29 septembre 2010

Une analyse de Michèle Delaunay de ce que pourrait/devrait être le non-cumul des mandats

Michèle Delaunay nous livre son analyse de ce que devrait être le non-cumul des mandats : réflexion sur les notions de mandat et de fonction (exécutive) et sur la notion primordiale de surface électorale. Le Monde s'était livré à une analyse de 'surface électorale' des députés en octobre 2009 et avait conclu qu'environ 85% des députés français cumulaient, obtenant une 'surface électorale' trop élevée.
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Graphique Le Monde repris le 12 août 2010 par Etoile 66 sur le site de Médiapart
Mais elle nous fait également réfléchir sur les cumuls de fonctions exécutives, sur les cumuls de mandats et de métiers, sur le cumul dans le temps, et, pire que tout, sur le cumul des mandats et des fonctions dans la durée.
20 000 habitants, c'est la ville d'Arcueil, ou un peu moins que celle d'Annecy-le-Vieux, dont Bernard Accoyer, président de l'Assemblée Nationale, est maire.
Depuis 2007, Michèle Delaunay soutient Ségolène Royal ; elle a largement contribué à l’écriture de la partie « santé » du programme de l’ex-candidate à la présidence de la République. Cancérologue, élue députée de la 2ème circonscription de Gironde le 17 juin 2007 face à Alain Juppé avec 50,93% en emportant une circonscription détenue depuis plus de 60 ans par la droite, elle est Conseillère générale du canton Grand Parc – Jardin Public (Bordeaux) depuis 2004, « à droite depuis 60 ans » (Michèle Delaunay). Ce canton a « 26 543 habitants ».
Lors du second tour des élections régionales de mars 2010, Michèle Delaunay relevait sur son blog que le canton Grand Parc – Jardin Public avait voté à 54% pour la liste menée par Alain Rousset, président PS de la Région Aquitaine.
Hugues Martin a été maire UMP de Bordeaux de décembre 2004 à octobre 2006, et député UMP de 2004 à 2007. Un ex-député-maire UMP en somme.
F.M .
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Ce que pourrait/devrait être le non-cumul des mandats
lundi 27 septembre 2010
Je me suis exprimée à plusieurs reprises dans ce blog - et ailleurs - sur ce que pourrait être le non cumul des mandats. Je le fais une fois encore, de manière plus détaillée, avant d'expliquer les raisons de ma candidature aux élections cantonales.
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Michèle Delaunay
La première base légitimant ce non-cumul est un principe simple : quand on ne fait pas un job, il ne faut en avoir ni le titre, ni le salaire. Inversement, il faut que ce soit la personne qui l'assume qui ait ce titre et ce salaire.
Autrement, il faut condamner fermement le cumul quand, à l'évidence, on ne peut assumer pleinement l'un et l'autre mandat. Je renvoie à un précédent billet (député-maire, sénateur-maire). Nul ne peut être maire à plein temps d'une grande ville et assumer convenablement son mandat de parlementaire. Cela vaut pour les autres grandes fonctions exécutives (président du Conseil Général ou régional) et c'est pour cela que le Parti Socialiste s'est engagé dans le non-cumul d'un mandat de parlementaire et d'une fonction exécutive. Tout cela n'est pas simple pour l'opinion publique qui ne connaît pas obligatoirement la différence entre mandat et fonction. Un conseiller régional, ou général, qui n'est ni Président, ni vice-Président, n'a pas de fonction exécutive. Être Maire d'une ville, quelle qu'en soit la taille correspond à une fonction.
Les autres arguments sont les suivants. Il ne faut pas emboliser la vie politique en laissant plusieurs fonctions entre les mains d'un seul. Cela vaut d'ailleurs à mon avis pour le cumul dans le temps. On ne peut renouveler le personnel politique si l'on permet qu'un même mandat ou une même fonction puissent être assumés par la même personne trente ou quarante ans durant et jusqu'à un âge canonique. On sait d'autre part que la créativité, par exemple à la tête d'une Mairie, s'épuise au fil du temps, que des réseaux se créent et paralysent la dynamique de la ville. Ceci vaut d'ailleurs quand une ville est détenue 50, 60 ans ou davantage par une même majorité. On ne cherchera pas bien loin des exemples
De plus, le cumul, surtout s'il associe surface électorale et durée dans le temps concentre dans les mains d'un seul des pouvoirs que l'on peut qualifier d'excessifs. Il en fait une personne incontournable dans toutes les décisions, il affaiblit opposition et possibilité de critique, ainsi que les chances d'alternance.
Pour ma part, je n'aurais pas choisi le non-cumul proposé par le Parti Socialiste, qui est l'interdiction d'un mandat de parlementaire et d'une fonction exécutive. Au contraire, le cumul de deux fonctions exécutives (ex : Maire d'une grande ville et Président du Conseil général) reste possible. J'aurais plus volontiers pris pour critère la surface électorale des deux mandats.
Ainsi, une circonscription couvre une surface de 80 à 120 000 habitants. Pourquoi interdire qu'un parlementaire soit Maire d'une petite ville ou élu d'un "petit" canton ? J'avais fixé la limite du "petit" à 20 000 habitants, sachant que "mon" canton la dépassait. On devine que je reviendrai sur le sujet
La difficulté est : quelle est la surface électorale d'un Président de région ou d'un président de Conseil général ? Eh bien, soyons généreux; accordons lui (ce qui est faible) la même surface que celle d'un parlementaire. Celui-ci ne pourra donc pas être Maire d'une commune de plus de 20 000 habitants.
C'est plus lisible que la formule du PS, même si ce n'est pas non plus parfait. Le parfait en la matière n'existe pas.
À côté du cumul des mandats, il y a un sujet que personne n'aborde : le cumul d'un mandat, tel que parlementaire, et d'un métier. Non, on ne peut pas être parlementaire et médecin hospitalo-universitaire. C'est malhonnête en vertu du principe fondamental posé en tête de ce billet. Non, on ne peut pas être avocat d'affaires et parlementaire : s'ajoute à la raison précédente, le motif du conflit d'intérêt. Non, on ne peut être en même temps directeur d'école, artisan, médecin praticien... ET parlementaire. Et c'est pour cela qu'il faut absolument définir un statut de l'élu, qui lui assure la possibilité de retrouver son emploi ou un emploi correspondant, tout en sachant que beaucoup de métiers, aucune solution parfaite ne pourra être obtenue.
Voici ces quelques idées. Je n'ai pas changé d'avis, mes écrits en témoignent et c'est en connaissance de tout cela que je vais tout à l'heure présenter ma candidature pour les élections cantonales 2011, dans le canton Grand Parc-Jardin public dont je suis l'élue sortante.
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Député-maire, sénateur-maire
vendredi 24 septembre 2010
Ce soir, dans une manifestation (et pas la moindre : la rentrée du barreau de Bordeaux), un éminent orateur s'est adressé à Alain Juppé en l'appelant "M. le député-maire".
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Alain Juppé, 'député-maire' de Bordeaux
Le problème n'est pas Juppé, mais cette espèce d'habitude lourdement ancrée dans nos traditions politiques (et un peu plus à Bordeaux qu'ailleurs) de cumuler les fonctions, en paraissant les additionner alors qu'on ne fait qu'en effacer l'une ou l'autre.
Un député ou un sénateur-maire est-il plus puissant qu'un député ou un sénateur tout court, ou bien qu'un maire tout court ? La réponse est simple : cela dépend de la taille de la ville. S'il s'agit d'une sympathique petite bourgade de nos campagnes, le député l'emporte haut la main et, pour ses quelques centaines d'administrés, il est celui qui a l'oreille de Paris et en effet, son audience est alors plus grande. S'il s'agit d'une de nos grandes métropoles, le maire est celui qu'on désigne au Parlement par sa ville. Rebsamen n'est pas connu parce qu'il est sénateur, mais parce qu'il est maire de Dijon. Collomb, parce qu'il est maire de Lyon. Leur "pouvoir", sur le terrain comme au national, ne tient pas à leur mandat de parlementaire, mais à ce que représente leur ville. Seul Jean-Marc Ayrault est également connu pour chacune de ses fonctions, parce qu'il est président du groupe SRC à l'Assemblée, groupe plutôt dynamique et audible nationalement, et qu'il est Maire de Nantes, ville également dynamique.
Ces fonctions, parlementaire et maire, fondamentalement, ne sont pas cumulables. Maire d'une grande ville est un emploi non seulement à plein temps mais à plein engagement du cerveau, à pleine présence sur le terrain. Député ou sénateur, ou on le fait bien, ou quelqu'un d'autre le fait. Sinon, on dévalorise l'importance du Parlement.
On devine que je vais introduire la question du cumul des mandats. J'y viendrai dans un prochain billet que je veux réfléchi, posé, parfaitement honnête, comme l'est d'ailleurs cette introduction et, j'espère, tout ce que j'écris.
À celui-ci, je n'apporterai qu'une conclusion souriante. Jean Louis Debré, Président du Conseil constitutionnel, était à deux chaises de moi quand cette belle apostrophe de "député-maire de Bordeaux" a été utilisée. Aimablement, il s'est tourné vers moi d'un air de dire "Vous avez encore du travail !"
Ma réponse l'a fait sourire plus encore : - Eh oui, il me faudra bien trois mandats pour effacer ces mauvaises habitudes bordelaises !"
Hugues Martin, qui était entre nous, a paru ne pas entendre.
Blog de Michèle Delaunay

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