur carrière professionnelle, une inégalité salariale totalement inacceptable et qui se perpétue dans les niveaux de pension de retraites (38% d'écart entre les retraites des femmes et celles des hommes). Le report à 67 ans de l'âge pour obtenir la retraite à taux plein va aggraver leur situation puisqu'elles ont des carrières incomplètes qui rend difficile l'obtention du nombre suffisant de trimestres de cotisations .Je rappelle que Nicolas Sarkozy, pendant sa campagne , avait promis l’égalité salariale hommes-femmes à l’horizon 2010.

4 ) Cette réforme est-elle efficace ?
 
Non. Elle est non seulement injuste mais elle est inefficace.
Comme l'a souligné à plusieurs reprises la présidente de la caisse nationale d'assurance vieillesse, la question du financement n’est pas réglée : dès 2013-2014, il manquera 4 milliards d'euros pour équilibrer le système.
 

5) Cette réforme améliorera t-elle l’emploi des jeunes et des séniors ?
 
Non . Le chomage des jeunes (près d'un quart d'entre eux à la recherche d'un emploi) et des seniors (+ 30% de chômeurs âgés en deux ans) va être aggravé par la réforme . Qui nous fera croire que des entreprise qui trouvent aujourd'hui leurs salariés trop âgés à partir de 55 ans vont les garder demain jusqu'à 62 ans ?

6) La question de la pénibilité est-elle prise en compte par cette réforme ?
 
Non. Le gouvernement confond volontairement incapacité (c'est-à-dire invalidité), et pénibilité des tâches. Alors que l'ordre juste voudrait qu'on reconnaisse que des métiers sont pénibles parce que des salariés sont exposés à des produits dangereux, au travail de nuit ou à des horaires décalés et à des travaux de force, le gouvernement se contente d'octroyer une retraité anticipée aux travailleurs touchés par une incapacité de travail reconnue avant le départ en retraite. Or, tous les médecins du travail savent que de nombreuses maladies (le cancer de la plèvre lié à l'exposition à l'amiante, le cancer du larynx dû à l'exposition à des produits phyto-sanitaires dangereux, par exemple) se déclarent longtemps après la fin de l'exposition au risque, donc après la cessation d’activité professionnelle.
 
7) La France fait elle comme ses voisins européens ?
 
Non. La plupart des pays européens ont utilisé des mesures d'âge pour revenir à l'équilibre financier. Mais ils ont soit reculé l'âge légal de départ à la retraite, soit allongé la durée de cotisations. Le gouvernement français, lui a choisi d'utiliser les deux leviers : si la réforme est adoptée nous aurons le système le plus dur d'Europe, le moins négocié avec les partenaires sociaux et le plus brutal dans la rapidité de sa mise en oeuvre.

8) Qui va profiter de la réforme ?
 
Certainement pas les salariés qui vont être lourdement taxés. Tout le monde a pu constater que le MEDEF est étrangement silencieux dans cette affaire : tout simplement parce que cette réforme est sa réforme. Derrière cette réforme, se cachent les banques, les fonds de pension, les assurances, tous les financiers proches ou membres du premier cercle du pouvoir qui voient déjà le pactole que représentent les futurs retraités inquiets pour leur avenir et tentés de se tourner vers les complémentaires retraites privées. Il va sans dire que les salariés les plus modestes devront se contenter de leur régime de base.

9) Une autre réforme est-elle possible ?
 
Oui Je refuse cette fatalité qui voudrait que les femmes, les ouvriers, les employés, les travailleurs qui ont commencé à travailler tôt, soient si durement frappés. C'est pourquoi les socialistes, j'en prends de nouveau l'engagement, rétabliront la liberté de partir à la retraite à 60 ans et à 65 ans pour ceux qui le souhaitent. Les efforts doivent être partagés et nous acceptons donc le principe d'un allongement de la durée de cotisations jusqu'à 41,5 années. Mais la contre-partie, c'est la mise à contribution des revenus tirés du capital . La seule niche dite Copé qui exonère d'impôt sur les plus-values les sociétés (souvent du CAC 40) qui vendent leurs filiales a coûté en trois ans 22 milliards d'euros à l'Etat pour le seul bénéfice des actionnaires.
La réforme du gouvernement néglige aussi le volontarisme dans l’action politique : notre pays a une situation démographique plus favorable que celles des autres pays européens et nous pouvons encore la conforter.
 
10 )La réforme du gouvernement est-elle une fatalité ?
 
Non. La mobilisation sociale doit continuer et s'amplifie, et le combat parlementaire se poursuivre
Ce temps de la contestation sociale est aussi le temps de la pédagogie. L'opposition qui est appelée à nouveau à gouverner doit donner un débouché politique à cette contestation en même temps qu'une espérance, et expliquer aux Français pourquoi nous rétablirons, en 2012, la liberté de partir à la retraite à 60 ans. Ce n’est pas une utopie. C’est cette alliance de la justice et du réalisme économique qui guidera notre action. Nous sommes déterminés.

29 septembre 2010

Une analyse de Michèle Delaunay de ce que pourrait/devrait être le non-cumul des mandats

Michèle Delaunay nous livre son analyse de ce que devrait être le non-cumul des mandats : réflexion sur les notions de mandat et de fonction (exécutive) et sur la notion primordiale de surface électorale. Le Monde s'était livré à une analyse de 'surface électorale' des députés en octobre 2009 et avait conclu qu'environ 85% des députés français cumulaient, obtenant une 'surface électorale' trop élevée.
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Graphique Le Monde repris le 12 août 2010 par Etoile 66 sur le site de Médiapart
Mais elle nous fait également réfléchir sur les cumuls de fonctions exécutives, sur les cumuls de mandats et de métiers, sur le cumul dans le temps, et, pire que tout, sur le cumul des mandats et des fonctions dans la durée.
20 000 habitants, c'est la ville d'Arcueil, ou un peu moins que celle d'Annecy-le-Vieux, dont Bernard Accoyer, président de l'Assemblée Nationale, est maire.
Depuis 2007, Michèle Delaunay soutient Ségolène Royal ; elle a largement contribué à l’écriture de la partie « santé » du programme de l’ex-candidate à la présidence de la République. Cancérologue, élue députée de la 2ème circonscription de Gironde le 17 juin 2007 face à Alain Juppé avec 50,93% en emportant une circonscription détenue depuis plus de 60 ans par la droite, elle est Conseillère générale du canton Grand Parc – Jardin Public (Bordeaux) depuis 2004, « à droite depuis 60 ans » (Michèle Delaunay). Ce canton a « 26 543 habitants ».
Lors du second tour des élections régionales de mars 2010, Michèle Delaunay relevait sur son blog que le canton Grand Parc – Jardin Public avait voté à 54% pour la liste menée par Alain Rousset, président PS de la Région Aquitaine.
Hugues Martin a été maire UMP de Bordeaux de décembre 2004 à octobre 2006, et député UMP de 2004 à 2007. Un ex-député-maire UMP en somme.
F.M .
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Ce que pourrait/devrait être le non-cumul des mandats
lundi 27 septembre 2010
Je me suis exprimée à plusieurs reprises dans ce blog - et ailleurs - sur ce que pourrait être le non cumul des mandats. Je le fais une fois encore, de manière plus détaillée, avant d'expliquer les raisons de ma candidature aux élections cantonales.
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Michèle Delaunay
La première base légitimant ce non-cumul est un principe simple : quand on ne fait pas un job, il ne faut en avoir ni le titre, ni le salaire. Inversement, il faut que ce soit la personne qui l'assume qui ait ce titre et ce salaire.
Autrement, il faut condamner fermement le cumul quand, à l'évidence, on ne peut assumer pleinement l'un et l'autre mandat. Je renvoie à un précédent billet (député-maire, sénateur-maire). Nul ne peut être maire à plein temps d'une grande ville et assumer convenablement son mandat de parlementaire. Cela vaut pour les autres grandes fonctions exécutives (président du Conseil Général ou régional) et c'est pour cela que le Parti Socialiste s'est engagé dans le non-cumul d'un mandat de parlementaire et d'une fonction exécutive. Tout cela n'est pas simple pour l'opinion publique qui ne connaît pas obligatoirement la différence entre mandat et fonction. Un conseiller régional, ou général, qui n'est ni Président, ni vice-Président, n'a pas de fonction exécutive. Être Maire d'une ville, quelle qu'en soit la taille correspond à une fonction.
Les autres arguments sont les suivants. Il ne faut pas emboliser la vie politique en laissant plusieurs fonctions entre les mains d'un seul. Cela vaut d'ailleurs à mon avis pour le cumul dans le temps. On ne peut renouveler le personnel politique si l'on permet qu'un même mandat ou une même fonction puissent être assumés par la même personne trente ou quarante ans durant et jusqu'à un âge canonique. On sait d'autre part que la créativité, par exemple à la tête d'une Mairie, s'épuise au fil du temps, que des réseaux se créent et paralysent la dynamique de la ville. Ceci vaut d'ailleurs quand une ville est détenue 50, 60 ans ou davantage par une même majorité. On ne cherchera pas bien loin des exemples
De plus, le cumul, surtout s'il associe surface électorale et durée dans le temps concentre dans les mains d'un seul des pouvoirs que l'on peut qualifier d'excessifs. Il en fait une personne incontournable dans toutes les décisions, il affaiblit opposition et possibilité de critique, ainsi que les chances d'alternance.
Pour ma part, je n'aurais pas choisi le non-cumul proposé par le Parti Socialiste, qui est l'interdiction d'un mandat de parlementaire et d'une fonction exécutive. Au contraire, le cumul de deux fonctions exécutives (ex : Maire d'une grande ville et Président du Conseil général) reste possible. J'aurais plus volontiers pris pour critère la surface électorale des deux mandats.
Ainsi, une circonscription couvre une surface de 80 à 120 000 habitants. Pourquoi interdire qu'un parlementaire soit Maire d'une petite ville ou élu d'un "petit" canton ? J'avais fixé la limite du "petit" à 20 000 habitants, sachant que "mon" canton la dépassait. On devine que je reviendrai sur le sujet
La difficulté est : quelle est la surface électorale d'un Président de région ou d'un président de Conseil général ? Eh bien, soyons généreux; accordons lui (ce qui est faible) la même surface que celle d'un parlementaire. Celui-ci ne pourra donc pas être Maire d'une commune de plus de 20 000 habitants.
C'est plus lisible que la formule du PS, même si ce n'est pas non plus parfait. Le parfait en la matière n'existe pas.
À côté du cumul des mandats, il y a un sujet que personne n'aborde : le cumul d'un mandat, tel que parlementaire, et d'un métier. Non, on ne peut pas être parlementaire et médecin hospitalo-universitaire. C'est malhonnête en vertu du principe fondamental posé en tête de ce billet. Non, on ne peut pas être avocat d'affaires et parlementaire : s'ajoute à la raison précédente, le motif du conflit d'intérêt. Non, on ne peut être en même temps directeur d'école, artisan, médecin praticien... ET parlementaire. Et c'est pour cela qu'il faut absolument définir un statut de l'élu, qui lui assure la possibilité de retrouver son emploi ou un emploi correspondant, tout en sachant que beaucoup de métiers, aucune solution parfaite ne pourra être obtenue.
Voici ces quelques idées. Je n'ai pas changé d'avis, mes écrits en témoignent et c'est en connaissance de tout cela que je vais tout à l'heure présenter ma candidature pour les élections cantonales 2011, dans le canton Grand Parc-Jardin public dont je suis l'élue sortante.
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Député-maire, sénateur-maire
vendredi 24 septembre 2010
Ce soir, dans une manifestation (et pas la moindre : la rentrée du barreau de Bordeaux), un éminent orateur s'est adressé à Alain Juppé en l'appelant "M. le député-maire".
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Alain Juppé, 'député-maire' de Bordeaux
Le problème n'est pas Juppé, mais cette espèce d'habitude lourdement ancrée dans nos traditions politiques (et un peu plus à Bordeaux qu'ailleurs) de cumuler les fonctions, en paraissant les additionner alors qu'on ne fait qu'en effacer l'une ou l'autre.
Un député ou un sénateur-maire est-il plus puissant qu'un député ou un sénateur tout court, ou bien qu'un maire tout court ? La réponse est simple : cela dépend de la taille de la ville. S'il s'agit d'une sympathique petite bourgade de nos campagnes, le député l'emporte haut la main et, pour ses quelques centaines d'administrés, il est celui qui a l'oreille de Paris et en effet, son audience est alors plus grande. S'il s'agit d'une de nos grandes métropoles, le maire est celui qu'on désigne au Parlement par sa ville. Rebsamen n'est pas connu parce qu'il est sénateur, mais parce qu'il est maire de Dijon. Collomb, parce qu'il est maire de Lyon. Leur "pouvoir", sur le terrain comme au national, ne tient pas à leur mandat de parlementaire, mais à ce que représente leur ville. Seul Jean-Marc Ayrault est également connu pour chacune de ses fonctions, parce qu'il est président du groupe SRC à l'Assemblée, groupe plutôt dynamique et audible nationalement, et qu'il est Maire de Nantes, ville également dynamique.
Ces fonctions, parlementaire et maire, fondamentalement, ne sont pas cumulables. Maire d'une grande ville est un emploi non seulement à plein temps mais à plein engagement du cerveau, à pleine présence sur le terrain. Député ou sénateur, ou on le fait bien, ou quelqu'un d'autre le fait. Sinon, on dévalorise l'importance du Parlement.
On devine que je vais introduire la question du cumul des mandats. J'y viendrai dans un prochain billet que je veux réfléchi, posé, parfaitement honnête, comme l'est d'ailleurs cette introduction et, j'espère, tout ce que j'écris.
À celui-ci, je n'apporterai qu'une conclusion souriante. Jean Louis Debré, Président du Conseil constitutionnel, était à deux chaises de moi quand cette belle apostrophe de "député-maire de Bordeaux" a été utilisée. Aimablement, il s'est tourné vers moi d'un air de dire "Vous avez encore du travail !"
Ma réponse l'a fait sourire plus encore : - Eh oui, il me faudra bien trois mandats pour effacer ces mauvaises habitudes bordelaises !"
Hugues Martin, qui était entre nous, a paru ne pas entendre.
Blog de Michèle Delaunay

28 septembre 2010

La promesse de faire l'égalité hommes-femmes en 2010 : nous sommes prêts pour le rendez-vous de vérité

Chers amis, chères amies,

Vous trouverez ci-dessous l'interview accordée par Ségolène Royal au journal le Parisien.
Amicalement,
L'équipe de Ségolène Royal

"Les syndicats ont prévu deux nouveaux jours de mobilisation contre la réforme des retraites du gouvernement, les 2 et 12 octobre. C'est encore utile ?

Ségolène Royal.
Oui, c'est très important de continuer. La mobilisation actuelle dans les rues est supérieure à celle du mouvement contre le CPE. Ce qui est nouveau , c'est la prise de conscience des jeunes et des femmes qui étaient beaucoup plus nombreux dans les défilés. Au départ, beaucoup n'ont pas regardé le fond de la réforme, mais ils se rendent compte maintenant des dégâts sociaux qu'elle va provoquer. Et que casser la retraite à 60 ans et celle à 65 ans provoque des injustices flagrantes . Cette mauvaise réforme est en fait une nouvelle taxe sur les bas et moyens salaires.

Comme les syndicats, vous parlez d'une mobilisation en hausse. Le gouvernement dit l'inverse. Qui croire ?
Chacun peut constater que les gens étaient plus nombreux dans la rue. Il suffit de faire des photos aériennes pour vérifier (sourires). Il y a une indécence dans cette polémique. Cela fait penser à Louis XVI qui ferme ses portes pour ne pas entendre la protestation de la rue. Jeudi, l'Elysée a diffusé un communiqué dès 11 heures pour dire que la mobilisation était en baisse avant même les manifestations de l'après-midi. Quand un pouvoir en est réduit à déformer la réalité de la révolte sociale pour mieux l'écraser, ça prouve qu'il la craint.

En faisant une comparaison avec Louis XVI, vous sous-entendez que la France est, comme à cette époque, dans un climat prérévolutionnaire ?
Mais il est évident qu'il y a un profond sentiment de révolte et d'écoeurement. Cette réforme a été menée contre les Français avec un refus de débat. La fermeture sur la question de la pénibilité, la non prise en compte des inégalités homme-femme, l'obsession mise à casser la liberté de prendre sa retraite à 60ans et le droit d'y accéder enfin à 65 ans... tout cela manifeste une incapacité à réformer de façon moderne et démocratique. Je ne vois qu'une explication : Nicolas Sarkozy a fait des promesses à ses amis du " premier cercle de l'ump". C'est clairement une privatisation des retraites qu'il impose. En effet ceux qui ont peur de ne pas pouvoir accèder à la retraite vont fuir vers les assurances privées tenues par les amis du pouvoir, les mêmes qui bénéficient des revenus du capital scandaleusement épargnés par la réforme.
 
Le débat va commencer au Sénat. Vous pensez que les sénateurs vont modifier la réforme du gouvernement ?
Tout dépend de la mobilisation. C'est pour cela qu'il est très important que ce mois soit utilisé pour installer la crédibilité de l' autre réforme possible, juste et durable que proposent les socialistes. C'est très important qu'il y ait un débouché politique à cette désespérance provoquée par une droite dure et manipulatrice qui pénalise les ouvriers , les petits employés, les femmes mères de famille et qui refuse de toucher aux privilèges de ses soutiens financiers.

Vous pensez que seule la rue peut faire bouger le gouvernement ?
La mobilisation sociale ne doit pas faiblir. Mais elle doit être accompagnée d'un travail de pédagogie des socialistes pour que les Français puissent être sécurisés et puissent se dire « oui la gauche rétablira la sécurité sociale et répartira les efforts avec justice". La puissante communication gouvernementale est faite de contre-vérités et de mensonges. Je rappelle que déjà en 2003 François Fillon nous disait que sa réforme allait financer les retraites jusqu'en 2020 ! Leur argument est très simple c'est de dire : «c'est nous qui sauvons les retraites». C'est faux ! Rien est sauvé, les financements ne sont pas assurés après 2012-2013. Et jamais ils n'ont répondu sur la participation des revenus du capital au financement des retraites, jamais ils n'ont répondu sur l'intégration de la pénibilité, jamais ils ont dit combien d'économies permettaient le report de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans. En fait ça ne rapporte pas grand chose car les salariés seniors basculent dans le chômage. C'est un transtert de charges de l'assurance vieillesse vers l'assurance chômage. La preuve c'est que le Medef réclame une révision à la baisse de l'indemnisation du chômage? L' objectif de la droite est d'abord idéologique : casser une réforme emblématique de François Mitterrand et privatiser la sécurité sociale. Vous verrez, après les retraites ce sera le tour de la santé.
 
 

Quand Benoît Hamon fait un meeting commun avec Olivier Besancenot pour défendre la retraite à 60 ans, cela vous gêne-t-il comme d'autres socialistes ?
Il ne faut pas en faire toute une histoire. Il y a des convergences de mobilisation pour s'opposer à une réforme, et des divergences sur la capacité à proposer. Nous sommes un parti de gouvernement, nous avons donc la responsabilité de faire des propositions solides et crédibles.
 
Concernant le terrorisme, l'Etat évoque une menace d'attentat. Dominique de Villepin dit lui «pas de panique»...
Les Français ne sont pas dupes. Il y a une part de mise en scène qui n'a pas de raison d'être. Et qui est meme dangereuse. Si menace il y a, la logique même de la lutte anti terroriste et du renseignement impose la discrétion. Ces questions ne se règlent pas avec légèreté. D'autant que s'il y a des choses graves qui se préparent, la moindre des choses seraient d'en informer l'opposition .
 
Sur cette question, vous trouvez que l'opposition n'est pas assez informée ?
S' il existe de réelles menaces, conformément à l'esprit de nos institutions l'opposition doit etre informée. La lutte contre le terrorisme est une action sérieuse et discrète incompatible avec l'annonce de pics d'alerte... comme par hasard pendant les mouvements sociaux.
 
Claude Bartolone a expliqué sur France Inter vendredi qu'il y aurait une entente entre Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry en vue de la présidentielle. Il ne vous a pas citée dans cet accord. Cela vous gêne ?
Au contraire car tout ce qui relance les manoeuvres d'appareil, dans le contexte de crise sociale où nous nous trouvons est jugé très sévèrement par les Français. Il faut que les entourages fassent preuve du même sens de responsabilité que celui qui a permis l'unité de La Rochelle. Cette unité est précieuse et je ne laisserai personne y porter atteinte. C'est également la volonté de Martine qui a redit que les primaires seraient transparentes.
 
Vous parlez d'unité au PS. En revanche, les journées parlementaires de l'UMP ont été l'occasion de querelles entre eux...
Les conflits internes à l'UMP prouvent que certains préparent déjà l'après-Sarkozy au lieu d' être à l'écoute des Français. Ils ont déjà fait beaucoup de dégâts, les caisses de l'Etat sont vides, les déficits atteignent des sommets... Et maintenant, ils sont tellement occupés à se disputer entre eux qu'ils n'ont même plus la capacité d'entendre la colère des Français. Lequel d'entre eux se souvient par exemple que le programme présidentiel de Sarkozy promettait : " l'égalité salariale entre les femmes et les hommes sera totale d'ici 2010" ? L'heure du bilan approche et nous sommes prêts pour ce rendez-vous de vérité."

Des juristes aux Églises, l’inventaire des oppositions - Mediapart

Les manifestations du 4 septembre 2010 organisées à l'appel d'une centaine d'associations, de la plupart des syndicats de salariés et des partis politiques de gauche, ainsi que le concert Rock sans papiers qui a eu lieu à Paris-Bercy le 18 septembre, ont donné un aperçu de la diversité de la contestation à la politique répressive menée par Nicolas Sarkozy à l'égard des étrangers et des Roms en particulier. Ces événements sont apparus comme l'aboutissement citoyen d'une mobilisation engagée six mois plus tôt, dès lors que le projet de loi Besson sur l'immigration, l'intégration et la nationalité a été présenté en conseil des ministres, le 31 mars.
Entraînées par leurs précédentes offensives contre les lois Sarkozy et Hortefeux (2003, 2006 et 2007), les associations de défense des droits des étrangers ont rapidement rédigé des contre-argumentaires détaillés afin d'expliquer «pourquoi il faut combattre le projet de loi Besson». Les professionnels impliqués dans la chaîne des reconduites à la frontière, juges et avocats notamment, ont fait connaître leur opposition à une réforme, qu'ils estiment contre-productive.
Irrités par les déclarations estivales du chef de l'État, les représentants des Églises se sont eux aussi manifestés, ce qu'ils ne font qu'exceptionnellement sur des questions politiques. Les partis de gauche ont dénoncé, comme le PS, une «restriction inacceptable des droits des immigrés», tandis qu'à droite quelques voix discordantes commencent à se faire entendre, telle celle de la députée UMP Nicole Ameline qui menace de voter contre le texte, car celui-ci «comporte un certain nombre de risques sur le terrain des droits fondamentaux».
Alors que les parlementaires sont appelés à examiner le projet de loi Besson à partir de mardi 28 septembre, voici un état des lieux des analyses des uns et des autres.

La contre-expertise associative en première ligne

Le travail le plus détaillé a été produit par un collectif de 200 associations, Uni(e)s contre une immigration jetable (Ucij), créé en 2006 pour s'opposer à la deuxième loi de Nicolas Sarkozy sur l'immigration. Deux analyses ont été largement diffusées via internet, une synthèse de 14 pages et un document exhaustif de 84 pages. Parmi les structures les plus impliquées dans la rédaction: l'association des Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l'Anafé, la Cimade, le Gisti, Migreurop, le SAF et le Syndicat de la magistrature, chacun ayant contribué en fonction de son domaine d'action.
Zone d'attente, contentieux administratif, asile, travail, Outre-mer, séjour des mineurs isolés, nationalité, délit de solidarité: articles après articles, le collectif démontre les contradictions du projet de loi, en révèle les buts inavoués et en décrit les possibles conséquences. Il s'en prend à la nature même du texte, qui selon lui «marque un tournant considérable dans la politique d'immigration française, notamment parce qu'il introduit de véritables régimes d'exception», citant «l'enfermement sans aucun contrôle judiciaire pendant cinq jours et le bannissement de l'Union européenne».
«Officiellement, indiquent ces associations, il s'agit de transposer en droit français trois directives communautaires. Pour le gouvernement, qui fait dire à ces textes européens ce qu'ils ne contiennent pas toujours, c'est surtout l'occasion d'affûter contre les migrants les outils juridiques existants et d'en forger de nouveaux, utilisables dès leur arrivée et lors de leur éloignement, beaucoup plus expéditif, le tout en cherchant à prévenir leur retour en France et au-delà en Europe. Tous les moyens sont bons, à commencer par celui d'amoindrir le pouvoir pour les juges de sanctionner les illégalités de la police quand elle interpelle des étrangers ou les rafle en masse. Certaines pratiques, jusqu'alors condamnées par les tribunaux, vont devenir acceptables. Malgré l'échec flagrant de la politique répressive envers les migrants, et sans tirer le bilan des conséquences humaines catastrophiques de cette politique, le projet de loi s'obstine à poursuivre dans la même impasse. Son message est au fond beaucoup plus politique que technique. Il est sous-tendu par l'idée selon laquelle les migrants ne bénéficient pas des mêmes droits et n'ont donc pas la même dignité humaine que les autres.»

  • Lire Aussi
    Les manifestations du 4 septembre 2010 organisées à l'appel d'une centaine d'associations, de la plupart des syndicats de salariés et des partis politiques de gauche, ainsi que le concert Rock sans papiers qui a eu lieu à Paris-Bercy le 18 septembre, ont donné un aperçu de la diversité de la contestation à la politique répressive menée par Nicolas Sarkozy à l'égard des étrangers et des Roms en particulier. Ces événements sont apparus comme l'aboutissement citoyen d'une mobilisation engagée six mois plus tôt, dès lors que le projet de loi Besson sur l'immigration, l'intégration et la nationalité a été présenté en conseil des ministres, le 31 mars.
    Entraînées par leurs précédentes offensives contre les lois Sarkozy et Hortefeux (2003, 2006 et 2007), les associations de défense des droits des étrangers ont rapidement rédigé des contre-argumentaires détaillés afin d'expliquer «pourquoi il faut combattre le projet de loi Besson». Les professionnels impliqués dans la chaîne des reconduites à la frontière, juges et avocats notamment, ont fait connaître leur opposition à une réforme, qu'ils estiment contre-productive.
    Irrités par les déclarations estivales du chef de l'État, les représentants des Églises se sont eux aussi manifestés, ce qu'ils ne font qu'exceptionnellement sur des questions politiques. Les partis de gauche ont dénoncé, comme le PS, une «restriction inacceptable des droits des immigrés», tandis qu'à droite quelques voix discordantes commencent à se faire entendre, telle celle de la députée UMP Nicole Ameline qui menace de voter contre le texte, car celui-ci «comporte un certain nombre de risques sur le terrain des droits fondamentaux».
    Alors que les parlementaires sont appelés à examiner le projet de loi Besson à partir de mardi 28 septembre, voici un état des lieux des analyses des uns et des autres.

    La contre-expertise associative en première ligne

    Le travail le plus détaillé a été produit par un collectif de 200 associations, Uni(e)s contre une immigration jetable (Ucij), créé en 2006 pour s'opposer à la deuxième loi de Nicolas Sarkozy sur l'immigration. Deux analyses ont été largement diffusées via internet, une synthèse de 14 pages et un document exhaustif de 84 pages. Parmi les structures les plus impliquées dans la rédaction: l'association des Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), l'Anafé, la Cimade, le Gisti, Migreurop, le SAF et le Syndicat de la magistrature, chacun ayant contribué en fonction de son domaine d'action.
    Zone d'attente, contentieux administratif, asile, travail, Outre-mer, séjour des mineurs isolés, nationalité, délit de solidarité: articles après articles, le collectif démontre les contradictions du projet de loi, en révèle les buts inavoués et en décrit les possibles conséquences. Il s'en prend à la nature même du texte, qui selon lui «marque un tournant considérable dans la politique d'immigration française, notamment parce qu'il introduit de véritables régimes d'exception», citant «l'enfermement sans aucun contrôle judiciaire pendant cinq jours et le bannissement de l'Union européenne».
    «Officiellement, indiquent ces associations, il s'agit de transposer en droit français trois directives communautaires. Pour le gouvernement, qui fait dire à ces textes européens ce qu'ils ne contiennent pas toujours, c'est surtout l'occasion d'affûter contre les migrants les outils juridiques existants et d'en forger de nouveaux, utilisables dès leur arrivée et lors de leur éloignement, beaucoup plus expéditif, le tout en cherchant à prévenir leur retour en France et au-delà en Europe. Tous les moyens sont bons, à commencer par celui d'amoindrir le pouvoir pour les juges de sanctionner les illégalités de la police quand elle interpelle des étrangers ou les rafle en masse. Certaines pratiques, jusqu'alors condamnées par les tribunaux, vont devenir acceptables. Malgré l'échec flagrant de la politique répressive envers les migrants, et sans tirer le bilan des conséquences humaines catastrophiques de cette politique, le projet de loi s'obstine à poursuivre dans la même impasse. Son message est au fond beaucoup plus politique que technique. Il est sous-tendu par l'idée selon laquelle les migrants ne bénéficient pas des mêmes droits et n'ont donc pas la même dignité humaine que les autres.»

  • En rétention, les cinq associations d'une même voix

    Un communiqué commun? Du jamais vu pour ces associations fâchées depuis que le gouvernement est parvenu à réduire la présence de la Cimade dans les centres de rétention administrative (CRA). Après avoir été reçues au ministère de l'immigration début septembre, l'Assfam, la Cimade, Forum réfugiés, France terre d'asile et l'Ordre de Malte, ont «unanimement» dénoncé le projet de loi Besson. Sur la forme, elles regrettent de «ne pas avoir été associées à un véritable débat dès l'élaboration» du texte.
    Aux côtés des étrangers enfermés dans les centres de rétention, elles critiquent, sur le fond, la «complication de la législation française». Pour leurs intervenants, comme pour les intéressés, il s'agit de la cinquième réforme du Code de l'entrée et du séjour en sept ans, soit autant d'astuces à connaître et de chausse-trapes à éviter.
    Précisément, elles dénoncent la privation de liberté des étrangers pendant cinq jours sans présentation au juge judiciaire, la réduction du pouvoir de ce juge «qui ne pourra plus tirer les conséquences légales de certaines irrégularités», l'allongement «inutile» à 45 jours de la durée de la rétention, la création d'un bannissement administratif «sans aucune protection pour certaines catégories de personnes», la création de zone d'attente «mobiles» ainsi que les «entraves supplémentaires» mises à l'exercice du droit d'asile. Au final, elles estiment que cette réforme risque de conduire «à la multiplication de gestes désespérés et à une dégradation du climat» dans les CRA.

    Les juges administratifs face à l'inflation du contentieux

    Syndicat majoritaire des juges administratifs, le Syndicat de la juridiction administrative (SJA) a fait savoir, dès avril 2010, qu'il était «solidaire» de ses collègues judiciaires «à qui il est implicitement reproché d'avoir appliqué le droit dans l'affaire des réfugiés kurdes débarqués en Corse en début d'année». L'ordre d'intervention des juges (judiciaire d'abord pour contrôler la régularité de la procédure de privation de liberté, administratif ensuite pour vérifier la légalité de la décision d'éloignement) va être inversé, regrette-t-il, ce qui aura pour effet «d'escamoter en pratique le juge judiciaire par le biais d'un allongement de deux à cinq jours de la période initiale de rétention». Ce projet, selon lui, est «sous-tendu par l'idée erronée que le juge administratif s'opposerait moins souvent aux mesures d'éloignement des étrangers que le juge judiciaire alors que cela ne tient qu'à la différence de la nature des litiges soumis à ces deux juges».
    Ce «durcissement supplémentaire», ajoute-t-il, va «engendrer une nouvelle inflation de dossiers contentieux de façon totalement artificielle», puisque le juge administratif aura à se prononcer sur le sort de tous les étrangers retenus, y compris ceux qui, jusqu'à présent, étaient libérés en raison d'une irrégularité de procédure.

    La CNDH préoccupée par une «banalisation» de la privation de liberté

    Saisie par le ministre de l'immigration sur son projet de loi, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a adopté un avis négatif le 5 juillet 2010. Ses membres remarquent que le texte qui leur a été soumis «ne se borne pas à transposer les directives communautaires» et qu'il conforte l'«instabilité» et l'«opacité» du droit des étrangers. Surtout, ils notent qu'il «contribue à banaliser la privation de liberté comme technique de gestion de l'immigration, en marginalisant le rôle du juge judiciaire et en renforçant les pouvoirs de l'administration».

    Les milieux chrétiens contre la «fragilisation» du droit des étrangers

    Sur les questions d'immigration et d'asile, le courant passe mal entre le gouvernement et les Églises. Les expulsions de Roms et les déclarations de Nicolas Sarkozy sur les Français «d'origine étrangère», cet été, ont réactivé le mécontentement qu'avait suscité, dans la loi Hortefeux de novembre 2007, l'amendement du député UMP Thierry Mariani sur les tests ADN. Pour prendre les devants, une délégation de l'épiscopat s'est rendue, le 21 septembre, au ministère de l'immigration pour dire à Éric Besson que son projet de loi «questionne notre conscience».
    La Conférence des évêques de France lui a remis un message indiquant qu'il est en son devoir de «combattre toute mesure contribuant à affaiblir la famille». Rappelant leur attachement au droit d'asile, les représentants de l'Église catholique jugent, par ailleurs, «inacceptables» les mesures «qui tendent à diminuer le soutien ou les garanties d'une procédure équitable». En retardant l'intervention du juge des libertés en rétention, estiment-ils aussi, Éric Besson «contrevient» au droit d'«entendre la parole des personnes privées de liberté». «L'aide humanitaire aux migrants en difficulté, rappellent-ils enfin, ne doit jamais être confondue avec l'activité délictuelle des “passeurs”».
    Dans un appel intitulé «Ne laissons pas fragiliser le droit de l'étranger», plusieurs organismes chrétiens, parmi lesquels Acat-France (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture), le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), la Fédération de l'entraide protestante (FED) et la Cimade, estiment que la réforme Besson «constitue une étape supplémentaire dans la fragilisation d'hommes, de femmes, d'enfants et de familles déjà fortement ébranlées par les difficultés de l'exil». Le 26 août, ils sont allés plus loin en appelant les élus de tout bord à «refuser les dispositions de ce projet de loi, contraires à nos valeurs».

    Des associations inquiètes du sort des étrangers malades

    À l'origine absente de la réforme, la remise en cause du droit des étrangers malades est venue d'un amendement présenté par Thierry Mariani et adopté en commission des lois à l'Assemblée nationale, le 15 septembre. Pour Act Up-Paris, ce texte fait peser des risques sur la vie de milliers d'étrangers gravement malades (environ 28.000 personnes sont potentiellement concernées). Dans un communiqué, l'association décrit un possible scénario en cas de vote par le Parlement: «Décembre 2010: Mme N., en situation irrégulière, est expulsée vers l'Ouganda de la France où elle suivait un traitement. Elle est séropositive et atteinte d'un cancer. En Ouganda, moins de la moitié des séropositives ont accès à un traitement. Juin 2011: Mme N. meurt faute de traitements. L'amendement Mariani a réduit son espérance de vie de plusieurs années à 6 mois, l'amendement Mariani l'a tuée.»


Projet de loi Besson: le soupçon et la répression

Sarkozy, Hortefeux... et maintenant Besson. Examiné en première lecture à partir de mardi 28 septembre par les députés, le projet de loi immigration, intégration et nationalité, porté par Éric Besson, s'inscrit dans le droit fil de la politique migratoire initiée en 2002 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, d'une suspicion généralisée envers les étrangers.
Depuis plusieurs mois, la contestation a pris de multiples formes. Juges, avocats, militants, hommes d'Église et associations de malades ont exprimé, tour à tour, leur inquiétude à l'égard d'une réforme jugée régressive. Dans la rue, le 4 septembre 2010, à Paris et partout en France, des dizaines de milliers de personnes ont défilé contre la «xénophobie d'État», dénonçant les actions menées par les pouvoirs publics à l'encontre des Roms. Signe d'une exaspération grandissante, cette mobilisation s'est poursuivie sous la forme d'un jeûne de dix jours devant l'Assemblée nationale et d'un appel du collectif Uni(e)s contre une immigration jetable à la responsabilité des parlementaires, mis en ligne dimanche 26 septembre sur Mediapart.
Présenté en conseil des ministres avant le discours ultra-sécuritaire prononcé le 30 juillet à Grenoble par le président de la République, le projet de loi Besson a été remanié afin d'intégrer les mesures sur la déchéance de la nationalité et les expulsions de Roms. La législation comme instrumentalisation de l'actualité, puisque déjà, l'arrivée de Kurdes de Syrie sur les côtes corses, en janvier 2010, avait donné lieu à la rédaction d'articles de loi sur-mesure.
Cinquième réforme législative en sept ans, ce texte de «maîtrise de l'immigration» se veut «équilibré», à savoir «juste et ferme», l'ex-transfuge du PS reprenant mot pour mot la terminologie utilisée en 2003, 2006 et 2007.
«Équilibré»? Le projet de loi consiste en une série de durcissements du Code de l'entrée et du séjour des étrangers. À une ou deux exceptions près, il ne comprend aucune amélioration en matière de droits des migrants. Il invente en priorité de nouveaux dispositifs pour faciliter les retours forcés, bannir les «indésirables» et fragiliser les conditions de vie des étrangers malades. L'intégration n'est vue que sous le prisme des efforts supplémentaires à fournir par les immigrés en vue d'une hypothétique «assimilation». En matière de nationalité, c'est la sanction d'une éventuelle déchéance qui est mise en avant.
Sous couvert de transposer des directives européennes, ce texte modifie une nouvelle fois en profondeur le travail des juges et des avocats, en le complexifiant. L'accès des personnes à leurs droits, déjà aléatoire et ténu, est rendu plus difficile encore. Le pouvoir de l'administration se renforce, au détriment du pouvoir du juge judiciaire gardien des libertés. Il est peu probable que l'État y gagne en efficacité, comme le ministre le prétend, mais un autre objectif est atteint: banaliser la privation de liberté et ériger la politique de la peur en technique de gouvernement. Passage en revue des bouleversements à prévoir.

Rétention: allongement de la durée d'enfermement

Trahissant la promesse de son prédécesseur Brice Hortefeux de ne pas y toucher, Éric Besson veut faire passer la durée maximale d'enfermement dans les centres de rétention administrative (CRA) de 32 à 45 jours, comme la directive «retour», votée par le Parlement européen en juin 2008, l'y autorise. But affiché: laisser plus de temps aux consulats pour délivrer les laissez-passer, sans lesquels les étrangers ne peuvent être expulsés. «La France restera le pays européen dont la durée maximale de rétention est la plus courte», répète le ministre, omettant de rappeler qu'en majorité, les reconduites à la frontière ont lieu au cours des dix premiers jours de rétention.
Dans son rapport de juillet 2009, le sénateur UMP Pierre Bernard-Reymond estimait lui-même que «l'allongement de la durée de rétention n'apparaît plus, en règle générale, comme un moyen d'améliorer l'efficacité du système alors que son coût n'est pas négligeable». De sorte que la mesure apparaît principalement punitive: même si les étrangers sont libérés in fine, ils auront passé plus de temps enfermés, toujours dans la peur d'être expulsés. 

Plus de pouvoir à l'administration, moins au juge des libertés

Au motif de rendre l'action administrative et contentieuse «plus efficace», le ministre propose, en rétention, de retarder l'intervention des juges des libertés (JLD) de 48 heures à 5 jours. Les juges administratifs, chargés de statuer sur la légalité de la mesure d'éloignement, seront amenés à se prononcer avant les juges des libertés dont la mission est de contrôler les conditions d'arrestation, de placement en garde à vue et de maintien en centre de rétention ou en zone d'attente. Des expulsions pourront ainsi être exécutées sans que les JLD aient été sollicités.
Pour le ministère, il s'agit de contourner ces juges judiciaires accusés, implicitement, de faire obstacle aux reconduites à la frontière. Il s'agit aussi de réduire leur champ d'action: ils ne disposeront plus que de 24 heures pour statuer et les irrégularités de procédure n'entraîneront la nullité que si elles présentent «un caractère substantiel» et ont pour effet «de porter atteinte aux droits de l'étranger». Par ailleurs, le deuxième juge des libertés, appelé à se prononcer pour un éventuel prolongement de la rétention, ne pourra soulever une irrégularité qui n'aurait pas été relevée par le premier juge. 

Des expulsés bannis du territoire européen

Le projet de loi crée une interdiction de retour sur le territoire français, qui se veut «dissuasive, notamment au regard de sa dimension européenne». De fait, les personnes concernées – y compris celles résidant en France depuis des années, y étant mariées ou ayant des attaches familiales – ne pourront plus revenir, une fois expulsées, ni en France, ni ailleurs en Europe pendant une durée de deux ou cinq ans.
Ce dispositif découle de la directive «retour», mais Éric Besson n'a pas jugé utile de transposer les garanties qu'elle prévoit (recours suspensif, catégories de personnes à protéger et règles d'abrogation).

Droit d'asile: des zones d'attente partout en France

Lorsqu'une centaine de Kurdes de Syrie ont débarqué en Corse, le ministre de l'immigration avait exigé qu'ils soient placés dans divers centres de rétention en France en vue de leur reconduite à la frontière. Mais les juges ont ordonné leur libération, notamment car ces personnes souhaitaient demander l'asile. En réaction à ce désaveu, Éric Besson a décidé de modifier la définition des zones d'attente. Ces espaces sont aujourd'hui localisés dans les aéroports, les gares et les ports internationaux, où les étrangers demandant l'asile sont maintenus le temps que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) statue sur leur sort.
Pour éviter que des personnes ne passent entre les mailles du filet, le projet de loi prévoit d'étendre ces zones «du lieu de découverte des intéressés jusqu'au point de passage frontalier le plus proche». Dans ce cas de figure, les exilés kurdes auraient pu être retenus, voire éloignés rapidement.

Des atteintes au droit au séjour des étrangers malades

En commission des lois, le 15 septembre, le député UMP Thierry Mariani a fait adopter un amendement mettant en danger les étrangers gravement malades, c'est-à-dire ceux «dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité». Depuis la loi Chevènement de 1998, ces personnes obtiennent une carte de séjour temporaire lorsqu'elles ne «peuvent effectivement  bénéficier d'un traitement approprié» dans leur pays d'origine.
Le projet de loi propose qu'elles n'en bénéficient qu'en cas d'«inexistence» du traitement dans leur pays d'origine, alors que, pour les malades, la question, vitale le plus souvent, n'est pas de savoir si les médicaments existent, mais s'ils y ont accès. Dans certains pays, du Sud notamment, les traitements sont théoriquement disponibles, mais les personnes qui devraient en bénéficier ne peuvent les acheter pour de multiples raisons (coût, quantité insuffisante, éloignement du lieu d'habitation).

Création d'une «carte bleue» européenne

Transposition de la directive européenne «carte bleue» du 25 mai 2009, un nouveau titre de séjour est créé. Les critères sont des plus sélectifs car l'objectif est de n'attirer qu'une main-d'œuvre «hautement qualifiée». Sont éligibles les personnes disposant d'un contrat ou d'une promesse d'embauche ferme pour un emploi «hautement qualifié» d'une durée d'au moins un an, justifiant d'un niveau de diplôme d'au moins trois années après le baccalauréat ou de cinq années d'expérience sur un poste «hautement qualifié» dans le même secteur professionnel et dont le salaire mensuel atteint environ 4.000 euros. Au regard de l'échec de la carte «compétences et talents» créée par Nicolas Sarkozy en 2006 – 469 étrangers seulement en ont bénéficié en 2009 –,  il est à prévoir que la carte bleue, qui s'inscrit dans une vision utilitariste de l'immigration, sera, de la même manière, délivrée au compte-gouttes.

Travailleurs sans papiers: rien en matière de régularisation

En cas de licenciement, un travailleur sans papiers aura droit à une «indemnité forfaitaire» non plus d'un mois, comme le prévoit la législation aujourd'hui, mais de trois mois. Dans le sillage de la directive européenne «sanction» du 18 juin 2009, Éric Besson prend quelques mesures à l'encontre des employeurs d'étrangers sans autorisation de travail, notamment des sanctions pénales visant les donneurs d'ordre en cas de sous-traitance et la fermeture administrative d'un établissement, sans préciser que les moyens de contourner ces dispositifs restent nombreux et sans appeler le ministre concerné à augmenter le nombre d'inspecteurs du travail.
Le projet de loi, par ailleurs, ne dit pas un mot des critères de régularisation des travailleurs sans papiers, alors même que le ministre s'est engagé, en juin 2010, à «traiter dans de meilleurs délais chacun des dossiers présentés» et à «mieux tenir compte des spécificités de certains secteurs professionnels (intérim, nettoyage et aide à la personne)». Mais le gouvernement préfère s'en tenir à un accord sans valeur législative contraignante. 

Intégration: aucun droit supplémentaire, que des obligations

En la matière, le projet de loi tire les leçons du «grand débat sur l'identité nationale», selon Éric Besson. Les candidats à la nationalité française devront signer une «charte des droits et devoirs du citoyen français» rappelant les «principes et valeurs essentiels de la République». L'objectif, en filigrane, est d'exclure les femmes portant le voile intégral et leurs maris.
Introduit par amendement, le dispositif élargissant la déchéance de nationalité voulu par Nicolas Sarkozy s'appliquera aux personnes ayant été naturalisées depuis moins de dix ans en cas de «meurtre ou violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner» commis sur un dépositaire de l'autorité publique. Un faible nombre de personnes devrait être concerné, mais l'effet d'annonce est là, transposé dans la législation. En instaurant une hiérarchie entre les Français, cette mesure contrevient au principe constitutionnel d'égalité de tous les citoyens devant la loi.

Des mesures visant implicitement les Roms

Pour coller au discours de Grenoble, des amendements présentés par le gouvernement ont été votés en commission des lois. Les ressortissants européens présents depuis plus de trois mois sur le territoire pourront être expulsés si leur comportement «a menacé l'ordre public» ou s'ils ont exercé une activité salariée sans autorisation alors qu'ils y étaient soumis. Par menace à l'ordre public, le projet de loi entend, par exemple, «trafic de stupéfiants», «proxénétisme», «exploitation de la mendicité», «vol dans un transport collectif», mais aussi «occupation illégale d'un terrain public ou privé». Et cela, alors même que le tribunal administratif de Lille a annulé, le 27 août 2010, des arrêtés d'expulsion de Roms au motif que l'occupation illégale d'un terrain communal ou privé «ne suffit pas à caractériser l'existence d'une menace à l'ordre public».
En cas de séjour de moins de trois mois, le projet de loi envisage là aussi des durcissements: les personnes ne pourront rester sur le territoire que tant qu'elles «ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale français». Il élargit enfin les possibilités d'éloignement en cas d'«abus de droit». Les Roms ne sont pas cités, mais ce sont eux qui sont visés.

interview de Ségolène Royal à Médiapart

27 Septembre 2010 

"Les syndicats ont prévu deux nouveaux jours de mobilisation contre la réforme des retraites du gouvernement, les 2 et 12 octobre. C'est encore utile ?

Ségolène Royal.
Oui, c'est très important de continuer. La mobilisation actuelle dans les rues est supérieure à celle du mouvement contre le CPE. Ce qui est nouveau , c'est la prise de conscience des jeunes et des femmes qui étaient beaucoup plus nombreux dans les défilés. Au départ, beaucoup n'ont pas regardé le fond de la réforme, mais ils se rendent compte maintenant des dégâts sociaux qu'elle va provoquer. Et que casser la retraite à 60 ans et celle à 65 ans provoque des injustices flagrantes . Cette mauvaise réforme est en fait une nouvelle taxe sur les bas et moyens salaires.

Comme les syndicats, vous parlez d'une mobilisation en hausse. Le gouvernement dit l'inverse. Qui croire ?
Chacun peut constater que les gens étaient plus nombreux dans la rue. Il suffit de faire des photos aériennes pour vérifier (sourires). Il y a une indécence dans cette polémique. Cela fait penser à Louis XVI qui ferme ses portes pour ne pas entendre la protestation de la rue. Jeudi, l'Elysée a diffusé un communiqué dès 11 heures pour dire que la mobilisation était en baisse avant même les manifestations de l'après-midi. Quand un pouvoir en est réduit à déformer la réalité de la révolte sociale pour mieux l'écraser, ça prouve qu'il la craint.

En faisant une comparaison avec Louis XVI, vous sous-entendez que la France est, comme à cette époque, dans un climat prérévolutionnaire ?
Mais il est évident qu'il y a un profond sentiment de révolte et d'écoeurement. Cette réforme a été menée contre les Français avec un refus de débat. La fermeture sur la question de la pénibilité, la non prise en compte des inégalités homme-femme, l'obsession mise à casser la liberté de prendre sa retraite à 60ans et le droit d'y accéder enfin à 65 ans... tout cela manifeste une incapacité à réformer de façon moderne et démocratique. Je ne vois qu'une explication : Nicolas Sarkozy a fait des promesses à ses amis du " premier cercle de l'ump". C'est clairement une privatisation des retraites qu'il impose. En effet ceux qui ont peur de ne pas pouvoir accèder à la retraite vont fuir vers les assurances privées tenues par les amis du pouvoir, les mêmes qui bénéficient des revenus du capital scandaleusement épargnés par la réforme.

Le débat va commencer au Sénat. Vous pensez que les sénateurs vont modifier la réforme du gouvernement ?
Tout dépend de la mobilisation. C'est pour cela qu'il est très important que ce mois soit utilisé pour installer la crédibilité de l' autre réforme possible, juste et durable que proposent les socialistes. C'est très important qu'il y ait un débouché politique à cette désespérance provoquée par une droite dure et manipulatrice qui pénalise les ouvriers , les petits employés, les femmes mères de famille et qui refuse de toucher aux privilèges de ses soutiens financiers.

Vous pensez que seule la rue peut faire bouger le gouvernement ?
La mobilisation sociale ne doit pas faiblir. Mais elle doit être accompagnée d'un travail de pédagogie des socialistes pour que les Français puissent être sécurisés et puissent se dire « oui la gauche rétablira la sécurité sociale et répartira les efforts avec justice". La puissante communication gouvernementale est faite de contre-vérités et de mensonges. Je rappelle que déjà en 2003 François Fillon nous disait que sa réforme allait financer les retraites jusqu'en 2020 ! Leur argument est très simple c'est de dire : «c'est nous qui sauvons les retraites». C'est faux ! Rien est sauvé, les financements ne sont pas assurés après 2012-2013. Et jamais ils n'ont répondu sur la participation des revenus du capital au financement des retraites, jamais ils n'ont répondu sur l'intégration de la pénibilité, jamais ils ont dit combien d'économies permettaient le report de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans. En fait ça ne rapporte pas grand chose car les salariés seniors basculent dans le chômage. C'est un transtert de charges de l'assurance vieillesse vers l'assurance chômage. La preuve c'est que le Medef réclame une révision à la baisse de l'indemnisation du chômage? L' objectif de la droite est d'abord idéologique : casser une réforme emblématique de François Mitterrand et privatiser la sécurité sociale. Vous verrez, après les retraites ce sera le tour de la santé.

Quand Benoît Hamon fait un meeting commun avec Olivier Besancenot pour défendre la retraite à 60 ans, cela vous gêne-t-il comme d'autres socialistes ?
Il ne faut pas en faire toute une histoire. Il y a des convergences de mobilisation pour s'opposer à une réforme, et des divergences sur la capacité à proposer. Nous sommes un parti de gouvernement, nous avons donc la responsabilité de faire des propositions solides et crédibles.

Concernant le terrorisme, l'Etat évoque une menace d'attentat. Dominique de Villepin dit lui «pas de panique»...
Les Français ne sont pas dupes. Il y a une part de mise en scène qui n'a pas de raison d'être. Et qui est meme dangereuse. Si menace il y a, la logique même de la lutte anti terroriste et du renseignement impose la discrétion. Ces questions ne se règlent pas avec légèreté. D'autant que s'il y a des choses graves qui se préparent, la moindre des choses seraient d'en informer l'opposition .

Sur cette question, vous trouvez que l'opposition n'est pas assez informée ?
S' il existe de réelles menaces, conformément à l'esprit de nos institutions l'opposition doit etre informée. La lutte contre le terrorisme est une action sérieuse et discrète incompatible avec l'annonce de pics d'alerte... comme par hasard pendant les mouvements sociaux.

Claude Bartolone a expliqué sur France Inter vendredi qu'il y aurait une entente entre Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry en vue de la présidentielle. Il ne vous a pas citée dans cet accord. Cela vous gêne ?
Au contraire car tout ce qui relance les manoeuvres d'appareil, dans le contexte de crise sociale où nous nous trouvons est jugé très sévèrement par les Français. Il faut que les entourages fassent preuve du même sens de responsabilité que celui qui a permis l'unité de La Rochelle. Cette unité est précieuse et je ne laisserai personne y porter atteinte. C'est également la volonté de Martine qui a redit que les primaires seraient transparentes.

Vous parlez d'unité au PS. En revanche, les journées parlementaires de l'UMP ont été l'occasion de querelles entre eux...
Les conflits internes à l'UMP prouvent que certains préparent déjà l'après-Sarkozy au lieu d' être à l'écoute des Français. Ils ont déjà fait beaucoup de dégâts, les caisses de l'Etat sont vides, les déficits atteignent des sommets... Et maintenant, ils sont tellement occupés à se disputer entre eux qu'ils n'ont même plus la capacité d'entendre la colère des Français. Lequel d'entre eux se souvient par exemple que le programme présidentiel de Sarkozy promettait : " l'égalité salariale entre les femmes et les hommes sera totale d'ici 2010" ? L'heure du bilan approche et nous sommes prêts pour ce rendez-vous de vérité."