26 juillet 2010

L’agence ONU Femmes créée début juillet 2010 est dotée de moyens insuffisants pour une mission de terrain très lourde

63 ans après la création de l’UNICEF, la création d’ONU Femmes (« UN Women ») a été annoncée le 2 juillet 2010 à New York. Elle regroupera 4 entités onusiennes, dont la plus importante est le Fonds de développement des Nations unies pour les femmes (Unifem), instauré en 1976, et la personnalité qui la dirigera aura grade de secrétaire général adjoint, sous l’autorité directe du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon.
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L’agence sera voué à la « lutte contre les inégalités entre les sexes et à l'autonomisation des femmes », les champs d’action seront donc très vastes.
Le secrétaire général de l’ONU s’est personnellement impliqué dans la lutte contre les violences faites aux femmes. En 2008, il a lancé la campagne « Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes ». Nicole Kidman, nommée ambassadrice de l’Unifem en 2006, apporte son soutien à cette lutte.
L’ONU souligne que jusqu’à 70% des femmes sont victimes de la violence au cours de leur vie ; selon les données de la Banque mondiale, le viol et la violence conjugale représentent un risque plus grand pour une femme âgée de 15 à 44 ans, que le cancer, les accidents de la route, la guerre et le paludisme réunis. La violence et l’absence de choix de bien des femmes impliquent une plus grande vulnérabilité : les femmes battues par leur partenaire ont 48% de probabilité de plus d’être infectées par le VIH ; en Europe, en Amérique du Nord et en Australie, plus de la moitié des femmes handicapées sont victimes de maltraitance contre un tiers pour les femmes non handicapées.
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Nicole Kidman, nommée ambassadrice de l’Unifem en 2006, apporte son soutien à la lutte contre la violence des femmes (ONU)
Une femme sur cinq sera victime de viol ou de tentative de viol au cours de sa vie ; et entre 500 000 et 2 millions de personnes font l’objet de traite tous les ans, à des fins de prostitution, il s’agit de femmes à 80%.
Selon l’ONU, plus de 130 millions de filles et de femmes vivant aujourd’hui ont subi une excision, principalement en Afrique et dans quelques pays du Moyen-Orient, et on considère que 2 millions de filles par an courent le risque de mutilation.
Selon une étude de l’ONU, les coûts directs (soins, soutien des familles, justice) et indirects (productivité) des violences faites aux femmes est très élevé : plus de 5,8 Md$ par an aux Etats-Unis, et 23 Md£ par an au Royaume-Uni en y ajoutant l’impact et le traitement de la douleur et des souffrances, soit 440 £ par personne.
Le budget de la nouvelle agence ONU Femmes sera de 500 M$, plus du double des budgets des quatre entités réunies, alors même que les budgets des entités avaient triplé les trois dernières années.
Mais malgré cette progression très significative, la question des moyens alloués à l’agence suscite bien des interrogations. Car les 500 M$ budgétés pour ONU Femmes, c’est 6 fois moins que le budget qui fait référence en la matière, celui de l’UNICEF (3 Md$), et 10 fois moins que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) (5 Md$).
C’est aussi notoirement insuffisant pour mettre en œuvre l’Objectif du Millénaire numéro 3, « Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes », dont les besoins de financement ont été estimés en 2008 par la Banque Mondiale à un montant compris entre 60 et 80 Md$.
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Pour parvenir à atteindre cet objectif, l’ONU s’est donnée pour cible d’ « éliminer les disparités entre les sexes dans les enseignements primaire et secondaire d’ici à 2005, si possible, et à tous les niveaux de l’enseignement en 2015 au plus tard ». La cible sera difficile à atteindre, et l’ONU énonce dans son point d’étape de septembre 2008 trois faits :
-« seulement 18 des 113 pays qui ne sont pas parvenus à la parité des sexes dans les écoles primaires et secondaires avant la date butoir de 2005, ont des chances d’atteindre cet objectif d’ici 2015 » ;
-par ailleurs, si les filles comptent pour « seulement » 55% de la population non scolarisée, cette moyenne cache d’importantes disparités, une grande inégalité entre les sexes persistant pour l’enseignement primaire dans certaines zones, notamment en Afrique subsaharienne, en Asie occidentale et en Océanie. De plus, dans ces zones, le problème de l’eau a un impact important sur les femmes et les filles : ce sont elles qui passent le plus clair de leur journée à aller puiser de l’eau, et nombres de filles ne vont pas à l’école faute de sanitaires privés et décents ;
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Photo : ONU
-d’autre part, entre 2000 et 2008, le pourcentage de sièges parlementaires tenus par des femmes n’est passé que de 13,5% à 17,9%, et ce taux n’est supérieur à 40%, tout en restant inférieur à 50%, que dans 5 pays au monde, dans l’ordre : le Rwanda, la Suède, Cuba, la Finlande, et l’Argentine. En janvier 2008, seulement 7 des 150 chefs d’Etat élus et huit des 192 chefs de gouvernement étaient des femmes.
Car au-delà du budget alloué à ONU Femmes, on le voit bien, c’est l’action sur le terrain qui sera primordiale. Or au budget d’ONU Femmes correspond actuellement un effectif de 284 personnes, contre 7 200 pour l’agence de référence pour les associations, l’UNICEF (soit 25 fois plus !), 3 334 pour le PNUD et même 900 pour Onusida, qui chapeaute les diverses agences spécialisées dans la lutte contre le sida. C’est tout à fait insuffisant pour être présent sur le terrain ; les 330 ONG qui avaient mené une campagne pour la création d’une agence onusienne des femmes, la « Gender Equality Architecture Reform Campaign », estimaient qu’il fallait au minimum 1 Md$. Cet objectif sera difficile à atteindre, nombre des pays membres de l’ONU ne voulant pas d’un « Unicef bis », regrette Daniela Rosche d’Oxfam, confédération de 14 organisations qui agissent contre les injustices et la pauvreté dans plus de 100 pays. À défaut d’avoir ses propres structures, ONU Femmes devrait s’appuyer, au moins temporairement, sur les structures du PNUD, présent dans (seulement) 135 pays. Une béquille pour les premiers pas d’ONU Femmes…
Au niveau des soutiens, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, malgré la crise qui risque de refroidir bon nombre de pays contributeurs, verseront à ONU Femmes le double de ce qu’ils versent aujourd’hui à l’Unifem. La France de Nicolas Sarkozy est, on s’en doute, un mauvais élève : elle reste au 17ème rang des pays donateurs.
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Dessin de Muzo
Reste à connaître le nom de celle qui prendra les rênes de l’agence : une liste de 10 noms circulent dont 7 Africaines, mais la favorite, qui n’est pas dans la liste, est Michelle Bachelet, présidente socialiste chilienne de mars 2006 à mars 2010, et première femme à être élue présidente au suffrage universel direct en Amérique du Sud. Ségolène Royal était venue la soutenir lors du second tour de l’élection présidentielle en janvier 2006. Dès le 30 janvier 2006, Michelle Bachelet avait tenu une promesse faite lors de sa campagne en instaurant la parité dans son gouvernement, annonçant la nomination de 10 ministres femmes et de 10 ministres femmes.
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Michelle Bachelet et Ségolène Royal en janvier 2006 (photo : Patrick Bruchet)
D’autres rumeurs évoquent aussi le nom de Mamphela Ramphele, militante anti-apartheid et ancienne directrice générale de la Banque Mondiale.
Frédérick Moulin
Sources : www.un.org/fr, Mission difficile pour l'agence ONU Femmes, Le Monde daté du 22 juillet 2010, LeMonde.fr du 2 juillet 2010, Wikipédia

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