19 décembre 2009

Par Najat

Bonne nouvelle cette semaine, Brice Hortefeux a reçu le prix de la lutte contre le racisme. Blague ? Pas du tout, il faut dire que le ministre de l’Intérieur et ex ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale n’a pas ménagé ses efforts depuis l’élection de Nicolas Sarkozy pour promouvoir l’amitié entre les peuples. C’est d’ailleurs par un témoignage de grande satisfaction que les historiens ont salué la création de ce ministère honteux en démissionnant collectivement du conseil scientifique de la Cité de l’histoire de l’immigration.
Depuis lors, que des motifs de louer l’action de Brice Hortefeux, impliqué à fond dans la mise en œuvre d’une politique migratoire qualifiée de « racialiste » par Patrick Weil, mais aussi de productiviste avec toujours plus de reconduites à la frontières, toujours moins de reconnaissance du droit d’asile et toujours plus de difficulté à obtenir un visa ou un regroupement familial.Brice Hortefeux, ce n’est pas seulement une politique efficace, c’est aussi un comportement exemplaire en toute circonstance. Pour ce qui ne l’ont pas lu, je vous recommande le livre d’Azouz Begag, Un mouton dans la baignoire, qui témoigne du délicieux mépris dont il a été l’objet de la part du récipiendaire de ce prix de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, traitement dont il faut bien dire qu’il n’a pas été seul à profiter puisqu’aussi bien Rachida Dati (qui n’hésite pas à qualifier son ex-collègue de « gros raciste ») que Fadéla Amara ont eu l’occasion d’y goûter. Souvenons nous de Brice Hortefeux disant à propos de la Secrétaire d’Etat en charge de la Politique de la Ville : « c'est une compatriote, même si ce n'est pas forcément évident, je le précise. ». Non vraiment, ce prix est bien mérité !
En même temps, je ne peux m’empêcher de penser à l’injustice ainsi faite à Eric Besson ou à Nadine Morano qui pouvaient tout aussi légitimement prétendre à cette récompense. Peut-être pourront-ils prétendre au prix de l’humour politique ? Nadine Morano ne plaisantait-elle pas en déclarant il y a quelques jours à propos d’un jeune musulman (sic) « ce que je veux c’est qu’il aime la France quand il vit dans ce pays, c’est qu’il trouve un travail, et qu’il ne parle pas le verlan, c’est qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers… »
Plus sérieusement, tout cela est parfaitement grotesque et dangereux, ce gouvernement, avec ses dérapages à répétition et ce débat sur l’identité nationale qui confond tout, atteint le comble de l’absurde et de l’indignité. Le mélange explosif de sujets sans rapports, que le parti socialiste dénonce depuis des semaines, ouvre la porte à tous les bas instincts : l’identité nationale, la politique de l’immigration, la montée de l’insécurité, les jeunes issus de l’immigration, le rapport à l’histoire nationale, l’interdiction de la burqa, les minarets, la « douce France » de Charles Trenet ou encore « l’islamisation rampante de la société française ».
Il ne manquait plus que le lien identitaire à la terre et à sa culture sur plusieurs générations pour parfaire le tableau d’une France dans laquelle de très nombreux citoyens auront bien du mal à se reconnaître.
Il ne s’agit pas de monter sur ses grands chevaux pour reprocher à la droite d’appliquer une politique pour laquelle elle été élue, mais une élection ne donne pas tous les droits, et là, la ligne jaune est dépassée. Le gouvernement joue avec le feu.
L’UMP n’est pas le Front national, certes, mais il commet l’erreur très grave de poser les questions comme lui, de raisonner comme lui, et de biaiser les problèmes comme lui. L’équation : immigrés = islam = insécurité = la France en danger, c’est le programme du Front National, et rien d’autre.Jusqu’à présent nous étions tous d’accord, entre républicains, pour refuser un tel postulat dans le débat public, ce piège sur le plan intellectuel. Le gouvernement nous dit aujourd’hui : finalement, le Front National pose de bonnes questions et il faut trouver des réponses pour résoudre cette équation.
Ce n’est pas comme ça qu’on peut réfléchir sur la question de l’identité nationale. Il n’y a que deux manières d’aborder la question de l’Identité nationale si on veut aller au fond des choses : soit on considère que ça se joue sur le plan de la race, du sang, de l’héritage, du lien à la terre natale ou à la religion de ses ancêtres, soit on considère que ça se joue sur le plan des idées, de l’idéal, de l’aspiration individuelle à vivre dans un ensemble plus vaste que soi, et à en partager l’histoire, les valeurs, mais aussi l’avenir. Je me reconnais dans cette deuxième famille de pensée, héritière de la révolution française, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et de la longue tradition républicaine privilégiant la liberté individuelle et l’universalité des valeurs, plutôt que la sacralisation des héritages et des enracinements identitaires. L’identité nationale française, c’est cet idéal vers lequel il faut tendre sans cesse d’une citoyenneté républicaine plus soucieuse du progrès humain que de la préservation des privilèges de naissance. On nous propose un débat, mais celui-ci est tronqué, truqué, manipulé et on en perçoit déjà sa conclusion dans les propos d’Eric Besson ou du chef de l’Etat. Y-a-t-il seulement un débat ? Aux écrivains, le droit de se taire ; à l’opposition, le droit de se coucher ; à Nicolas Sarkozy, le pouvoir absolu de dire ce qu’est la France, et ce qu’elle n’est pas, y compris en réécrivant son histoire.
A tous les autres, le devoir de l’écouter, de l’acquiescer, de l’applaudir, et de se rendre en Préfecture pour se faire délivrer un certificat de conformité de bon citoyen. Les chômeurs, les malades, les bénéficiaires de l’instruction publique ou les intellectuels suspects de détestation de leur propre pays ont du souci à se faire.
L’entreprise d’intimidation idéologique menée par le gouvernement franchit une nouvelle étape en déniant à ceux qui n’aiment pas Nicolas Sarkozy le droit d’aimer la France.Nicolas Sarkozy s’arroge un droit qu’il n’a pas : il a été élu pour garantir l’unité de la nation et faire vivre ses valeurs, pas pour trier le bon grain de l’ivraie, et moins encore pour redéfinir à lui tout seul l’identité de la France.
Comme le disait le Général de Gaulle, « il y a deux catégories de Français, ceux qui pensent qu’il y a deux catégories de Français et les autres » La France, ce n’est pas lui, c’est nous.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire