19 février 2010

Intervention de Danielle BOUSQUET,

Députée des Côtes d'Armor, Vice présidente de l'Assemblée Nationale
dans l'hémicycle le jeudi 18 février sur la Proposition de résolution européenne visant à promouvoir l'harmonisation des législations européennes applicables aux droits des femmes suivant le principe de la «clause de l'Européenne la plus favorisée». Résolution qui au regard des votes sur les amendements intervenus aujourd'hui, devrait être votée mardi prochain après-midi.

Monsieur le Président, Madame la ministre, mes chers collègues.
En vérité, la question qui se pose à nous aujourd'hui est celle d'une ambition : l'ambition de redonner un véritable élan global, par l'Union Européenne, à la longue et difficile conquête des droits des femmes et de l'égalité entre les hommes et les femmes; et par là-même l'ambition de nous réconcilier avec une Europe qui, dans ce domaine, aurait définitivement le visage du progrès alors qu'elle nous habitue tristement, sur tant d'autres questions, à endosser les habits de la régression sociale.
Ce choix de l'ambition nous est offert par le formidable travail réalisé minutieusement par l'association «Choisir la cause des femmes» présidée par Mme Gisèle HALIMI. Notre proposition de résolution est l'occasion de rappeler que les progrès dans les droits des femmes sont toujours passés par l'Europe. De rappeler aussi, pourquoi la solution à une persistance coriace des inégalités entre les femmes et les hommes doit encore davantage passer par l'Europe. Ce texte, est aussi une chance d'affirmer que la France, et notre Parlement en particulier, a un rôle d'éclaireur à jouer dans la recherche d'une ambition européenne réaffirmée et renforcée en matière de droits des femmes.
Depuis les années 70, l'Europe a considérablement fait avancer les droits des femmes. Ce sont en effet pas moins de quatorze directives les concernant qui ont été adoptées entraînant de nombreuses avancées concrètes en Europe et en France. Et elles en appellent de nouvelles, comme par exemple une modernisation du congé maternité et un encouragement des hommes à l'exercice de la parentalité, avancées contenues dans la proposition de loi que nous aurons l'occasion de discuter le 25 mars. Ces deux avancées découlent de la proposition de directive de la Commission européenne, reprise par le rapport Tarabella adopté par une majorité confortable des députés européens le 10 février dernier. L'Union Européenne en donnant les moyens de réaliser des comparaisons entre ses membres, permet une évolution des mentalités en ouvrant le champ des possibles.
Il est à souligner à cette occasion qu'il est paradoxal que ceux qui manient avec beaucoup de dextérité les exemples étrangers pour faire avaler aux français des régressions en tout genre, soient les mêmes qui, lorsque ces exemples étrangers servent des progrès sociaux en France, nous opposent l'affirmation selon laquelle ce qui est possible ailleurs ne l'est pas ici. Je m'interroge en effet, pourquoi l'exemple suédois serait-il valable lorsqu'il s'agit d'allonger l'âge légal de départ en retraite, et ne le serait-il plus lorsqu'il s'agit d'allonger la durée légale du droit à l'IVG ?
L'harmonisation par le haut doit notamment être l'occasion de faire avancer la question des droits sexuels et reproductifs, c'est-à-dire la maîtrise de cette question essentielle de leur vie par les femmes. Ce sont des droits essentiels, ce sont les premiers. Sans la liberté fondamentale de choisir de donner la vie, les femmes ne peuvent vivre à égalité avec les hommes, notamment au moment de s'inscrire dans la vie professionnelle. Je parle ici des dispositions qui garantissent l'accès à l'éducation sexuelle, et non seulement le droit formel mais l'accès réel aux moyens contraceptifs et à l'avortement. Les conditions de nombreuses Européennes en matière de droit à l’avortement et de libre accès à la contraception restent aujourd’hui préoccupantes et révèlent de profondes disparités puisque l’avortement est en effet toujours interdit dans plusieurs Etats-membres de l’Union européenne (l'Irlande du Nord, la Pologne, Malte et Chypre), tandis que certaines femmes comme les Roms en Slovaquie ont été encore récemment, victimes de stérilisations forcées. Autant d’exemples qui montrent combien l’Europe est encore loin du compte, et dans le même temps, cette même Europe peut-être vecteur de progrès considérables, si nous savons donner l'impulsion nécessaire.
Il nous a été avancé l'argument selon lequel la présentation de ce texte serait inopportune. Comment le calendrier dans lequel s'inscrit cette proposition de résolution pourrait-il constituer autre chose qu'une formidable opportunité ? En effet, les 25 et 26 mars à Valence, la présidence espagnole a décidé de consacrer le conseil des ministres de l'Union exclusivement à l'égalité entre les femmes et les hommes. Et dans cette perspective, un groupe interministériel travaille actuellement sur un traité entre la Belgique, l'Espagne, la Suède et la France concernant le principe de la clause de l'européenne la plus favorisée. Le parlement français est dans son rôle si, en votant ce texte, il envoie un signal positif de soutien et d'accompagnement à notre gouvernement et à la présidence espagnole. Nos démarches sont complémentaires et participent de la même émulation au service des droits des femmes. Le contraire nous priverait d'une occasion d'être associés, et dans ce contexte, ne serait pas compris.
Nous avons pu sentir ces derniers jours un flottement sur les bancs de la majorité, voire même de la part de Monsieur Copé la crainte d'adopter une méthode par trop ambitieuse, lui qui préférerait et je cite, « le cas par cas ». J'ai donc envie de dire aux députés de la majorité: n'ayez pas peur et soyez cohérents. Lors des dernières élections européennes, il y a six mois, le slogan de l'UMP appelait de ses voeux « une Europe qui protège et qui agit ». Place aux actes mes chers collègues! Le Sénat belge a su ouvrir la voie en 2007, disons nous aussi OUI à une Europe qui protège et qui agit, en votant pour cette proposition de résolution. Un vote contraire serait indéniablement un renoncement de plus à une vraie ambition en terme de droits des femmes et d'égalité hommes-femmes. Mais je suis convaincue que nous serons nombreux à faire le choix de l'espoir, de l'avenir, et du progrès!

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